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Reviewed by:
  • Le souffle du passage. Poésie et essai chez Fernand Ouellette
  • Vincent Charles Lambert (bio)
Denise Brassard, Le souffle du passage. Poésie et essai chez Fernand Ouellette. Montréal, VLB é diteur, coll. Les champs de la culture, 2007, 448 p., 29,95$

Il n’est pas sû r qu’il soit vraiment plus simple de retracer le parcours d’un écrivain tel que Fernand Ouellette, bien que celui-ci (et pour cette raison même), depuis cinquante ans, se soit permis de revenir ponctuellement sur ses écrits, non seulement pour les remanier mais pour les commenter, les ajuster toujours plus rigoureusement à cette « forme d’un trajet » qu’il a souvent cherché à définir. Au point que le grand commentaire de cette œuvre nous est toujours donné avant tout, d’une certaine façon, par son propre créateur. La question qui sous-tend ce grand commentaire est donnée dans Ouvertures, un essai publié en 1988 : « Où en sont mes livres par rapport au seul juge qui se tient debout en moi, inlassable, inflexible ? »

Dans Le souffle du passage, le premier ouvrage entièrement consacré à Fernand Ouellette, Denise Brassard s’attarde longuement sur la propension de cette œuvre à s’écrire « en miroir ». C’est ainsi qu’elle se relance, soumise à l’autorité d’un juge placé en elle-même et vers lequel elle est contrainte de se retourner, elle qui semble entraînée par une force transcendante à s’extirper de son ancrage ontologique. Littérairement, ce juge inlassable peut trouver à s’exprimer par la voie de l’essai. Brassard fait remarquer qu’une « visée essayistique [. . .] s’impose comme d’elle-même et noyaute le poème » en assurant ainsi sa pertinence et sa tension créatrice, en même temps qu’elle risque de le faire chavirer « dans l’autotélisme, ce qui est tout à fait contraire à la poétique ouellettienne ». En effet, « l’essayiste est l’autre du poète et menace son entreprise ». Le cheminement qui émerge du Journal dénoué est dialectique, et pourrait bien s’appliquer à l’œuvre entière du poète : « ce cheminement semble aller dans le sens d’un décentrement, inscrivant comme un aller-retour du “noyau” à la périphérie, du moi à l’autre, jusqu’à une éventuelle dissolution dans la lumière de l’Autre ».

Dans un premier chapitre consacré aux années 1955 à 1973, Denise Brassard montre que ce mouvement « contrapuntique » peut s’expliquer par le double héritage de Ouellette. Il n’est certes pas le seul, parmi ceux de sa génération, dont l’œuvre est hantée par le désaccord du spiritualisme et de l’existentialisme. Dès ses premiers textes, Ouellette a été confronté à une contradiction que Brassard résume ainsi : « Comment concilier l’ascèse que commande une vision sacrée de la poésie et le besoin d’aller vers les hommes et d’agir sur son époque ? » La contradiction, relayée par l’influence de Jaques Maritain et de Jean-Paul Sartre, n’est pas sans cultiver ce grand topos de la scolastique aristotélicienne qu’est l’opposition de la vie active et de la vie contemplative. Mais tel [End Page 596] qu’on le trouve dans l’œuvre de Ouellette, ce dualisme est marqué par une expérience poétique de la révélation qui, dans son cas, doit presque tout à Novalis et Hölderlin. Si pour eux comme pour Ouellette, la poésie « se présente comme le seul lieu où peuvent s’abolir les contradictions », Brassard rappelle qu’elle « n’est jamais prise pour une fin en soi ». Son autotélisme n’est qu’apparent : tout s’y rapporte, mais comme à une épiphanie qui, en retour, excerce sur le monde une vertu révélatrice, par laquelle le poète accède à cette ouverture où sont donnés à « percevoir en même temps les deux pôles de l’être ». L’illumination ouellettienne est médiatrice; elle découvre et maintient une tension entre une aspiration d’absolu et la nécessité d’« adhérer au réel ».

La force du Souffle du passage est de montrer l’évolution...

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