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Reviewed by:
  • Stratégies de Rimbaud
  • Hugo Azérad
Stratégies de Rimbaud. By Steve Murphy. (Romantisme et Modernités, 86). Paris, Champion, 2004. 629 pp. Hb €75.00.

Les livres récents de Michel Murat et de Pierre Brunel, entre autres, ont fait beaucoup avancer les études rimbaldiennes, et celui de Steve Murphy ne manque pas d’apporter sa parfaite érudition pour corriger et projeter des lumières sur l’enfant maudit des lettres françaises, maudit surtout par le manque de renseigne-ments complets sur la production des textes, leur édition, et la persistance du ‘mythe Rimbaud’. Le livre se concentre sur quelques poèmes qui sont stratégique-ment et symboliquement choisis dans l’œuvre de Rimbaud: de ‘A la Musique’, ‘Bal des pendus’, ‘Les Effarés’, ‘Ma Bohême’, ‘Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs’, à ‘Les Déserts de l’amour’, ‘Mémoire’, ‘Famille maudite’, ‘Jeunesse II’. L’auteur étudie chacun des poèmes à la loupe de la critique génétique pour les replacer dans le contexte exact (l’échelle ne se fait pas en années, mais en mois, on pourrait dire en ‘étapes’) où ils ont été écrits et remaniés. La force du livre vient des analyses stylistiques, historiques et politiques qui se fondent avec l’analyse génétique pour donner un tableau complet du poème, sans jamais forcer le référent. La Commune et la politique répressive qui s’ensuit, la tradition littéraire, ses pro/anti-académismes, les éléments biographiques sont constamment mis en rapport avec les textes rimbaldiens, d’où la notion fascinante de ‘stratégies’ de Rimbaud. Parmi les stratégies repérées se trouvent le pastiche et la parodie (de Leconte de Lisle, Glatigny, Banville, Coppée, Hugo, Verlaine), que ce soit dans la période zutique, les quatrains d’Alcide Bava (figure du double négatif ou d’Anti-Rimbaud?), ou jusque dans le ‘dernier poème’ possible de la lettre du 14 octobre 1875. Stratégies de rupture et de distanciation surtout, vis-à-vis du Romantisme, du Parnasse et du post-Romantisme, où Rimbaud adopte de mutiples masques, employant une panoplie de procédés de versification (ou de ‘subversification’ comme l’écrit brillamment Philippe Rocher, cité par Murphy (p. 500)). La métrique et la versification, oscillant toujours entre le régulier et l’irrégulier, rarement l’erreur, se révèlent passionnantes pour comparer les versions manuscrites, dénicher le contenu délibérément faussé, parodié, admiré ou simplement libéré. Dans cet écheveau de poèmes manuscrits, où tant reste à découvrir, on discerne la voix de Rimbaud qui se positionne, tirailléentre la désillusion totale, la palinodie, et l’utopie communarde qui l’a poussé à changer ce qui était ‘irrévocablement fixé par la tradition’ (p. 500). Le recours à tous les outils de la critique génétique mais aussi aux illustrations (excellentes caricatures) permet de discerner les stratégies poétiques de Rimbaud, nous aidant ensuite à nous replonger dans les poèmes, mieux équipés, plus alertes surtout. Ce livre pose magistralement des jalons pour de nouvelles recherches, qu’elles soient plus théoriques ou historiques, sur celui [End Page 224] qui proférait: ‘notre pâle raison nous cache l’infini’. Murphy nous montre un Rimbaud encore plus subtil que Baudelaire dans ses stratégies d’écriture, dont la voix protéenne et pourtant unique est toujours ‘en avant’, modèle en cela pour l’autre grand révolutionnaire des lettres, James Joyce.

Hugo Azérad
Magdalene College, Cambridge
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