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L'autobiographie post-moderne, post-mortem: Madonna auto(bio)graphe Olivier Sécardin NOURRIE DE SCEPTICISME et désavouant la théologie, la subjectivit é postmoderne n'exige pas l'extraction de contenus référentiels réels. Alors que dans l'autobiographie moderne, le «je» qui s'énonce, excédant ses lacunes et ses dispersions, prescrit un contenu référentiel qui engage le pacte autobiographique, la forme postmoderne engage une référentialit é qui n'est plus réaliste. Le «je» postmoderne qui n'a de réalité que l'effet de sa représentation, se trouve séparé du «je» qui l'énonce. «Je» n'étant pas «je» qui dit «je», la personne se trouve neutralisée par son inadéquation. Brouillant le partage du réel et du fictif, la condition postmoderne entame un postulat quelque peu dysphorique: toute autobiographie est fiction parce que toute fiction est autobiographique. Incapable de discerner l'effet de sa cause, c'est-à -dire d'attribuer une origine, l'autobiographie postmoderne est donc l'espace d'une désaffection du sujet, de l'objet et de l'auteur. Cette mutation épistémique de la condition postmoderne fait de l'identité un événement aléatoire qui n'a de réel que l'acception peircienne de sa représentation: «je limite le mot représentation à l'opération d'un signe ou sa relation à l'objet pour l'interprète de la représentation»1. En ce sens, l'hégémonie communicationnelle engagée par les mass-media tend à effacer la limite entre le[s] réel[s] et les représentations: elle est le sas d'entrée de l'effet du simulacre. C'est ce constat qu'établit Vattimo dans La Société transparente : «Le terme postmoderne a un sens, lié au fait que la société dans laquelle nous vivons est une société de communication généralisée: la société des mass media»2. Paradoxalement, ce processus d'hyper-communication produit un mouvement inverse de dissolution du sujet et de déclin définitif des métarécits. Désormais, la représentation peut produire l'événement parce que l'effet se confond avec la cause (l'origine) du réel: le spectacle se résorbe en spécularité, dans l'impasse de l'impossible recours au récit. Dans ce procès, l'autobiographie postmoderne fonctionne en régime mixte. D'une part, elle perfore la possibilité d'une identité du sujet-énonciateur contenu dans son énoncé. D'autre part, elle sur-sollicite la fonction conative afin de souscrire aux lois du marché. Le média est le message et la sollicitation de la fonction conative rétroagit paradoxalement sur ce que Barthes a appelé la «figure de l'auteur»3 dans laquelle le lecteur peut se projeter. Abandonnant les paradigmes de l'épistémè moderne, une pragmatique est 66 Winter 2002 Olivier Sécardin convoquée qui dessine les contours d'un fonctionnement méta-discursif: si l'identité fait écran, il s'agit déjà de l'écran (obstacle et signe interposés à la fois) d'une identité indisponible (inatteignable) qui, à force d'être possible, est simplement contingente. Possible mais non nécessaire, elle est liberté d'indiff érence. Ce régime pointe vers l'immanence de l'événement dont le réel ne préexiste pas à son effet. Dans ces conditions, la question «comment l'autobiographie est-elle possible?» constitue un anachronisme qui emprunte ses paradigmes à l'épistémè moderne. Elle est possible a posteriori et à condition d'admettre l'impossibilité de son récit. Embrayant l'usage performatif du «je», l'entreprise de Madonna (1958-) semble mesurer les paramètres de cette énonciation post-moderne: «Voir, mais ne pas être vu. Suspecter, mais n'avoir pas de certitude. Mystère, anonymat, ambiguïté»4. De cette défiance envers l'exploitation biographique, Madonna récupère un minimalisme du détail et de la scène de vie. Elle écrit pourtant un journal sur le tournage à 'Evita (1996) mais qu'elle vend au Times et dont on comprend qu'il sert davantage la promotion du film que l...

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