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Système du bonnet flaubertien Christophe Ippolito Silence, silence! silence! C'est le monarque qui s'avance! Pareil aux astres éclatants, C'est Couturin, roi de la mode. Le seul qui sache, avec méthode, Diriger nos goûts inconstants. (Le Château des coeurs, II, 341') ORNEMENTS DÉMODÉS, avez-vous donc un sens? On connaît l'attention que Flaubert portait à la mode.2 Pour ne prendre qu'un exemple, dans la première Education sentimentale, les vêtements de Madame Renaud font signe (social). Ils impliquent une reconnaissance et par là contribuent à former ou parodier des types sociaux ("Quoiqu'en décembre, elle avait mis une robe blanche, tenue invariable des Anglaises et des femmes de notaire de petite ville"; I, 284). Ils sont construits pour être des artifices de la séduction et des preuves d'amour (cf. cette "toilette édifiée pour lui"; I, 315). Enfin, ils peuvent être surd éterminés, comme ces "vêtements faits exprès qui savent l'histoire de toute une existence de femme" (I, 334) et où se joue une mise en abyme de l'effet-personnage. Une attention particulière pour les couvre-chef semble toutefois caractériser le discours flaubertien sur le vêtement. A l'intérieur de ce dernier ensemble, on étudiera ici la catégorie bonnet, et plus particulièrement bonnet de coton, d'abord du fait de sa surreprésentation et de ses multiples connotations, d'autre part comme le comble du démodé, ou, ce qui revient au même, de ce qui reste à la mode selon les "mœurs de province" (sous-titre de Madame Bovary): les citoyens de Yonville font venir "des bonnets de chez la modiste" (MB, 80), on porte "des bonnets empesés" aux Comices (MB, 135), et M. Bovary père éblouit les habitants d'Yonville par "un superbe bonnet de police à galons d'argent" (MB, 93). Le bonnet est démodé, dans la mesure où c'est une coiffure sans bord, dont la forme varie (cf. Le Petit Robert); cette variation de la forme va à rencontre du principe selon lequel le vêtement à la mode doit avoir une ligne qui le distingue; en langue, il est également démodé de par sa distribution comme lieu commun dans tant de "locuVol . XXXVII, No. 1 55 L'Esprit Créateur tions vulgaires". On peut ainsi analyser le personnage colérique de Monsieur Nicole, dans la première Education, comme l'extension de la locution "avoir la tête près du bonnet" (voir ci-après), de même qu'Emma et Félicité ne font après tout que "jeter leurs bonnets par-dessus les moulins". Un tel procédé est récurrent chez Flaubert. On sait que, selon Maxime Du Camp, Le Château des cœurs, dont une ébauche s'intitule "L'Ile des locutions", avait d'abord été conçu comme un jeu sur l'incarnation des lieux communs au théâtre, de telle sorte qu'un personnage traité de "pilier d'estaminet" devait effectivement se transformer en pilier sous les yeux des spectateurs3. En fait, les chapeaux sont des métonymies de ceux qui les portent, comme le prouverait assez, au delà de la célèbre casquette de Charles, ces mots du narrateur de la première Education: "Mais les hommes? qui dira ce qui se passe dans tous ces crânes couverts de chapeaux? et où vont tous les pas de ce grand troupeau à l'oeil sombre?" (I, 293). Tourner casaque, c'est changer de couvre-chef, passer d'une catégorie ou d'une opinion à une autre. Comme le dit Deslauriers, "si, enfin, vous n'avez pas de l'Absolu une conception plus large que vos aïeux, la monarchie percera sous vos formes républicaines, et votre bonnet rouge ne sera jamais qu'une calotte sacerdotale!" (ES, 178). Le couvre-chef colle si bien à la tête qu'il ne s'en distingue plus, que le sujet même s'efface dans le cas de Clémence, la maîtresse du même Deslauriers: "Un bonnet de femme parut au seuil de l'antichambre" (ES, 180). Ailleurs, tout...

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