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Gargantua en marge: dérive structurelle et humaniste Martine Sauret L'HISTOIRE COMIQUE de Gargantua de 1534 correspond à une attente des lecteurs qui ont aimé le Pantagruel de 1532, mais elle échappe à toute tentative de définition stricte. De Pantagruel à Gargantua la distance se révèle considérable. Si l'on se base sur les catégories "satire/histoire/romance" établies par Robert Scholes1 pour définir les "modes de fiction", on ne peut que constater la résistance de l'histoire comique de Gargantua à la classification. Inspiré des grandes Chroniques certes, et reprenant certains des caractères de Pantagruel, le livre est influencé par les mouvements de conjecture du moment.2 Au livre statique de Pantagruel, Gargantua oppose celui d'un monde d'une transition fondamentale; dans le rire de Gargantua pointe de plus en plus un humaniste chrétien qui emprunte à de nombreux domaines, juridiques, professoraux pour n'en citer que quelques uns où vraisemblance et divertissements vont aller de pair. Mikhaïl Bakhtine cite l'histoire comique dans la tradition carnavalesque où le roman inspiré du "carnaval" engage un dialogue relativisant avec les textes qui le précèdent . Si l'on considère l'idée de Bakhtine selon laquelle le "roman baroque traditionnel" est "héritier de toute l'évolution antérieure du roman" et que "presque toutes les variantes du roman des temps nouveaux en tirent génétiquement leur origine",3 on pourrait concevoir cette histoire comique comme un médiateur privilégié entre l'ancien et le nouveau monde. Comme le proposait récemment Floyd Gray,4 l'érudition du texte reste également "en marge du texte" et cède alors la place aux jeux élaborés de mots, de thèmes, qui en forment alors la trame. Nous proposons dans cette étude de voir comment l'architecture du texte s'inscrit entre l'ancien et le nouveau monde dans des entrecroisements de thèmes et de discours qui se répondent et se réfutent réciproquement à chaque instant. Si Edwin E. Duval5 insistait sur le mode de binarité dans Gargantua, nous aimerions voir en quoi l'analyse détaillée des chapitres offre également des exemples mitoyens et en quoi leur plasticit é révèle un gouffre, un gouffre sur l'écriture, ainsi que ces multiples facettes de cette écriture. L'hétérogénéité de Gargantua tiend avant tout à sa situation par rapport aux registres littéraires; au carrefour de plusieurs catégories, où Vol. XXXVIII, NO. 1 23 L'Esprit Créateur chants se mêlent aux emblèmes, aux hiéroglyphes, et aux personnages traditionnels ou aux géants. A la paillardise du conteur se voient mêlées des techniques traditionnelles de retour en arrière, de présentation de personnages, de lettres, etc. Mais l'œuvre peut être aussi envisagée comme le seuil où se rejoignent diverses traditions littéraires de la mimesis et de l'imitatio. Le mouvement et l'oscillation de l'histoire ainsi que l'élaboration des chapitres du livre en font une somme de contradictions ; les chiffres y abondent et ne servent à rien. L'éducation des sophistes des chapitres 21 et 23 se voit immédiatement rejeté au chapitre 24 qui suit. La multiplicité des niveaux narratifs se confond avec une caractéristique structurale du texte qu'il est indispensable d'analyser; son aspect fragmentaire et digressif. C'est peut-être sous cet aspect que Gargantua se révélerait le plus "marginal". Si comme le remarque Roland Barthes, selon l'acception traditionnelle, la "Littérature" doit être "un récit, une influence de paroles au service d'un événement ou d'une idée qui 'va son chemin' vers son dénouement ou sa conclusion", c'est justement cette route droite que l'histoire comique ne prétend pas suivre. Cherchant à tenir compte de la forme du texte, et ses implications, l'approche choisie ne pourra prendre appui sur un schéma de cohérence et d'évolution linéaire. Le mouvement de la narration correspondrait à une progression logique de cause à effet. Or comme l'a bien décelé Foucault, le discours du seizième si...

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