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  • L’Œil révolté: Les Salons de Diderot
  • Christina Vogel (bio)
Stéphane Lojkine. L’Œil révolté: Les Salons de Diderot. Paris: Actes Sud, 2007. 480pp. €33. ISBN 978-2-7427-7251-3.

En réunissant dans une vaste synthèse les résultats des recherches qu’il a conduites, d’abord dans le cadre d’une thèse et, ensuite, dans celui d’une habilitation et du programme Utpictura18, Stéphane Lojkine se propose de dégager des Salons de Denis Diderot, non pas une structure fermée, tout au contraireni un discours abstrait et stable sur la peinture mais, un réseau ouvert de relations concrètes et mobiles. Au lieu de les lire comme une œuvre achevée ou un catalogue d’idées esthétiques, son propos est de mettre en évidence le dispositif sous-jacent aux [End Page 647] Salons. La notion de « dispositif », qui joue un rôle capital dans son travail, est censée rendre compte de la superposition de trois niveaux ou domaines de réalité que l’auteur de cette étude voit à l’œuvre dans la critique d’art de Diderot. La spécificité des Salons tiendrait à la médiation entre ces niveaux à la fois distincts et indissociables. Les trois niveaux, appelés respectivement « géométral », « scopique » et « symbolique », correspondent, d’une part, à deux espaces—l’espace concret du Salon carré du Louvre et l’espace du texte des Salons—et, d’autre part, à un plan intermédiaire, coextensif de « la représentation du lecteur, sollicitée pour faire coïncider Salon et Salon » (16). Analyser le réseau des articulations figuratives et thématiques que ces dimensions entretiennent entre elles, est l’objectif premier de L’Œil révolté qui s’inscrit en faux contre l’idée suivant laquelle les Salons relèveraient de la simple relation texte-image. Préoccupé de rendre aux descriptions de Diderot leur complexité, leur ampleur et leur action performative, en soulignant qu’elles transcendent la logique de la comparaison vers celle de la monstration, S. Lojkine montre que la transaction réciproque entre ces niveaux est en rapport étroit avec la circulation entre trois régimes de visibilité: regarder, imaginer, juger. L’avantage du concept de dispositif sur l’idée d’une structure binaire image-texte, tiendrait au fait que « le dispositif prend en compte l’incohérence, l’instabilité de son objet » (17).

Le modèle du dispositif, convoqué comme référence centrale, suppose simultanément le rejet de la théorie structuraliste implicitement accusée de statisme et de réductionnisme. Se réclamant d’une tradition qui remonte à Heidegger, M. Foucault, J.-F. Lyotard et à Th. Adorno, S. Lojkine fait sienne une approche du texte qui entend opérer la déconstruction de l’objet des comptes rendus du salonnier. Convaincu que cette opération correspond au principe même qui fonde l’expérience sensible de Diderot, le choix méthodologique se trouve ainsi justifié par la nature supposée de son objet d’investigation. Alors que le recours au vocabulaire et à la conceptualisation déconstructivistes—on observe l’emploi fréquent des termes de « dissémination », « défiguration »—ne paraît pas toujours rigoureusement motivé, il nous semble très important de signaler les limites auxquelles se heurtent les enquêtes soucieuses de lire les comptes rendus de Diderot dans une perspective strictement immanente. Ouvrir les Salons sur le Salon, considéré comme lieu de sociabilité, ainsi que sur l’univers épistolaire de leur communication, intégrer l’espace public du Louvre et, par la même, tenir compte des conditions d’émergence de l’opinion publique, ce sont autant d’objectifs qui parviennent à renouveler notre compréhension de la façon dont Diderot pratique, puis théorise la critique d’art en dépassant le cadre étroit des formes canoniques et des notions de mimésis et de hiérarchie des genres en peinture. [End Page 648]

L’Œil révolté réussit à mettre en valeur que les Salons sont un laboratoire où une nouvelle vision de l’art, impliquant un contrat fiduciaire, s’exerce dans un continuel échange dialogique. Insistant...

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