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Du corps travesti à l'enveloppe transparente: Monsieur Vénus ou la politique du leurre Dominique D. Fisher Les figures du trompe-l'œil apparaissent soudain, dans une exactitude sidérale, comme dénuées de l'aura de sens et baignant dans un éther vide. Apparences pures, elles ont l'ironie de trop de réalité. (Baudrillard) SOUVENT CITÉE COMME INNOVATRICE pour son talent à démystifier les relations amoureuses et les rapports de force qui y sont associés, Rachilde est considérée être parmi les écrivaines les plus contestataires de la Belle Epoque. Jennifer Waelti-Walters va même jusqu'à la comparer à Natalie Barney et à Renée Vivien: Rachilde borrows the trapping of decadence, as Renée Vivien used those of art nouveau; and like Vivien, she appropriated the style for her own purpose, transforming its androcentric taste for perversion into a gynocentric criticism of society. And yet again, the measure against which her creations are judged is that of virtuous, nineteenth-century bourgeois morality.1 En effet, Monsieur Vénus qui selon Waelti-Walters est l'œuvre la plus scandaleuse sur les relations homme-femme avait déjà été perçu par Maurice Barrés non pas comme obscène mais comme "équivoque" parce qu'enfermé dans le rêve d'un être et d'un amour "inséxué" et écrit par "une vierge qui se mêlait... de ce qu'elle n'avait pas regardé"2. Aujourd'hui encore, bien qu'échappant aux verdicts de la morale bourgeoise et misogyne, Monsieur Vénus reste l'objet de constats contradictoires qui, nous le verrons, s'expliquent par le thème traité; le travestissement et le leurre qui le fonde. Selon Dorothy Kelly, Monsieur Vénus reproduit "le tabou de la bisexualité masculine"3; Raoule de Vénérande devenue Madame Silvert, épouse de Jacques Silvert, opte pour la mise à mort de son mari quand elle découvre que le hussard-baron de Raittolbe qui l'avait longtemps convoitée, s'est finalement rabattu sur Jacques. Selon Melanie Hawthorne, tout en tentant de renverser l'ordre symbolique , Monsieur Vénus retombe dans la monosexie masculine4. Micheline Besnard-Coursodon souligne par ailleurs l'aspect normatif du 46 Winter 1997 Fisher texte: Monsieur Vénus ne serait ni un texte sur la pathologie sexuelle, ni même sur la sexualité: non seulement la "normalité" hétérosexuelle est effacée, mais l'homosexualité est ici dépassée par la perversion qui est complète. Nul n'est laissé à ce qu'il est censé être, et la perversion qui rétablit l'apparence d'un couple "normal" mime en fait la norme et la nature.5 On peut facilement soutenir que Monsieur Vénus n'est pas une œuvre féministe (outre le fait que les clichés misogynes abondent, ce texte, ajoute Besnard-Coursodon, est une "proclamation d'indépendance, certes, mais non la réclamation d'un droit à la jouissance", 123) et qu'il n'est pas non plus une défense de la condition homosexuelle puisque Raoule récuse aussi bien l'homosexualité masculine que féminine ("amours vulgaires ", Monsieur Vénus, 85). En somme, il ressort de ces commentaires que ni la bisexualité, ni l'homosexualité ne sont ici des déterminants du travestissement: momentanément investies elles n'en demeurent pas moins évincées. Dans Monsieur Vénus, le travestissement garderait un caractère normatif tout en mettant en jeu une libre circulation des signes du théâtral, du générique au sexuel qui donnerait l'illusion d'un certain espace de tolérance. L'analyse du travestissement dans Monsieur Vénus dans le contexte de l'identité générique, de la bisexualité et de l'homosexualit é permet en effet de mettre en lumière ce phénomène. Avant d'examiner ceci plus en détail revenons sur les enjeux du travestissement. Le corps travesti relève avant tout de la théâtralité au sens où l'entend Barthes et est soumis en tant que tel à la duplicité des codes génériques et sexuels qu'il investit. Or, curieusement, le corps travesti n'est généralement pas perçu...

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