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Reviewed by:
  • Entretiens. Janvier-avril 2005
  • Pascal Riendeau (bio)
René -Daniel et Daniel Dubois, Entretiens. Janvier-avril 2005. Montréal, Leméac, coll. L’écritoire, 2006, 611 p., 39,95$

Si le titre de l’ouvrage indique assez bien la forme du discours – un dialogue, un échange –, c’est le nom des auteurs qui rend l’entreprise plus singulière. Le méconnu Daniel Dubois s’entretient avec le personnage qu’il dit s’être inventé alors qu’il était enfant, et qui est devenu, dans la jeune vingtaine, René-Daniel Dubois, dramaturge et comédien bien connu. Loin d’être une forme inédite, cette conversation d’un auteur avec lui-même revêt chez Dubois un intérêt supplémentaire qui tient à [End Page 587] la fois au récit qu’il raconte et à la qualité dramatique de l’échange, de la complicité ou de la tension qui s’établit entre Daniel et René-Daniel. Présenté par l’auteur et son double comme une autobiographie, en quelque sorte, l’ouvrage n’en adopte toutefois pas la forme traditionnelle. C’est que ces entretiens contiennent un récit de vie dialogué, fragmenté, non chronologique, auquel s’ajoute de longues réflexions sur l’amour, plusieurs petits essais polémiques ou des résumés d’œuvres littéraires en chantier. Divisé en trois parties et neuf entretiens de longueurs inégales, ce livre de plus de 600 pages semble avoir été produit dans l’urgence de dire : l’essentiel a été écrit en janvier et février 2005. Dans les Entretiens, René-Daniel cède la parole à Daniel. Le premier joue le rôle de l’intervieweur complice, posant les bonnes questions, résumant la pensée du second, puis devient la conscience critique, n’hésitant pas à placer Daniel devant ses contradictions, ses incohérences. René-Daniel est même à l’occasion celui qui force Daniel à oser aller au bout des sujets douloureux, au delà de l’évocation des événements traumatisants restés enfouis. En revanche, il se transforme trop facilement en faire-valoir lorsque Daniel se lance dans une critique rageuse de la société.

Si Daniel affirme en ouverture vouloir tout simplement raconter sa vie, avec l’aide de René-Daniel, cette tâche ne sera pourtant pas si simple. En fait, il précise que la formule « Je veux me comprendre » correspond davantage à ce qu’il cherche à accomplir, que « Je veux étaler ma vie ». On saisit alors mieux que ces longs entretiens ne forment pas un récit linéaire, mais laissent apparaître une multitude de récits, accompagnés de très nombreuses digressions et dont l’unité se trouve à l’intérieur du sujet écrivant plus que dans les objets du discours. Pour mieux se comprendre, Dubois s’arrête à plusieurs moments marquants : changements fréquents d’école, mort de la mère alors qu’il a dix ans, vie « infernale » chez les grands-parents, en plus des aveux douloureux qui sont arrachés à Daniel à propos d’une agression par des adolescents alors qu’il était enfant. Tristes, dramatiques, voire tragiques, la plupart des événements révélés ou des aveux faits ne s’éloignent pas – par leur nature – des lieux communs du discours autobiographique. En revanche, c’est l’intensité, la tension dramatique ou encore la réflexion que Dubois tire de l’épisode qui le rend plus intéressant ou controversé. Par exemple, avouer qu’à 17 ans, il a eu la tentation – et l’occasion – d’assassiner sa grand-mère qui hait la vie, ce n’est déjà pas banal. Mais dans la longue discussion suivant l’événement qui n’a pas eu lieu, si l’explication de ne pas faire le geste paraît rationnelle, ce qui étonne, ce sont les préambules à cette décision, qui laissent transparaître une surprenante conception de la liberté. En précisant que ce n’est pas l’entrée prochaine à l’École de théâtre qui l’a incité à freiner son geste, il affirme que la prison aurait été pour lui « une libération infiniment plus grande que l’École de th...

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