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  • Éditorial:Nouvelles perspectives sur les organisations
  • Patrick Fridenson

Le monde est aujourd'hui aux prises avec deux types différents de mutations. L'une est ouverte par une crise cyclique de court terme, une crise financière et économique de grande ampleur, sans doute la plus importante depuis la dépression des années 1930. L'autre provient de la volonté croissante d'une partie des citoyens, des entreprises et des États de réorienter la croissance dans le sens d'un développement durable, c'est-à-dire à la fois assumant une responsabilité sociale des entreprises et respectueux de la planète. Sans entrer à chaud dans l'étude même de ces mutations, il a donc paru opportun à la revue Le Mouvement Social de consacrer un numéro spécial à un des types d'acteurs collectifs les plus importants de ces mutations : les organisations, tant publiques1 que marchandes2. Les huit articles que nous avons rassemblés et qui vont du début du XIXe siècle à aujourd'hui apportent des analyses dont je voudrais tenter ici de souligner les apports d'ensemble.

Des approches qui ont changé

Ces apports sont d'abord emblématiques des ouvertures actuelles à d'autres méthodes.

Si les contributions que nous publions sont l'œuvre d'historiens et de sociologues, un point saillant est la référence qu'elles font à deux autres sciences sociales : le droit (Irène Favier, Heike Weber) et la gestion (Irène Favier, François Hochereau). Pour mieux comprendre les organisations, l'histoire sociale, économique, ou culturelle a désormais besoin de faire appel à ces disciplines.

Si les articles concernent des organisations soit publiques (ministères de l'Intérieur et de l'Agriculture et du Commerce, ministère des PTT, Bureau International du Travail), soit partiellement privatisées (France Télécom), soit privées (Alais Froges et Camargue dans l'aluminium, Nestlé et Perrier dans l'agro-alimentaire, la FNAC dans la distribution), l'approche ne se [End Page 3] limite plus aux organisations elles-mêmes. Elle inclut les réseaux dans lesquels soit ces organisations s'insèrent (Thomas Cayet, Heike Weber), soit les membres de leur personnel prennent appui pour entrer ou progresser dans les organisations (Maurizio Gribaudi). L'analyse de ces réseaux selon différentes méthodes devient une composante forte des recherches historiennes sur les organisations comme ailleurs3.

Ensuite les apports de ces articles ont trait à plusieurs questions de fond qui sont au cœur de l'actuelle réflexion historienne sur les organisations.

Si les articles concernent essentiellement la France et l'Europe (ce qui est une limite évidente du présent numéro, tant les relations entre pays du Nord et du Sud sont prégnantes), la plupart s'inscrivent dans une perspective internationale. Il ne s'agit pas seulement de la circulation des idées, des personnes, des capitaux et des objets, dont cette revue a déjà beaucoup traité. Il s'agit du fait que l'histoire des organisations pousse aujourd'hui dans deux directions opposées et pourtant liées : la mondialisation d'un côté, la mobilisation des territoires4 d'autre part. La question centrale qui apparaît ainsi au grand jour est celle des tensions entre le global et le local. L'article d'I. Favier montre ainsi comment les ouvriers et les cadres de Perrier, lorsqu'ils passent sous le contrôle d'une multinationale suisse, ont recours aux juridictions françaises pour faire du droit national un bouclier contre les extensions des prérogatives managériales et les restructurations5. L'article de H. Weber présente les contradictions entre la vision nationale du téléphone portable développée par les Allemands de l'Ouest et celle sur laquelle les deux organisations internationales de télécommunications, confrontées à une multiplicité de standards, vont tomber d'accord.

Si les articles retenus traitent aussi bien d'organisations publiques que d'organisations marchandes, c'est parce que aux questions classiques sur la régulation ou la dérégulation de l'économie, ou bien sur les frontières entre le public et le privé (sur lesquelles les partis...

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