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Dynamisme social et jeu individuel dans Dom Juan Ralph Albanese, Jr. ALA FIN DE L'ACTE II de Dom Juan, le héros, qui fait l'objet d'une poursuite collective ("Douze hommes à cheval"), entend se déguiser (II, 5). Cette stratégie particulière relève d'une perception d'ordre mathématique—"la partie n'est pas égale"—, de même que l'inégalité des parties le pousse à venir en aide à Dom Carlos, cette partieci étant en l'occurrence "trop inégale" (III, 2). Alors que, dans le premier cas, le héros tâche d'éviter la confrontation ("le malheur qui [le] cherche"), dans le deuxième, il agit par générosité, car il brave la mort en s'exposant à "un péril qui ne le cherche pas". En fait, son recours ultime à l'hypocrisie (V, 2) peut s'expliquer par sa prise de conscience d'une dissym étrie mathématique: diverses forces l'emportent sur lui numériquement et l'acculent à une stratégie défensive.1 Dans la mesure où c'est le rapport entre Dom Juan et les "autres" qui confère à la pièce sa cohérence dramatique, force est de constater, dès le départ, que toute partie entre lui et ses adversaires est nécessairement inégale. Point de convergence par rapport auquel tous les autres personnages viennent se définir, le héros sert aussi d'objet unique de la parole d'autrui, qui consiste surtout en la réclamation d'un dû; les autres ne communiquent jamais entre eux. Ceux-ci ne parvenant pas à lui tenir tête, on peut à juste titre évoquer la "dispersion spatiale" du bloc collectif qui s'oppose à Dom Juan.2 La Statue, qui apparaît à trois reprises à la fin des trois demiers actes, constitue la seule exception à cette démarche des autres. De même que les autres ne s'adressent, dans l'univers diégétique de la pièce, qu'à Dom Juan, le Ciel, lui, limite sa parole exclusivement à celuici . Désireux de se mesurer à une partie égale, le héros fixe les limites de son conflit et souligne ainsi son rapport privé avec le Ciel: "Va, va, c'est une affaire entre le Ciel et moi, et nous la démêlerons bien ensemble, sans que tu t'en mettes en peine" (I, 2). Tout se passe comme s'il était mathématiquement fasciné par Dieu: il s'agit d'une équation absolue ( = un rapport de forces équilibrées) que le protagoniste entend résoudre. Se situant sous le signe du défi, celui-ci reconnaît dans le Ciel son principal adversaire jusqu'à la fin. Ce défi se manifeste sous forme d'une entreprise globale de démystification, tant sur le plan social, où Dom 50 Spring 1996 Albanese Juan s'en prend à l'imposture inhérente à la multiplicité des conventions institutionnelles (mariage, famille, code d'honneur, argent, etc.), que sur le plan métaphysique, où il s'engage dans une rivalité mimétique avec le Ciel en lui enlevant une religieuse cloîtrée, en amenant celle-ci à rompre ses vœux et en la renvoyant ignominieusement à la clôture sacrée du couvent. En termes pascaliens, Dom Juan tenterait de parier contre l'existence de Dieu, ou du moins de protester contre son pouvoir démesuré sur les hommes. Il adopterait ainsi l'attitude libertine du joueur, et assumerait les divers risques qu'il encourt. "Faisant le brave contre Dieu", le protagoniste le somme en quelque sorte à comparaître devant lui afin de prouver son existence. Bref, il oblige le Ciel à se mettre littéralement en marche contre lui. Le héros tient ce pari fatidique jusqu'au bout, jusqu'à l'anéantissement de son être. Bien que le protagoniste soit bel et bien châtié pour son insubordination envers Dieu, on peut se demander à juste titre: Qui est réellement fustigé dans Dom Juan, Γ "hypocrite" ou les autres? Qui détient au fond la vérité, Dom Juan ou les "gens de bien"? Il faut constater, d'abord, que l'univers de ceux qui s'opposent au héros est théocentriquement m...

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