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Écriture des pierres, pierres écrites: territoires de l'imaginaire minéral dans la littérature du XXe siècle Préface Sourour Ben Ali Memdouh «Plus je fouille dans le sein maternel de la création, plus je la sens poétique et faite pour charmer l'esprit et les yeux de l'artiste»1 BRUTES ET TAILLÉES, LES PIERRES PLAISENT et attirent irrésistiblement l'artiste. Est-ce leur immobilité, rongée par le temps, qui charme son œil et son esprit? Elles lui font signe et deviennent signes; chaque pierre est objet à interpréter ou objet herméneutique: elle devient «une matrice génératrice de sens, de logos spermatikos»2. C'est ainsi que le parti pris de l'univers minéral permet une ouverture sur les territoires du sens, sens qui n'est pas donné: au lecteur de le déchiffrer. En s'appuyant sur des textes littéraires du XXe siècle, les travaux réunis dans ce volume montrent, selon diverses approches, la prégnance de la pierre comme thème d'écriture et comme source de réflexion sur le langage et sur le rapport de l'homme au monde. La pierre, sollicitée par un discours littéraire, s'avère être un «exemple de poésie», «une poésie réalisée dans la matière», une poésie, définie par Roger Caillois, comme «l'immuable dans l'inépuisable»3. Ce qui stimule la curiosité de l'homme devant l'univers minéral et attise chez lui un désir de découverte, voire de possession, c'est surtout une quête de singularité et de curiosité dans une pierre apparemment commune; c'est la naissance d'une sorte de prodige qui appartient au monde naturel, et semble pourtant presque contredire ses lois. Au XXe siècle, nous retrouvons cet intérêt pour les pierres insignifiantes dans le groupe des surréalistes, tels que Yves Tanguy, Paul Delvaux, Salvador Dali et ses galets-dragées, Victor Brauner, Max Ernst, fascinés, comme Dali, par les agates sanguinaires et arborescentes. À son tour, André Breton ne dissimule pas sa passion pour les pierres, notamment l'agate: «C'est dans la plus insignifiante des choses qu'il cherche son exemple: il choisit une pierre qui n'est précieuse que parce qu'on la veut telle, un caillou irisé, avec des bandes de couleurs changeantes assez pâles pour qu'on ne puisse y voir une beauté en soi, mais où l'œil néanmoins trouvera de quoi rêver: c'est l'agate»4. L'Esprit Créateur La nature est dotée de forces créatrices; c'est une nature organisatrice, fabricatrice , modeleuse, artiste et peintre (natura pictrix); elle offre des ouvrages naturels, des tableaux, des œuvres d'art qui peuvent aller jusqu'à concurrencer le chef-d'œuvre d'un artiste. Dans les lapidaires grecs, les auteurs ont souvent exposé ce type de merveilles: Pline décrit par exemple un bloc de marbre de Paros, ou une agate de Pyrrhus, faisant découvrir des images très variées, marque incontestable du fantastique naturel. Au XVIe siècle, la poésie scientifique accorde un intérêt particulier à ce type de pierres. À cet égard, Jérôme Cardan et Jacques Gaffarel en sont les exemples les plus représentatifs. Insistant sur la dimension fantastique, Gaffarel met l'accent sur le pouvoir de la nature de présenter des figures, des pseudo-tableaux qui alimentent et nourrissent l'imagination. Le XVIP siècle est marqué par des noms tels que Ulysse Aldrovandi {Museum metallicum, 1648), et Athanase Kircher, jésuite allemand , célèbre par son livre Monde Souterrain (1664). Cet ouvrage révèle la beauté et la précision de la description des miracles de la nature, ceux des minéraux en l'occurrence. En Chine, certaines pierres à figures sont appelées 'pierre de rêve' : ce sont des pierres imagées qui rappellent un art chinois, celui du Suiseki. Les pierres Suiseki sont des pierres-paysages, remarquables par leur forme et perçues comme des sculptures naturelles, dans leurs trois dimensions . À l'origine, ces pierres de...

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