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L'Esprit Créateur comparáoste, soulignant la "parenté" qui "relie leur conception de l'écriture", situe les deux écrivains "au cœur de cette crise moderne des identités qui affecte les liens entre le corps et le psychisme", où les notions d'auteur et de lecteur vacillent. Ces pratiques scripturales ouvrent en effet un espace de lecture nouveau; elles affectent leur destinataire et le décomposent, la relation qu'elles suggèrent exigeant de sa part un engagement subjectif qui bouleverse son statut, modifie sa posture et son regard. Cette réflexion initiale sur l'acte de lecture, indissociable désormais de l'acte d'écriture, se fonde sur une même injonction et une même nécessité exprimées par Artaud et par Joyce: donner un corps vivant à une pensée impropre (Artaud), prendre forme infiniment au-delà des corps pourrissants (Joyce). Les réponses, différentes et singulières, que l'un et l'autre apportent dans leurs oeuvres (réfection du corps humain, évidemment de la langue commune, prolifération des mots et dissémination du sens) structurent thématiquement et chronologiquement cette étude. La question de l'engendrement du corps dans l'écriture, "corps-texte" et "corps en langues", motive chez ces auteurs un processus de désindividuation. Il s'agit pour Artaud d'introduire une "discordance" entre discours et corps pour qu'advienne, en deçà du langage, une autre langue venue d'un être impersonnel. Ce "discord" (le mot est emprunté à Hölderlin) se déploie d'abord dans l'espace théâtral, puis il se prolonge sur les scènes mythiques et ethnologiques d'Héliogabale et des Tarahumaras, à la recherche d'un autre sujet, "où le Je n'est plus que le conglomérat provisoire et mouvant de toutes les voix qui le débordent". La transformatio du corps déchu et périssable en corps d'écriture inaugure, chez Joyce, une longue dissolution de "nos subjectivités ordinaires" et de ce qui les constitue. Se perdant dans le dédale des identités, le sujet joycien se défait de son histoire et de sa généalogie, de ses fictions biographiques et de son épaisseur charnelle. Déclinant toute appartenance, effaçant peu à peu les signes de reconnaissance individuels et communautaires, ce sujet devenant anonyme annonce le "corps grotesque", pluriel et sans identité fixe, d'Ulysse. L'indéfinition du "discord" artaudien impose, selon E. Grossman, une "lecture suspensive", attentive aux ruptures et aux effractions de la langue corporelle d'Artaud. Le chaosmos de Joyce exige une "lecture flottante", sensible aux multiples voix enchevêtrées qui traversent son œuvre, répétant et déconstruisant les fables et les phrases de la culture européenne. Artaud et Joyce inventent donc "un espace d'écriture et de lecture aux limites poreuses", incluant le lecteur et renouvelant la notion d'auteur. Le sujet qu'ils esquissent, ni personnel, ni collectif observe E. Grossman en conclusion de son brillant ouvrage, nous invite à imaginer et à écrire "les lignes mouvantes entre soi et les autres, entre le corps et la psyché". Olivier Penot-Lacassagne Jean-Jacques Lecercle. The Philosophy of Nonsense. The Intuitions of Victorian Nonsense Literature . London/New York: Routledge, 1994. Pp. 245. Jean-Jacques Lecercle. The Violence of Language. London/New York: Routledge, 1990. Pp. 272. Jean-Jacques Lecercle's work is a unique crisscrossing of rarely passed borders between literature and linguistics, between continental philosophy dear to North American comparatists and analytic philosophy. His way to language is a way to the "otherness within language," to what is "within and without langue," moving along "the uncertain frontier between langue and the other side of language," whence Lecercle's attention to "the remainder" and to "nonsense" (Philosophy of Nonsense, 48). In The Violence of Language (a theory of "the remainder," i.e., aspects of language excluded by linguists) and The Philosophy of Nonsense, Lecercle approaches the alterity in/of language in two ways, the former taking that of language theory, the latter that of a Victorian literary genre. The Violence of Language devotes itself to the conflict between communicative language, which a subject would speak, and "another side to language...

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