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  • La censure de l’imprimé. Belgique, France, Québec, Suisse romande, XIXe et XXe siècles
  • Daniel Vaillancourt (bio)
La censure de l’imprimé. Belgique, France, Québec, Suisse romande, XIXe et XXe siècles. s. la dir. de Pascal Durand, Pierre Hébert, Jean-Yves Mollier et François Valloton Québec, Éditions Nota bene, coll. Sciences humaines / Littérature, 2006, 464 p., 26,95$

Antoine Furetière, dans Le dictionnaire universel (1690), définit le censeur, selon le contexte romain, comme un magistrat chargé d’« avoir le soin de l’intérêt public, et de la correction des mœurs ». Il rajoute qu’il « avait le soin des temples, des chemins, et des édifices publics ». Cette définition des tâches du Censeur rappelle comment l’orthodoxie morale demeure aussi une question d’orthogonale, comment la censure, comme le rappelle Pascal Durand, est affaire de sens. Rectitude politique, temps contracté linéaire, occupation d’un espace public sont autant de thèmes afférents à la censure qui se verront, par la diagonale, touchés dans ce long ouvrage sur la censure de l’imprimé. Fruit d’un colloque qui avait rassemblé des représentants de la francophonie occidentale (France, Belgique, Suisse, Québec), provenant de disciplines et de facultés diverses, cet ouvrage est pluriel dans ses objets, ses méthodes et ses définitions de la censure. Les vingt-quatre contributions offrent un portrait bigarré d’Anastasie qui souvent revêt la soutane, parfois porte la légion d’honneur, ou encore le costume plus modeste du fonctionnaire. Dans son introduction, Jean-Yves Mollier souhaite que le lecteur comprenne que « la censure n’a pas de visage ». Cet objectif est réussi dans la mesure où les corpus disparates, les cas examinés au cours du XIXe et du XXe siècles démontrent, de facto, la polymorphie de la censure. S’exprimant tant par la suppression du discours, le baillonnage du droit de parole, que par la production d’une orthodoxie qui occupe le territoire, le geste censorial se constitue de stratégies multiples qui visent à légitimer, volontairement ou, plus rarement, involontairement, un ordre, moral ou laïc, au détriment de figures dissidentes et dérangeantes. [End Page 611]

L’ouvrage est divisé en six parties : « Censure et écriture », « Ordre moral clérical », « Ordre moral laïque », « Ruses d’État », « Sanctions du marché », « Nations et mémoires collectives ». Les trois premières parties mettent en scène les agents du pouvoir, religieux et autres. Les trois dernières parties réfléchissent plus sur les tactiques des instances censoriales. Celles-ci peuvent intervenir de manière biaisée. Thierry Cottour ainsi montre comment la manipulation des stocks de papier, dans la France de l’après-guerre, est une manière de discriminer les textes (journaux ou ouvrages) publiés. Elles se montrent plus franchement dans les recueils de documents diplomatiques officiels, tels qu’ils sont analysés par Sacha Zala. Le collectif se conclut par une éclairante synthèse de Francois Valloton.

Outre les cas offerts en analyse, le lecteur trouvera des contributions plus théoriques qui visent à définir formellement la censure. Ainsi, Pascal Durand rappelle comment Roland Barthes identifiait la censure, non seulement dans le droit de parole, mais aussi dans l’obligation de dire. Censurer, ce n’est pas seulement une négativité, mais c’est aussi une occupation du potentiel des discours, de facon à occulter des voix inacceptables, posées comme ne faisant pas partie d’un champ donné. Francois Valloton, en bordure du colloque, établit quatre types de censures qui recoupent l’ensemble des contributions : la censure étatique, littéraire, para-étatique et du marché. Ces catégories définissent des champs d’intervention, cartographient les sphères de fonctionnement de la censure. Se préoccupant des médias télévisuels, Robert Martineau, quant à lui, montre comment le format sémiotique d’un objet structure son mode de représentation et suture, pour ainsi dire, son mode de véridiction, se logeant sous l’emprise d’une « dictature de l’instant ». À propos des nouvelles formes de censure, il...

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