Abstract

In Cuba in the 1990s, the collapse of USSR had important repercussions on the economy, and the population survived only in extreme poverty. The seriousness of the crisis made it necessary to redefine the ideology of the political regime, while the Catholic Church assumed an important social role thanks to international Catholic aid. It is in this context that the Castro State and the Catholic Church entered into a new relationship, one which made possible a papal visit in January 1998. Despite the conciliatory tone of the official discourse of both institutions, however, tensions still existed between them. The State encouraged tolerance towards religion, even inside the Communist Party, but made sure to promote religious diversity in order to reduce the Church’s power. The Church was still perceived as a pole of ideological opposition to the regime. The aim of this article is to recount the strategies of State and Church as they approached each other with mistrust during the period 1990 to 2005. It also attempts to understand how the population of Havana reacted to both institutions in terms of their discourses and social roles.

Résumé

À Cuba, dans les années 1990, l’effondrement de l’URSS a d’importantes répercussions sur l’économie, et la population survit dans un très grand dénuement. La gravité de la crise rend nécessaire une redéfinition idéologique du régime, alors que l’Église catholique assume un rôle social important grâce à l’aide catholique internationale. C’est dans ce contexte que l’État castriste et l’Église catholique nouent des relations nouvelles, qui permettent en particulier l’organisation de la visite pontificale de janvier 1998. Pourtant, malgré l’apaisement relatif des discours officiels des deux institutions, les tensions sont bien présentes. Ainsi, l’État encourage la tolérance à l’égard des religions, y compris au sein du Parti communiste, mais veille à stimuler la diversité religieuse pour minorer le rôle de l’Église catholique. L’institution ecclésiale est en effet perçue comme un pôle d’opposition idéologique au régime. Cet article a pour objet de retracer, dans la période 1990–2005, les stratégies des deux institutions, étatique et ecclésiale, qui dialoguent dans la défiance. Il constitue aussi une tentative pour percevoir comment la population de La Havane appréhende le discours et la place de chacune.

Vraiment, plutôt qu’une rencontre de l’« ange » avec le « démon », ne pourrait-on pas penser qu’il s’agit de la rencontre de deux anges, qui ont au moins en commun de défendre les pauvres ? Peut-être serait-il mieux, plus juste à l’égard du pape et plus modeste de ma part, qu’on continue à me considérer comme un démon qui est simplement l’ami des pauvres.

Fidel Castro, à propos de la visite de Jean-Paul II à Cuba, entretien télévisé du 16 janvier 1998.

Après l’effondrement de l’URSS, la population cubaine a souffert d’une grave crise économique qui a sapé la légitimité interne du régime politique. L’État cubain a alors dû opérer une réorientation stratégique, pour non seulement susciter à nouveau l’adhésion de la population de l’île, mais aussi s’adapter à la nouvelle donne géopolitique qui rendait nécessaire le renforcement d’autres solidarités internationales – latino-américaines en particulier. Les dirigeants ont accentué certains traits de la vulgate officielle, au détriment de l’orthodoxie marxiste-léniniste. Ils ont ainsi prôné un nationalisme ardent 2 fondé sur l’idée de « cubanité » 3. Par ailleurs, [End Page 15] l’idéologie officielle intégrait certains éléments empruntés à la culture catholique, tout en développant une apparente tolérance à l’égard des différentes religions. Au même moment l’Église catholique cubaine, qui constituait déjà un pôle de réflexion critique à l’égard de la société et des dirigeants du pays, acquérait une place incontournable dans la société. L’État allait ainsi devoir compter avec l’institution catholique pour mener à bien son adaptation idéologique.

Ainsi, le débat concernant la place de la culture catholique comme composante de l’ajiaco 4 cubain 5 est un enjeu important dans les relations complexes qu’ont nouées l’Église catholique et les autorités cubaines depuis deux décennies. Ce débat est devenu d’autant plus vif que le sentiment religieux a acquis une nouvelle visibilité dans les années 1990, mettant en question la place spécifique de l’Église catholique au sein du paysage religieux cubain. Alors que l’État et l’Église semblaient esquisser un rapprochement dès la deuxième moitié des années 1980, la visite pontificale, qui a eu lieu en 1998 au terme de longs préparatifs, a été l’occasion de mieux appréhender les raisons et les limites de ces nouvelles relations État-Église. Enfin, l’analyse de la période des fêtes de fin d’année à partir des années 1990 permet de comprendre comment les autorité cubaines ont su tirer parti de la relative liberté religieuse qu’elles avaient concédée pour relancer les festivités célébrant l’État cubain, tâchant d’impliquer plus spontanément la population.

