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Reviewed by:
  • Ecrire pour qui? L’écrivain francophone et ses publics
  • Dominique D. Fisher
Lise Gauvin. Ecrire pour qui? L’écrivain francophone et ses publics. Paris: Karthala, 2007. 174 pp.

A l’heure de la mondialisation et des “littérature-monde,” ce livre traite de questions essentielles relatives au statut des littératures francophones situées hors de l’Hexagone, à leur appellation problématique, à leur traitement de la langue et du genre romanesque. Lise Gauvin se centre ici sur la place de ces littératures qu’elle préfère nommer “littératures de l’intranquilité,” sur leur réception, au sein et hors des institutions littéraires hexagonales et sur les diverses stratégies de détour qu’elles exploitent. A partir de l’étude des seuils du récit, de la note, des occurrences du dictionnaire, des modes d’inscription du lectorat dans le texte, elle démontre que ces œuvres aux prises avec des “poétiques forcées” et une “opacité indispensable à tout dialogue [End Page 145] interculturel,” réinventent une langue et une forme qui s’adressent à des “publics aussi bien endogènes qu’exogènes.”

Si la note peut se donner comme “le symptôme d’un malaise” chez l’écrivain par rapport à l’institution littéraire, elle s’impose avant tout comme “une double mise en cause des frontières des langues et du récit.” Qu’elle soit d’ordre explicatif (Patrick Chamoiseau), ironique (Yves Beauchemin), ou ludique (Réjean Ducharme), la note est partie intégrante de la diégèse. La “présence quasi obsédante du dictionnaire dans les textes francophones” peut servir d’“argument narratif,” de mise en fiction du “conflit des codes dans l’institution littéraire québécoise” (Michel Tremblay), de mise à distance des normes linguistiques sur un mode ludique (Francine Noël). Le dictionnaire peut encore servir d’objet de “déférence” et “transgression” chez Rober Racine (geste inscrit dans l’écriture même du prénom “en osant enlever le t”), tel son traitement de la langue et de l’intertextualité dans ses romans, tels les multiples déplacements du Petit Robert qu’il opère “au sens physique” dans ses compositions visuelles (Le Terrain du dictionnaire A/Z, Pages-Miroirs). Chez Ahmadou Kourouma, il s’agit de “casser le français,” de faire résonner la langue contre les contraintes idéologiques et l’écriture de l’Histoire. Inscrivant le lectorat dans leurs textes, certains écrivains exposent les contraintes linguistiques et éditoriales en jeu pour légitimer leurs œuvres. Raphaël Confiant procède à une “mise en abyme parodique de sa propre situation, dans sa Trilogie tropicale.” Dany Laferrière et France Daigle “scénarisent la réception de leur propre textes,” Emile Ollivier joue sur “une image plurielle de l’écrivain” et opère en “médiateur et de passeur entre les cultures et les publics auxquels il destine ces livres.”

L’originalité de cette étude tient à sa portée géopolitique et géopoétique. D’une part, elle embrasse des régions aussi vastes et diverses que le Québec, l’Acadie, L’Afrique Subsaharienne, la Caraïbe, y compris Haïti, tout en soulignant les similitudes et les nuances quant à leur traitement des codes culturels et linguistiques, quant aux questions de diglossie et de déterritorialisation. D’autre part, elle présente les multiples facettes de ces œuvres, leur réception, telle que les auteurs “francophones” de diverses régions du monde la conçoivent, l’interrogent, la parodie, la mettent en scène et en signe. Examinant en profondeur les multiples tensions existant dans ces littératures entre la fiction et le réel, entre l’écrivain et ses publics, entre les pratiques [End Page 146] ripturales, les contraintes éditoriales et les diverses institutions littéraires, Ecrire pour qui? est une œuvre critique majeure, brillante, qui ne manquera pas de fasciner tous ceux, spécialistes ou non, qui s’intéressent aux études dites francophones.

Dominique D. Fisher
University of North Carolina, Chapel Hill
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