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L'Exil linguistique d'Eduardo Manet Nour-Eddine Rochdi DANS L'ÂŒUVRE ROMANESQUE D'EDUARDO MANET, l'exil occupe une place importante1. Il constitue un leitmotiv permanent qui fonctionne comme élément structurant de ses romans. C'est la raison pour laquelle il semble impératif de faire un bref rappel historique de ce sujet. Cuba est une île d'exil. Phénomène traditionnel, l'exil fait partie intégrante de son histoire nationale, marquée par trois grandes scansions au cours desquelles on constate des vagues d'émigration. Au XIXe siècle, déjà , de nombreux intellectuels cubains furent contraints d'abandonner l'île pour des raisons politiques2. Depuis leur lieu d'asile, ces écrivains ou hommes politiques ont su utiliser l'espace extra-insulaire où ils se trouvaient, contribuant chacun à leur façon à libérer leur pays natal du colonialisme espagnol et à bâtir les fondements de la nation cubaine. Lc Traité de Paris, en décembre 1898, marqua la fin du colonialisme espagnol et le début du néo-colonialisme nord-américain'. Pendant toute cette période (1902-1958), l'île connut une situation d'instabilité totale et vit défiler au pouvoir des chefs d'État corrompus. Dans cette situation chaotique, le marasme culturel atteignit son paroxysme. Être écrivain à cette époque-là était un luxe, dans un pays où les maisons d'éditions littéraires étaient presque inexistantes. Le seul véhicule d'expression culturelle était constitué par des revues comme la Revista de Avance ( 1927-1930), OrÃ-genes ( 1944-1956) ou Ciclón ( 1955-1957)4. Le vide culturel de ces années plongea les intellectuels cubains dans le désespoir total, les poussant à déserter l'île pour trouver refuge aux États-Unis, au Mexique, en Argentine, en Espagne, en Italie, en Angleterre, en France5. La victoire de la Révolution Cubaine mit fin à cette situation, permettant à tous ces écrivains et poètes le retour tant espéré vers leur patrie. Dès la premi ère année, le gouvernement révolutionnaire créa les conditions favorables pour le développement de la culture et mit entre les mains des écrivains et artistes les multiples moyens de communication, leur permettant d'exercer leurs activités créatives sans difficultés financières et dans un climat de relative liberté économique. Par ailleurs, il favorisa l'édition d'une façon consid érable et inédite à Cuba, faisant de La Havane un nouveau centre, comparable à celui de Mexico ou de Buenos Aires. Cependant, cet enthousiasme généralisé du début des années soixante ne tarda pas à s'effriter, plongeant certains intellectuels dans un désespoir total. 70 Summer 2004 ROCHDI La radicalisation progressive du processus révolutionnaire imposa un monolithisme idéologique et culturel, plaçant les écrivains et artistes cubains sous contrôle. Face à ce virement radical, la culture devenait un instrument de la Révolution, affectant les rapports entre les intellectuels et le pouvoir. S'instaura alors un climat de tension extrême avec l'arrestation du poète Heberto Padilla, devenu ainsi symbole de la répression du régime castriste et modèle de la dissidence intellectuelle. C'est dans ce contexte que commença la troisième vague d'exils de l'histoire de Cuba. Une fois encore la liste est longue et ne cesse d'ailleurs de s'allonger chaque jour. Citons simplement quelques noms pour mesurer l'ampleur de ce phénomène d'exil, qui a de plus provoqué une grave déchirure au sein de la société cubaine. Certains sont partis dès les premières années de la Révolution, parmi lesquels se trouvent Gastón Baquero, Lydia Cabrera, Carlos Montenegro, Jorge Mañach, Lino Novas Calvo, Severo Sarduy, Enrique Labrador Ruiz. D'autres les ont suivis sur le même chemin: Guillermo Cabrera Infante, Calvert Casey, Carlos Alberto Montaner, Heberto Padilla, Reinaldo Arenas, José Triana, César Léante, Jesús DÃ-az, Antonio BenÃ-tez Rojo, Norberto Fuentes, Zoé Valdés, etc. À cette liste, il faut ajouter les jeunes écrivains nés dans les années cinquante et soixante comme René Vázquez DÃ-az et...

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