In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Usine à mémoires. Les Archives nationales du monde du travail à Roubaix
  • Thomas Le Roux
Françoise Bosman (sous la direction de). – Usine à mémoires. Les Archives nationales du monde du travail à Roubaix. Paris, Le Cherche midi, 2008, 287 pages.

En 1949, les Archives nationales avaient créé, sous la direction de Bertrand Gille, une section des archives économiques et sociales, dans le site historique de la rue des Francs-Bourgeois à Paris. En 1993, cette section est devenue le Centre des archives du monde du travail (CAMT), installé à Roubaix. Depuis janvier 2007, au CAMT a succédé un service à compétence nationale, intitulé Archives nationales du monde du travail (ANMT). Cet ouvrage collectif se fait l'écho du changement de statut de cet important dépôt d'archives et vise à faire connaître l'intérêt majeur des fonds qui y sont conservés. De grand format et de belle facture, il n'est pourtant ni un guide de recherche ni un inventaire des fonds. Françoise Bosman, qui assure actuellement la direction des ANMT, a conçu l'édition de ce livre comme une invitation à entrer dans ce lieu, par plusieurs exposés historiques montrant les potentialités des fonds.

Les contributions des historiens et d'un sociologue sont agrémentées d'iconographies aux légendes précises se rapportant à l'inventaire des fonds. Le chapitre d'exposition, écrit par Françoise Bosman, traite des questions de conservation et de fonction des archives, et montre la spécificité des ANMT, qui regroupent, sur 35 kilomètres de rayonnages, des archives d'entreprises (banques, firmes industrielles, PME, etc.), du mouvement coopératif, des syndicats, mais aussi de diverses associations caritatives ou sportives, ou encore de cabinets d'architectes. Sa mise au point sur le travail des conservateurs donne des repères utiles, y compris à l'historien aguerri. Surtout, elle établit une relation de proximité directe avec les usagers du lieu, qu'elle identifie non seulement aux chercheurs professionnels ou aux généalogistes accomplis, mais aussi à tout citoyen curieux ou à la recherche d'une information précise (justificatif de travail, dates d'ascendants, etc.). Comme si le terme d'«archives économiques et sociales » portait une connotation rébarbative, F. Bosman insiste sur la fonction sensible de l'archive, sur la part d'intime qui lui est inhérente : c'est une « invitation au voyage » qui est proposée, pour inciter tout citoyen à « pousser la porte » des ANMT. La part réservée à l'iconographie, omniprésente et de très haute qualité, concourt à cet objectif : persuader, avec raison, du caractère attrayant de la recherche dans des cartons parfois poussiéreux. Ce faisant, l'ouvrage se veut aussi un outil de communication, à l'image d'un centre d'archives qui est aussi un lieu culturel et qui organise colloques, expositions, concerts et rencontres mensuelles.

Le site qui accueille les ANMT n'est pas anodin, puisqu'il s'agit de l'ancienne filature Motte-Bossut qui a tant contribué à l'industrialisation de Roubaix au XIXe siècle, et pour laquelle Thibault Tellier retrace l'histoire et les enjeux patrimoniaux. Construite en centre ville au bord du canal à partir de 1863, plusieurs fois agrandie jusqu'en 1905, l'usine possédait une emprise spatiale qui lui conférait un statut urbain particulier. Plusieurs centaines d'ouvriers y travaillèrent jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, elle n'échappa [End Page 163] pas à la désindustrialisation textile du Nord, et elle ferma ses portes en 1981. Son importance historique et son architecture la sauvèrent de la destruction. Inscrite à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1978 pour son caractère de forteresse industrielle à la symbolique marquée, elle fit l'objet d'importants débats sur sa reconversion au début des années 1980. Les problématiques du patrimoine industriel, de la réhabilitation et de la reconquête par la ville de nouvelles activités secouèrent le site, finalement reconverti en CNMT après des travaux qui se sont échelonnés de 1988 à 1993. La transformation est heureuse : la mémoire est devenue un enjeu...

pdf

Share