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Introduction DANS SON RAPPORT avec la littérature, peut-on saisir l'évolution du statut de la lettre du XVII« au XXe siècle? Telle est l'ambitieuse question à laquelle tentent de répondre les articles consacrés au thème de ce numéro. Lettre dans le roman, roman épistolaire, échange épistolaire en forme de récit, sont autant de formes d'écriture du moi qui ont investi peu à peu l'espace textuel en de multiples formes dont on pourra saisir ici quelques aspects. La peinture hollandaise du XVIIe siècle invite à un regard qui associe étroitement trois types d'intimité: domestique, féminine, épistolaire. C'est le cas de Dirk Hals, Gérard Ter Borch, Gabriel Testu, Johannes Vermeer et de leurs femmes lisant ou écrivant une lettre. Catherine Labio propose un parall élisme entre traitement pictural de la lettre, particulièrement chez Vermeer, et fonction de la lettre dans La Princesse de Clèves. Dans les deux cas, le statut semble identique. Contenu silencieux, objet de voyeurisme, la lettre n'intervient que comme moteur pictural ou narratif, c'est un prétexte pour parler des sentiments contradictoires des femmes qui les lisent ou l'écrivent, pour peindre des émotions diverses liées à l'acte épistolaire, c'est une mise en scène. Pourrait-on faire le même constat entre les "tableaux épistolaires" de Fragonard et la fonction de la lettre dans le roman au XVIIIe siècle? Non, sans doute. Nous ne sommes plus au temps d'une présence silencieuse de la lettre liée à la naissance du roman. Dans ce siècle, "inventeur de la liberté", la lettre accède désormais à un rôle fondamental dans la narration, rôle qui n'a rien à voir avec celui de la fameuse "lettre perdue". Ce rôle est lié à la nouvelle forme du roman, le roman par lettres. Soulignant la richesse d'une intertextualit é, Anne Chamayou propose une approche inédite des Lettres persanes qui inaugurent le siècle. Au-delà de l'analyse classique de la pluralité des voix, et donc des consciences, déjà proposée par Georges Gusdorf et Jean Starobinski, l'auteur met en évidence d'une part, les formes de réappropriation du thème racinien du néant, avec l'exemple de Bajazet, texte en contrepoint du roman, et d'autre part, les pastiches de Télémaque qui invitent à considérer l'œuvre comme une Instruction à un jeune prince. Pour Anne Chamayou, la véritable polyphonie réside dans le dialogue des textes qui sous-tend le roman où règne "l'esprit des livres". Dans ce siècle où triomphe le roman par lettres, Colette Henriette et Christine Roulston s'interrogent sur les rapports complexes entre l'épistolier et son œuvre à propos de deux épistolières qui sont aussi deux grands écrivains: Vol. XL, No. 4 3 L'Esprit Créateur Isabelle de Charrière et Mme de Graffigny. S'agit-il de transparence ou de divergence? Tout dépend des cas, et les deux études montrent qu'il ne faut faire aucune généralité. En 1994, les travaux de Colette Henriette sur Mme de Charrière, cette "aristocrate révolutionnaire" selon l'expression d'Isabelle Vissière, ont comblé une lacune dans le champ des nombreuses recherches consacrées à l'écrivain, par l'analyse de la totalité de sa correspondance avec Constant d'Hermanches. L'auteur en livre ici les aspects principaux. Les seize années de correspondance représentent un lieu d'écriture, véritable "laboratoire de l'œuvre". L'analyse comparée des processus d'écriture à l'œuvre entre lettres réelles et romans met en évidence écriture "rhapsodique", concision , absence de clôture, ancrage dans "les petites choses de la vie". Mais il serait faux de croire à la généralité d'un processus visant à faire de toute correspondance personnelle le creuset formel d'une écriture fictionnelle. Christine Roulston nous rappelle, à propos de Mme de Graffigny, combien le rapport peut être "indirect" entre les deux écritures. Points de rencontre et points de divergence mettent au jour une grande différence stylistique. Un élément d'explication de l'opacité difficile à percer qui...

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