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La critique génétique, aujourd'hui et demain Almuth Grésillon LA PREMIÈRE OCCURRENCE du terme «critique génétique» date de 1979; elle figure sur la couverture d'un ouvrage publié chez Flammarion , qui regroupe sous le titre Essais de critique génétique un texte de Louis Aragon, expliquant les raisons du don de ses manuscrits au C.N.R.S., une postface de Louis Hay intitulée «La critique génétique: origine et perspectives», et, entre ces deux contributions liminaires, cinq études exemplaires de dossiers génétiques1. Volume qui a fait date: il marque l'espace d'un nouveau champ pour les études littéraires, défini par son commerce direct avec les écrivains ou, plus exactement, avec les traces écrites que ceux-ci nous ont laissées après leur mort2. Plus de vingt ans ont passé, riches en publications3, mais marqués aussi par des tâtonnements, des discussions internes et même quelques polémiques publiques4. Qu'en est-il? Qu'est-ce que la critique génétique dans le contexte des nouveaux média? Que sera-t-elle au troisième millénaire? Survivra-t-elle aux multiples modes qui traversent régulièrement le continent des études litt éraires? Et tout d'abord, quelle définition proposer aujourd'hui? La critique génétique, telle qu'elle est mise en œuvre depuis une vingtaine d'années, est une méthode d'approche de la littérature qui vise non pas l'œuvre finie, mais le processus d'écriture. Processus dont on trouve trace dans des documents de toutes sortes: notes de lecture, carnets, cahiers, plans, esquisses et scénarios, brouillons de rédaction, épreuves corrigées, etc. Cet ensemble de documents est désigné par le terme d'avant-texte ou de dossier génétique. Dans la plupart des cas, il s'agit jusqu'à présent de manuscrits autographes, donc écrits par la main de l'auteur et donnant à voir dans ces tracés singuliers le tremblé et l'étincelle qui accompagnent la création. C'est à travers les ratures et réécritures que le généticien reconstruit les étapes successives de l'élaboration textuelle. Le processus n'est donc pas accessible directement, mais résulte d'une reconstruction rendue possible par les indices contenus dans l'espace graphique du manuscrit. Ces quelques principes sont maintenant connus, adoptés et appliqués de manière générale. Néanmoins, on verra que derrière ce consensus se cachent des problèmes dont il faudra prendre conscience. Dans ce qui suit, je voudrais soulever deux ordres de questions qui se posent aujourd'hui à la génétique: le premier est inhérent à la critique génétique en général; le second concerne la génétique de l'ère électronique. Vol. XLI, No. 2 9 L'Esprit Créateur 1. Questions de frontières Plus on avance dans la recherche génétique, plus on se rend compte de l'insuffisance de certaines définitions et des questions qu'elle soulève et qui sont encore inexplorées à ce jour. J'en rappelle quelques-unes de ces définitions insuffisantes et de ces questions nouvelles. 1.1. Début et fin de la genèse D'abord un mot sur l'extension du terme de genèse. Le début, l'origine du processus d'écriture, est inaccessible. Impossible de voir naître sur le papier un désir d'écrire. Ce qui s'écrit et peut être appréhendé est une énonciation toujours déjà énoncée, non son origine. Et même tel témoignage autobiographique , rappelant le début d'une genèse, n'est souvent que construction plus ou moins illusoire de l'après-coup. Les généticiens ont donc défini comme document «premier» celui que le regard rétrospectif—remontant de l'œuvre finie vers les phases du commencement—peut identifier comme étant le plus ancien par rapport à telle œuvre, celui qui porte les premières traces écrites en vue d'un texte à venir5; par exemple, un plan de Flaubert en date de 1856...

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