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Usage et esthétique du miroir dans une pièce orientale: La Statue merveilleuse de Lesage Isabelle Martin DANS LES ANNEES 1710-1730, l'engouement pour l'orientalisme fait rage, récupéré par l'esthétique rococo; comme le signale Pierre Martino, la production littéraire «exotique» augmente de près d'un tiers vers 1720.1 Lesage qui s'inspira surtout de l'Espagne, et dans son œuvre romanesque avec GiI Blas de Santillane et dans son œuvre dramatique avec le Théâtre espagnol (1700), ne résiste pas cependant au plaisir d'adapter pour la scène foraine des éléments tirés des Contes des Mille et une Nuits et des Mille et un Jours. Il connaissait bien cet univers puisqu'il avait assisté Pétis de la Croix dans son adaptation des Mille et un Jours,2 et que le conte L'Histoire de Malek et de la Princesse Schrine, traduit des Mille et un Jours, lui fournit en 1713 des éléments (lieux, mœurs, décors) pour la pièce en vaudevilles Arlequin Roi de Serendib. Il ne s'agit pourtant encore que de petites touches que Lesage pose ici et là dans ses compositions foraines, utilisant des fragments de contes dans plusieurs opéras-comiques.3 Six ans plus tard, en 17194, il décalquera par contre presque parfaitement un conte des Mille et une Nuits dans une trilogie «orientale» en trois actes: La Statue merveilleuse (en collaboration avec Fuzelier et d'Orneval). Cette pièce peut évoquer à nos yeux les vases Ming, sertis dans une monture contournée en bronze ou en or—très à la mode en ce début de XVIIIe siècle—, ou encore le reflet féerique et déformé d'un conte arabe encadré dans le spectacle chamarré de la Foire. L'analyse de la construction en miroir des Mille et Une Nuits ne nous retiendra pas ici, mais elle a déjà été souvent remarquée; Michel Foucault, par exemple, après avoir évoqué la «configuration du miroir à l'infini » et la «réflexion du miroir», note que la «structure de miroir est ici explicitement donnée: au centre d'elle-même l'œuvre tend une psyché (...) où elle apparaît comme en miniature (.. .).»5 Réflexion entre pièce et conte, entre Orient et Occident, où l'ici et Tailleurs entrent en résonance pour mieux se manifester; nous parlerions aujourd'hui de «détournement». Cet opéra-comique, qui remporta un immense succès et fut repris et adapté à différentes époques sous des appellations diverses, figure dans le Recueil des pièces foraines de Lesage sous son titre original. Léris6 dans son Vol. XXXIX, No. 3 47 L'Esprit Créateur Dictionnaire en signale plusieurs représentations ultérieures sous d'autres noms: Le Miroir magique à Paris, Le Miroir véridique ou Le Miroir sans fard en province7—trois titres qui, en faisant référence au miroir, s'inspirent plus fidèlement de celui du conte, Le Miroir des Vierges* Déjà ces appellations successives de la pièce révèlent différentes connotations , l'avant dernière, en particulier, qui confond le reflet avec les attributs du miroir en inversant sa fonction: au lieu d'être indispensable au maquillage, il en perce le fond. La pièce présente une certaine complexité pour un opéra-comique. L'acte Premier qui sert de présentation commence par les retrouvailles d'Aminé (c'est-à -dire Colombine) et de Zélis (c'est-à -dire Marinette) avec les deux compères Arlequin et Pierrot. Dans la meilleure tradition de la Foire, on apprend leurs infidélités symétriques et inavouées, parfait reflet les unes des autres. Leur maître, le roi Zein (en arabe, «Le Tout-Puissant»), après une courte introduction, raconte un rêve dont l'interprétation par son vizir Mobarek («le béni») entraîne les personnages à ouvrir une caverne dans laquelle les attendent six statues d'or et de diamant. Manque une septième statue, qui n'est figurée que par son socle et l'inscription suivante: Ce qui charme ici ta...

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