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Auto-portraits glanés et plaisirs partagés: Les Glaneurs et la glaneuse et Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain Mireille Rosello L'INVITATION À LAQUELLE ont répondu les auteurs de cette collection d'articles a orienté leurs recherches vers la construction du féminin, ou plus exactement de la différence sexuelle, et donc de la représentation du masculin et du féminin dans les films français de ces quelques dernières années. Nous sommes à la charnière d'un millénaire, au moment où la question de l'identité sexuée ou sexuelle a (ré)investi le débat public et le domaine du politique en France: elle nourrit les polémiques qui ont accompagné l'apparition du concept de parité1, la naissance du PACS ou Pacte civil de solidarité, ainsi que l'émergence d'un (multi)culturalisme à la française2. Comme l'on pouvait s'y attendre, toute nouvelle déviation par rapport à l'idée que l'on se fait d'une humanité universalisée provoque des déstabilisations en chaîne et fait tomber les dominos d'infinies différences. L'industrie cinématographique, grande faiseuse d'histoires et de commerce , participe, à sa façon, à la construction de nouveaux repères: il s'agissait donc de se demander quels types de conventions le cinéma hexagonal a récemment rajoutés à nos repères, aux références de la communauté imaginaire d'un pays Européen. Les films récents distribués en France sont-ils remarquables parce qu'ils sont étonnamment novateurs ou étonnamment conservateurs et nostalgiques? Quelles images de la féminité ou de la masculinit é sont-elles désormais perçues comme des types historiquement dépassés, et comment le cinéma gère-t-il sa propre histoire des représentations? Je n'espérais pas que huit auteurs sollicités autour de cette problématique produiraient la miraculeuse synthèse qui donnerait aux lecteurs l'impression que la richesse multiforme du cinéma des dernières années venait d'être enferm ée dans un bocal comme un génie dans une bouteille. La collection qui s'est construite au fil des mois ressemble plutôt à une série d'instantanés qu'il serait vain de vouloir monter en un seul film linéaire: le rapprochement des articles n'apporte pas de réponse unique, ou même multiple, à la question de la représentation cinématographique du féminin. Il me semble au contraire que chacun des auteurs a reformulé, à sa manière, les termes de l'interrogation , les données du problème en choisissant le type d'appareil critique qui lui convenait le mieux. Comme dans l'album de photos d'identité apparemment Vol. XLII, No. 3 3 L'Esprit Créateur «ratées» que collectionne Nino (Mathieu Kassovitz), le héros du Fabuleux destin d'Amélie Poulain (Jean-Pierre Jeunet, 2001), ces instantanés-là ne sont pas vraiment «ressemblants» parce qu'en réalité, chaque auteur nous invite à remettre en cause le concept de ressemblance. «Tu parles d'un album de famille!»3—Pour fabriquer, pour les besoins d'un film, un tel faux «album de famille» qui remplacera, dans l'histoire, le principe de la femme mystérieuse à décoder, il faut inviter un technicien sur le plateau et lui demander de modifier le photomaton de manière à ce que les images, construites, sciemment truquées, ne correspondent pas à ce que l'on attend d'elles4. Ces photos, que les propriétaires diégétiques ont rejetées, ne nous apportent pas la satisfaction habituelle du spectacle: le récit nous fait facilement croire que leurs propriétaires ont détourné le regard de leur propre portrait, ont refusé de s'y reconnaître, ont jeté la photo. De l'intérieur du récit, elles ne sont intéressantes que parce que Nino, le rêveur, les a glanées, avec une sorte de méthode amoureuse qui consiste à mettre d'autant plus de rigueur à ce travail que cette activité est du côté de la fantaisie. Comme les glaneurs d'Agnès Varda5...

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