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Profondes marginalités: D'Adonis, Stefan et Bancquart à Chedid, Rognet et Stétié Michael Bishop "œuvre de taupe" —Jean-Claude Schneider "D'aucun sens est le sens—dit le sens" —Salah Stétié "un nuage de marges déplacées" —Jeannine Baude ERRANCE, EXTRÊME LIMITE: ADONIS—Écrire aujourd'hui en langue arabe, tout en sachant parler et écrire la langue de Segalen, de Michaux, de Cixous, "obliger" l'autre à traduire, à s'approcher, à s'approprier ce que, souvent, jusqu'ici on a repoussé ou parenthétisé ou même supprimé, voici un geste de création, d'identification et de contextualisation permettant à l'autre de repenser la spatialité mentale, affective et spirituelle du monde, à soi-même d'assumer comme centrales ces marges si mal définies, si mal définissantes. Chez Adonis, pourtant—qui a publié, récemment, Mémoire du vent (1991) et Soleils seconds (1994)1—la poétique, qui est aussi une ontologie, de la marginalit é est plus complexe encore, car, dès le début, cette récupération culturelle se double d'une conscience véritablement cosmique de tout ce qui, dans l'acte poétique, créateur, plonge dans la dispersion, oriente vers un "là -bas" ou un "avenir", déstabilisant ainsi ces forces crues possiblement centripètes, homogénéisantes, rassurantes. Ainsi le chemin de l'écriture adonisienne devient-il, comme le dit Adonis dans Poèmes pour l'amour et la mort, "un voyage perpétuel" (MV, 24), tout est mouvance, "rendez-vous [avec les inconnus]" (MV, 24), construction d'un monde où on ne cesse d' "active[r] son errance" (MV, 34). Mais si errance il y a, et si "l'extrême limite est mon chant" (MV, 44), cela ne représente nécessairement ni une dérive dans le non-pertinent, ni un geste de création ésotérique vers les lointaines marges de ce qui est. Au contraire aller vers l'inconnu, vers "l'extrême limite", c'est repenser constamment et radicalement le "sens" de l'être, c'est refuser le calme d'une stagnation, c'est ne jamais cesser de chercher sa propre centrante—mais Vol. XXXVIII, No. 1 91 L'Esprit Créateur ceci tout en comprenant le caractère complémentaire de certains paradoxes : les poètes ne sont jamais "nulle part" (MV, 113), n'ont ni lieu d'être ni lieu de nomination définitive; même le corps, qui peut sembler être son "pays" (MV, 85), n'est qu'une halte, signe d'un devenir où "dans [sjon sang [on ne fait que] dress[er] bivouac" (MV, 145)2. D'ailleurs, dire que "je suis la langue d'un dieu à venir/Je suis le charmeur de poussière' ' (MV, 48), n'enlève rien à la pertinence de ce que, ici et maintenant, assumant complètement sa relativité, le moi parvient à accomplir. Etre dans le relatif, le relationnel, entre, n'est-ce pas toujours se trouver au centre? Nostalgie, povrésie: Jude Stefan—Sentir approcher la vieillesse, éprouver le lent mouvement d'une sénescence peut-être relative mais vécue comme sienne, n'est-ce pas à bien des égards tomber dans la psychologie d'un physique considéré comme étant de plus en plus absolument déterminant? Tout, ici, devient adieu, perte, séparation, distanciation face à un centre idéal. Les derniers titres de Jude Stefan—Elégiades (1993), Povrésies ou 65 poèmes autant d'années (1997)3, par exemple— témoignent avec ironie et une savante anti-éloquence de "ma mince importance" (E, 14), de cette impuissance qui ne cesse de pousser vers les marges du faisable. Mais tout est relatif ici et, comme dans toutes les équations, il y a ici réciprocité, échange et équilibre entre douleur et joie de la nostalgie, entre l'élégiaque comme site de plainte et de mélancolie et l'élégie comprise et vécue comme chant lyrique, acte d'honorer, de célébrer spirituellement un amour qui décline sur le plan physique. Un autre titre récent, Xénies (1992), permet peut-être même mieux de saisir toute la délicatesse des rapports psycho...

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