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Echolalies: dialogue ou monologue? Véronique Gély-Ghedira Qui me parle, à ma place même? Quel écho me répond: Tu mens? —Paul Valéry, "La Pythie", Charmes LE MOT ECHOLALIE appartient à plusieurs domaines de définition. D'abord, le phénomène de l'écholalie relève de la psychiatrie, en tant que trouble du langage, signe d'un "vide de conscience"1; il s'agit d'une "répétition automatique des paroles (ou chutes de phrases) de l'interlocuteur , observée dans certains états démentiels ou confusionnels"2. Mais c'est également une figure du discours, définie comme la "répétition de la dernière syllabe d'un mot, en écho" (Dupriez, loc. cit.). Ensuite, l'écholalie, qu'elle soit pathologique ou rhétorique, peut être observée soit dans une situation de dialogue, soit dans le cas d'un locuteur isolé. Dans le premier cas, le locuteur répète les dernières paroles de son interlocuteur1, dans Ie second cas il répète ses propres paroles. L'histoire littéraire connaît aussi un troisième cas, celui du dialogue avec l'écho, souvent personnifié en nymphe Écho, l'amoureuse dédaignée par Narcisse. Dans les Métamorphoses d'Ovide (III, 380-92), Echo répond aux paroles de Narcisse qui, égaré dans la forêt, appelle ses compagnons4. Ce dialogue a connu une fortune littéraire considérable aux XVIe et XVIIe siècle5, essentiellement dans la pastorale dramatique ou romanesque6. La convention consiste à montrer un personnage, qui est souvent un héros malheureux en amour, adressant ses plaintes aux rochers, aux arbres, à la nature, et recevant de l'écho une réponse à ces lamentations. L'écho reprend les derniers mots des questions qu'on lui pose, de sorte que ces mots prennent un sens qui forme réponse. Dans les trois cas (dialogue, monologue, dialogue avec l'écho), le procédé est identique sur le plan grammatical: les derniers mots ou segments de mots prononcés sont répétés. Mais la différence évidente réside dans le rapport à autrui qui est en jeu. S'il y a bien dans les trois cas répétition, dans le cas du dialogue elle est répétition par un autre (l'interlocuteur, ou l'écho personnifié en nymphe) des mots du sujet tandis que dans le cas du monologue elle est répétition par Ie même sujet parlant de ses propres mots. Le rapport entre identité et altérité se complique encore si l'on prend en compte la nature même de la répétition. En effet, la répétition est par définition répétition du 52 Winter 1998 Gély-Ghedira même. Mais, parce qu'il est répété, le discours même devient autre, soit parce qu'il est altéré, déformé par une série de metaplasmes qui transforment son sens, soit parce qu'il est aliéné, puisque attribué à un autre sujet parlant. Ces trois formes d'écholalies nous semblent donc mettre en jeu un écheveau complexe de relations entre le même, l'autre et le moi. Nous voudrions tenter d'examiner si elles ne permettent pas, à travers l'examen de ces relations, d'évaluer les limites respectives du monologue et du dialogue. Dans l'opéra, les "chœurs à deux où se révèlent les voix de la passion", autrement dit "l'écholalie passionnelle"7, sont un exemple d'écholalie dialogique: le moi ne peut se dire qu'en chantant les mots de l'autre, qu'en devenant, littéralement, l'écho de l'autre. C'est ainsi que l'expliquent Siegmund et Sieglinde dans leur dialogue choral de La Walkyrie: Siegmund: Du bist das Bild, das ich in mir barg Sieglinde (den Blick schnell abwendend): O still! Lass mich der Stimme lauschen: mich dünkt, ihren Klang hört'ich als Kind— Doch nein! ich hörte sie neulich, (aufgereget) als meiner Stimme Schall mir widerhalte der Wald*. L'écholalie passionnelle signale l'aliénation du sujet parlant. Le moi n'existe plus, se fond dans le duo...

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