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Reviewed by:
  • Gérer les indésirables. Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire
  • Danièle Voldman
Michel Agier. –Gérer les indésirables. Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire. Paris, Flammarion, 2008, 349 pages. « Bibliothèque des savoirs ».

Directeur du Centre d’études africaines de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), fondé par Georges Balandier, Michel Agier explore depuis longtemps d’un point de vue ethnologique et anthropologique les marges spatiales et sociales du monde contemporain. Entre 2000 et 2007, il a mené une enquête dans divers camps de réfugiés à travers la planète, dont les résultats sont l’objet de cet ouvrage. Pour faciliter l’accès à son terrain, l’auteur a collaboré avec l’organisation Médecins sans frontière. Il a pu ainsi observer de l’intérieur le fonctionnement du monde de l’humanitaire, devenu l’autre facette de sa recherche. À partir d’une étude sur les différentes catégories de camps et leur évolution, l’auteur en arrive à une dénonciation sans concession du « gouvernement humanitaire »1.

Il rappelle d’abord que la notion de « personne déplacée » est née à la suite de la Première Guerre mondiale. Sans retracer son histoire, allant de la création du « passeport Nansen », en 1922, à celle du Haut Comité pour les réfugiés (HCR) au sein des Nations unies, en 1951, et à la définition, la même année, du statut de réfugié par la Convention de Genève, il insiste sur l’évolution radicale de l’attitude vis-à-vis des populations « victimes de déplacements forcés », selon la qualification du HCR. Pour lui, depuis le milieu du xxe siècle, « la notion de protection [a été] supplantée par celle de contrôle ». C’est le premier point fort de l’argumentation. En étudiant de façon minutieuse les différents types de camps – pour lesquels est fabriqué le néologisme « encampement » – il distingue, à la suite des classifications officielles des institutions internationales, quatre grands types d’espaces de regroupement : les points de passage frontaliers, difficilement accessibles et presque invisibles ; les centres de transit, à la fois zones d’attente, centres de réception, de rétention ou de détention ; les camps de réfugiés proprement dits, « forme la plus standardisée, planifiée et officielle de cet inventaire » et les camps de déplacés dont les ONG nationales ou internationales sont « les véritables gestionnaires ». À partir de cette classification, que les situations locales amènent bien évidemment à nuancer, il estime que chaque lieu, parce qu’il est pris en charge par des administrations nationales ou internationales, a de fait pour fonction première et dernière de « gérer les indésirables », en assurant un contrôle et un tri des personnes « en situation d’attente », attente qui devient souvent « un présent sans fin ». [End Page 123]

Cette constatation amène Michel Agier à regarder d’un œil critique le travail des organisations humanitaires. Elles sont devenues selon lui les chiens de garde – l’auteur ne va pas jusqu’à employer l’expression, mais c’est celle qui vient sous la plume à le lire – des différents États et pays à l’origine des déplacements de population. Ce livre à la tonalité amère et quelque peu désabusée est donc une charge contre les organisations humanitaires non gouvernementales, gérant les camps et ayant une fonction policière. Mais son deuxième intérêt vient aussi d’un déplacement de focale et d’une autre interrogation. Délaissant la dénonciation des effets pervers de l’humanitaire, elle met l’accent sur les « bénéficiaires » de cette action et pose la question du point de vue des intéressés, rassemblée dans la formule « comment la vie renaît dans une histoire de mort ? ». À travers le déroulement de la vie quotidienne dans les camps de réfugiés du xxie siècle, il s’agit aussi de leur rendre une identité, eux qui sont « deux fois victimes, de la guerre et du déplacement forcé qui les a...

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