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L'Esprit Créateur Peter Janssens. Claude Simon: Faire l'Histoire. Lille: Presses Universitaires du Septentrion, 1998. Pp. 195. 130FF. La question posée dans cet ouvrage sur Claude Simon—ouvrage qui constituera désormais une référence indispensable pour tout travail à venir sur l'auteur de La Route des Flandres et des Géorgiques est la question: "Qu'écrire?" Peter Janssens, inscrivant sa réflexion dans une ontologie du désastre, rappelle que les deux guerres mondiales ont bouleversé la vocation narrative de la littérature, en suspendant la possibilité même du récit. Après les charniers de la Guerre 14, après Auschwitz, l'Histoire, cette redite insensée, absurde manège d'Eros et de Ia mort, a perdu le sens de l'Histoire. Quant à la littérature, Ia voilà retombée en enfance. De là l'infantile balbutiement d'une œuvre que son auteur lui-même définit en ces termes: écrire, c'est essayer de commencer une phrase, de la poursuivre, et de la terminer. Resterait, de la littérature, un vestige: l'écriture simonienne surgirait ainsi comme une littérature du vestige, mais aussi bien comme le vestige de la littérature, son reste: le pas de (la) littérature. L'expérience de la guerre et de la mort modernes, c'est-à -dire d'une négativité absolue, interrompant de sa plate et scandaleuse évidence la dialectique spéculative, marquerait une césure dans les arts de représentation, ainsi qu'une crise irréversible du témoignage. Paradoxalement, la tâche testimoniale de l'écrivain devient d'autant plus urgente qu'il ne peut plus témoigner, car témoigner suppose la possibilité d'une remémoration factuelle et de sa représentation diégétique. Il faudrait donc témoigner d'un événement immémorial, événement qui hante la mémoire, passé qui n'aurait jamais été présent, qui aurait toujours déjà aboli toute forme de la présence. D'où l'inachèvement structurel de l'œuvre de Simon, qui ne peut réussir qu'à échouer dans sa quête d'une origine toujours déjà passée, dans ce que Derrida appellerait son "mal d'archivé." Ce que présente l'œuvre de Simon, dit en substance Janssens, hors de toute figuration, c'est qu'il y a de Vimprésentable. L'écriture simonienne donnerait à voir que quelque chose ne peut pas être vu, consumant ainsi un exemple remarquable de présentation négative. Si la représentation n'est plus possible, il ne peut y avoir que présentation. "Présent de l'écriture" est le nom que Simon donne à celle-ci, un présent qui n'est pas celui de la philosophie de la présence, et moins encore le présent vivant de Husserl. Dans cet étrange présent, en effet, insisterait, comme une persistance rétinienne, un passé qui n'est jamais passé. Ainsi, au moyen d'une analyse phénoménologique de l'écriture photographique chez Simon, Janssens montre que la photographie opère l'improbable rencontre de deux temps: celui, d'une brièveté formidable, effroyablement ancien, d'un pas qui a laissé sa trace, et le temps figé, minéralisé, de la trace elle-même. Janssens rappelle que la rencontre de l'immémorial et de l'actuel en une même image constitue, selon Didi-Huberman, le noème de l'empreinte, laquelle est elle-même une réélaboration de l'image dialectique chez Benjamin. Outre-histoire, en deçà ou au-delà de l'historique, la photographie incarnerait cette collision improbable. Aussi n'est-elle pas moins zeitlos que l'inconscient freudien. Une convulsion, un coitus de temps d'une lenteur fulgurante, c'est dans ces termes que, grâce au livre de Janssens, devra désormais s'appréhender l'œuvre de Claude Simon, lue, peut-être pour la première fois, dans l'inquiétante proximité de son idiome. Bruno Chaouat Berea College Pierre Nora, et al. Realms of Memory: The Construction of the French Past, v. Ill; Symbols. Ed. Lawrence D. Kritzman, trans. Arthur Goldhammer. New York: Columbia...

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