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Poétique des marges et marges de la poétique Abbes Maazaoui DEPUIS QUELQUES ANNÉES, se développe en marge de la litt érature officielle en France une écriture ' 'tubéreuse' ' et novatrice par ceux qu'on appelle les "Beurs" ou "La deuxième génération" de l'immigration maghrébine \ On en prend pour preuve la publication d'une trentaine de romans, dont certains ont su retenir l'attention. Citons en particulier Le Thé au harem d'Archi Ahmed de Mehdi Charef, Les ANI du "Tassili" d'Akli Tadjer, Zeida de nulle part de Leila Houari, Le Gone du "Chaâba" et Béni ou le Paradis privé d'Azouz Begag et Georgette! de Farida Belghoul2. Corrélativement, se développe un discours critique sur cette littérature. En témoigne la publication en Angleterre, aux Etats-Unis et en France, de trois ouvrages critiques récents: Voices from the North African Immigrant Community in France d'Alec Hargreaves, Autour du roman beur de Michel Laronde et Les Voix de l'exil d'Abdelkader Benarab3. L'intérêt de cette critique est double: par rapport à la littérature beure en cours de production (elle lui assure une certaine visibilité), mais aussi à l'étude du discours minoritaire en général. Son existence même, en effet, pose directement ou indirectement un problème de méthode: quelle approche critique convient-il d'adopter pour rendre compte de la spécificité d'une littérature non encore établie, marginale pour ainsi dire? Une telle question préoccupe, surtout depuis les années 80, la critique non seulement des littératures écrites par des minorités ethniques, raciales et sexuelles, mais aussi de celles postcoloniales du Tiers-Monde. Surtout aux Etats-Unis où des approches variées voient régulièrement le jour: certaines tentent de développer des modèles privilégiant la perspective féministe, africaine ou afrocentrique"; d'autres articulent une critique multilingue et multiculturelle fondée sur les notions de "borderlands " et de "mestiza" d'Anzaldúa5; d'autres encore préconisent une critique "subalterne" ou "vernaculaire", qui s'attache à découvrir et à adapter "the artistic standards and goals consciously or unconsciously influencing our writers"6, alors que d'autres enfin prônent une "critique culturelle"7. Quoique diverses, ces approches tendent généralement soit à adopter et/ou adapter la critique littéraire occidentale, soit à la rejeter comme eurocentrique, marquée par des principes hégémoniques et un universalisme suspect. VOL. XXXVIII, NO. 1 79 L'Esprit Créateur Un tel "colorizing of literary theory", pour emprunter le titre d'un numéro récent de Modem Language Studies (ibid.), donne lieu ainsi à une activité critique intense qui ne peut qu'être bénéfique aux textes mineurs. Cependant mon propos ici n'est pas de passer en revue ces diverses approches, mais de dégager une poétique du texte marginal8, c'est-à -dire d'"élaborer des catégories qui permettent d'[en] saisir à la fois l'unité et la variété"9. Car, c'est à partir d'une telle définition que doit s'élaborer le discours critique, et non l'inverse comme c'est souvent le cas (—en témoignent d'ailleurs les articles réunis dans le numéro de Modem Language Studies mentionné plus haut). D'autant que s'il est vrai que chaque texte dicte sa propre méthode ("variété"), il n'en est pas moins vrai qu'il s'inscrit dans une catégorie générique qui, dans une large mesure, en détermine le fonctionnement ("unité"). L'intérêt pour mon propos d'une telle poétique sera double: elle permettra d'une part de développer, à travers une typologie des lectures marginalisantes, une "critique de la critique" des textes mineurs, et d'autre part de proposer un modèle d'analyse qui tiendra compte des caractères constitutifs du texte mineur. A cette réflexion, le roman beur et son discours serviront comme corpus de référence et comme toile de fond. I. Fonctionnement du discours mineur—Pour intervenir contre des critiques réductrices, il convient donc en premier...

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