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Des aphorismes de La Postérité du soleil au lyrisme camusien Hélène Rufat OUVRIR LE LIVRE DE LA POSTÉRITÉ DU SOLEIL1 représente une immersion dans un monde de poésie lumineuse, inhabituel par rapport à l'ensemble de l'œuvre camusienne. Bien entendu, «l'itinéraire » rédigé par René Char y contribue largement2, néanmoins ce sont bien les brefs textes de Camus qui attirent le plus l'attention. La présentation de l'ensemble de l'ouvrage offre une raison d'être à ces textes atypiques puisqu'il s'agit en fait d'un livre de photographies, que les textes camusiens viennent illustrer. La photographe, Henriette Grindat, avait pris des clichés de différents paysages et personnages de Provence, puis Camus en avait trié trente qui, d'après lui, évoquaient le mieux ce que l'on pourrait appeler «l'esprit méditerranéen». Ceci fait, il rédigea pour chacune des photographies sélectionnées un texte en consonance, où il représente, grâce aux mots, les essences qui se dégagent des images. Cet exercice d'illustration textuelle3 permet de savourer trente perles rares de la production camusienne dont la valeur littéraire mérite d'être reconnue, en leur attribuant, entre autre, la place fondamentale qui leur revient dans le troisième cycle de l'œuvre camusienne. Car cet ouvrage justifie, et illustre à la fois, la valeur poétique de la production d'Albert Camus. Pour ce livre, Camus pourrait bien être considéré comme un poète de la Méditerranée4. Pour saisir la portée exceptionnellement poétique de La Postérité du soleil, et avant de voir un peu plus en détail les textes eux-mêmes, nous allons resituer cet ouvrage dans l'évolution de la production camusienne ainsi que dans sa biographie. Juste après la rédaction de L'Homme révolté, comme il se doutait des conflits que cet essai allait effectivement déchaîner dans les milieux intellectuels de l'époque, Camus nota dans son cahier (en février 1951): «Après L'Homme révolté. Le refus agressif, obstiné du système. L'aphorisme désormais»5. Notons déjà que l'aphorisme est ainsi présenté et considéré comme le recours qui permet de s'opposer (ou de résister) au «système». La tempête arriva vite: l'affrontement entre Camus et Sartre fut spécialement mal vécu par l'écrivain «français d'Algérie»6 qui valorisait par-dessus tout l'amitié et les relations humaines. Ce rejet humain fut plus douloureux que toutes les critiques acerbes qui ne cessaient de pleuvoir sur son livre. La crispation de l'atVol . XLIV, No. 4 47 L'Esprit Créateur mosphère fut donc une des raisons qui le poussèrent à se retirer momentanément de la vie mondaine parisienne, et même à limiter sa production écrite, qui ne connut aucun nouveau «récit» jusqu'en 1956, avec la publication de l'ironique monologue de La Chute. Pendant cette période, Camus fit quelques voyages en Algérie, mais il séjourna aussi longuement du côté de L'Isle-sur-la-Sorgue. Les paysages de la Provence lui rappelaient son pays natal, disait-il, et de plus, il pouvait y retrouver de vrais amis. Parmi eux, le poète René Char. Camus l'avait rencontr é en 1946, et il lui vouait une admiration littéraire inconditionnelle7. Réciproquement, Char appréciait la compagnie de Camus et ses pensées. Au cours d'un été, il l'aida à trouver une petite maison de campagne, toute simple, comme la sienne, dans la région. Des vacances d'été succédant à d'autres, Camus et Char tissèrent les liens d'une amitié forte et sincère qui les mena même à la fondation d'une revue culturelle, Empédocle, qui eut une vie d'onze numéros, entre avril 1949 et juin 1950. Ceci dit, ce qu'ils partageaient avec le plus de plaisir c'était leurs promenades à travers les champs et les collines de Provence. Dans sa postface, Char raconte comment lui et Camus furent eux...

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