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  • Voix des abbesses du Grand Siècle: La Prédication au féminin à Port-Royal. Contexte rhétorique et Dossier
  • Vincent Grégoire
Voix des abbesses du Grand Siècle: La Prédication au féminin à Port-Royal. Contexte rhétorique et Dossier. By Thomas M. Carr Jr.Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2006. 360 pp. €58.00.

Le silence est de rigueur pour la religieuse cistercienne parce que saint Benoît a spécifié dans sa Règle que s'il convient au maître de parler et d'instruire, il sied au disciple de se taire. Cette réduction au silence des moniales, que renforcent les interdictions pauliniennes, est strictement appliquée à l'abbaye de Port-Royal après 1608 et la réforme que la Mère Angélique y opère. Mais, comme le montre très bien Thomas Carr dans son ouvrage, les trois abbesses qui se succèdent à la tête de ce monastère au 17ème siècle, les deux soeurs Angélique et Agnès Arnauld puis leur nièce, Angélique de Saint-Jean Arnauld d'Andilly, sont loin d'être muettes et vont, par leurs discours, rythmer la vie de la communauté mais aussi cristalliser la résistance à l'autorité royale à l'époque des persécutions anti-jansénistes. En effet, une tradition autorise la parole aux abbesses; et, comme l'explique le professeur Carr, c'est la conjonction d'abbesses exceptionnelles lors d'une époque de grande persécution de la communauté de Port-Royal qui va valoir à nombre de ces discours d'être conservés. Dans la mesure où le prêche est une responsabilité historiquement dévolue aux hommes, l'étude suivante va se concentrer tout d'abord sur l'originalité de cette parole féminine et la manière dont elle s'insère dans la vie liturgique de l'établissement; puis sur la façon dont les discours des trois femmes s'inscrivent dans leur époque respective; et finalement sur la richesse et diversité de ces morceaux d'éloquence. Angélique Arnaud, par ses discours, affermit la réforme qu'elle a entreprise avant de préparer, dans les der-niè res années qui précèdent sa mort (survenue en 1661), la communauté à la persécution qu'elle voit venir. Agnès, qui lui succède, quoique le nombre de ses discours conservés soit très limité, tient un rôle-clé lors de la confrontation Eglise - Port-Royal. En effet, lors des événements des années 1660, quand le roi impose l'isolement du monastère et la séquestration des soeurs, c'est presque naturellement que sa parole va remplacer celle des prédicateurs et adopter un ton de résistance. Les discours d'Angélique de Saint-Jean, sont quant à eux, le sommet de cette parole abbatiale. Ses discours exposent une intellectualité subtile derrière des raisonnements soutenus qui visent à atteindre le coeur par l'esprit. Le dossier, en deuxième partie de l'ouvrage du professeur Carr, est bien organisé et illustre sans ostentation les différents types de discours formulés au fil des années par les trois abbesses: discours de noviciat, de vêture, de profession, propos publics sur les Règles et Constitutions, avertissements, conférences, exhortations, remarques sur des élections internes ou sur le décès de soeurs. Très peu d'erreurs sont à noter hormis pour les dates de la Mère Agnès (p. 10). En résumé, Voix des abbesses est un ouvrage très bien documenté, érudit, foisonnant [End Page 461] d'informations de première source et une contribution d'importance pour mieux comprendre l'attitude des religieuses de Port-Royal au 17ème siècle.

Vincent Grégoire
Berry College (GA)
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