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«Plus de temps en moins d'espace»: À propos de la perception du temps dans l'art et dans la littérature Peter Gendolla PARLER DE LA PERCEPTION DU TEMPS n'est certes pas chose aisée. Les définitions du temps dont nous disposons sont toujours trop vastes ou trop restreintes. Le temps semble bien être—et pas seulement aux yeux de Karl Kraus—un de ces mots dont le réfèrent recule d'autant plus loin qu'on le fixe de plus près. On distingue habituellement entre le temps subjectif et objectif, dont la structure est, elle aussi, topologique, distinction qui permet d'opposer une perception intériorisée, mouvante et relative à l'ext ériorité du temps universel. Je voudrais ici établir une corrélation entre l'ext érieur (le sociologique) et l'intérieur (le neurologique). Avec Norbert Elias, je propose de considérer le temps externe comme un ensemble de systèmes sociaux d'arrangements supra-individuels, règles très abstraites qui permettent d'effectuer la synchronisation des activités collectives1. Les calendriers et les horloges sont la matérialisation de tels systèmes. Pour servir de pendant à ces règlements externes, des systèmes internes de coordination ont été recherch és et découverts et même, entre-temps, relativement bien étudiés. Ils forment des domaines propres de connaissance, comme, par exemple, celui de la chronomédecine qui mène à des propositions fort concrètes pour un aménagement des horaires de travail qui évite d'être pathogène. On pourrait entrer dans les détails et mentionner les travaux du groupe autour de Jürgen Aschoff sur les horloges internes «circadiennes», dans lesquels, à la suite de toute une série de recherches expérimentales, a été détermin é un intervalle «naturel» de 25 heures, mis au rythme de 24 heures sous l'influence , entre autres, de la rotation terrestre autour du soleil2. Je cite ici, brièvement , un article précisant la localisation du métronome qui donne la mesure à l'horloge interne. Selon cet article, les rythmes circadiens du corps sont non seulement déterminés par l'influence de stimuli externes tels que la lumière, la répartition des repas, les temps de travail et de repos et les facteurs sociaux, mais aussi par l'horloge interne. Ce métronome individuel a son siège chez l'homme dans le nucleus suprachiasmatique, un amas de cellules nerveuses situé à la base du cerveau au-delà du croisement des nerfs optiques. ... La coordination entre les stimuli externes et le métronome interne est assurée par un système compliqu é faisant intervenir toute une série d'hormones, dont la mélatonine3. 10 Summer 2003 Gendolla Cet article est intitulé «Le Combat contre l'horloge interne» et, justement, ce combat, le conflit entre le règlement externe du temps, socialement conditionn é, et les systèmes organiques internes de coordination, est d'une grande importance. Si l'on prend l'art au sens de aisthesis ou de aisthetike techne qu'il avait dans l'Antiquité, c'est-à -dire d'aperception, de perception de la perception, de prise de conscience réfléchie de l'objet de la perception, ou de technique de la perception, on peut aussi y voir une forme particulière de la perception du temps. Et si, d'autre part, on accepte cette notion de combat comme forme de conflit entre les règlements externes, socialement détermin és, des accords supra-individuels et l'activité de coordination interne, alors les arts peuvent être considérés comme un réajustement ou comme une compensation à ces efforts de synchronisation exigés continuellement de l'individu . Considérés ainsi, les arts offrent des possibilités de jeu, d'expérimentation ou de vérification au moyen desquels les deux domaines, intérieur et extérieur, dont l'action contraire va jusqu'à la confrontation violente, pourraient faire l'épreuve de leur engrènement ou en émousser les aspérités. De fait, en mettant le domaine de l'esthétique au rang d'une activité de compensation ou d'espace de jeu—jeu pris ici au sens concret, du...

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