Le débat autour du poids de la religion dans la culture cubaine

Depuis 1959, de nombreux travaux ont porté sur la place de la religion catholique dans la culture cubaine. La nature même du régime politique rend pourtant difficile l’accès aux sources écrites et orales, et pénalise ainsi la qualité des publications sur ce sujet devenu hautement politique 6. Les auteurs, qu’ils soient cubains ou américains, diffusent ainsi davantage des stéréotypes qu’une mise en perspective impartiale des quelques éléments disponibles 7. Un courant « révisionniste » adoucit sans l’éteindre [End Page 16] la querelle historiographique entre partisans et opposants du régime castriste 8; il s’appuie essentiellement sur des sources écrites émanant de l’institution ecclésiale et du régime cubain. Ces historiens s’accordent pour affirmer la diversité de l’Église catholique cubaine dans les années 1950. Contrant l’accusation qui fait de l’Église une force uniformément conservatrice et contre-révolutionnaire, Margaret Crahan estime par exemple que l’opinion catholique était juste avant la Révolution « largement anti-Batista » tout en restant peu engagée dans les luttes politiques 9, n’adoptant des positions anti-révolutionnaires qu’après l’annonce des réformes castristes du printemps 1959 10. Ces historiens soulignent par ailleurs les traits de culture catholique qui marquent l’identité nationale, malgré la faiblesse de la présence cléricale et de la catéchèse, et en dépit du syncrétisme de la foi populaire. Ils décrivent enfin de manière assez précise l’évolution de l’institution ecclésiale jusqu’en 1986, dans un régime politique qui la soumet à de sévères restrictions tout en maintenant des relations diplomatiques avec le Vatican. Ces travaux sont encore influencés par la thèse d’une Église peu ancrée dans la société cubaine, élitiste et conservatrice 11. Leur vision est cependant beaucoup plus apaisée, et relativise le rôle de l’Église comme lieu d’une opposition effective au régime castriste. Des divergences entre les historiens travaillant pour l’Église 12 et ceux qui ont des contacts avec les institutions de recherche du régime cubain subsistent pourtant, de manière plus discrète 13. Pour la plupart antérieures à 1990, ces recherches mettent l’accent sur le rapprochement entre Église et État au cours des années 1980, ouvrant sur une note optimiste. L’ouvrage de P. Létrilliart, Cuba, l’Église et la Révolution, publié en 2005, réactualise très utilement cette historiographie, en parvenant à dresser un tableau convaincant et précis des relations entre Église catholique et régime cubain depuis les années 1990 14.

Les ethnologues ont également étudié ce thème 15. Ils ont pour leur part privilégié l’étude des religions afro-cubaines et du syncrétisme, dans la ligne des travaux entrepris [End Page 17] dans les années 1930 16. La population noire ou métisse, dont la proportion a été réduite par la politique d’incitation à l’immigration européenne menée au début du xxe siècle par les gouvernants 17, apparaît imprégnée de pratiques religieuses d’origine africaine (palo, santería 18). L’étude de ces religions est encouragée dans les années 1990 par les autorités révolutionnaires, afin de mettre en valeur cette composante de la cubanité 19, par opposition à un catholicisme qui ne serait que minoritaire et superficiel. Par ailleurs, l’attitude des autorités cubaines à l’égard de l’institution ecclésiale a probablement renforcé cette composante afro-cubaine au sein de la culture religieuse dans l’île 20. Il faut ajouter à cela une tradition spirite, peut-être redevable aux traditions espagnole et nord-américaine. Ces différentes composantes se mêlent dans la culture populaire cubaine, comme ailleurs en Amérique latine 21. Les images de dévotion les plus répandues à Cuba échappent ainsi en partie au catholicisme orthodoxe 22. L’ensemble forme une religiosité syncrétique aux contours difficiles à établir, que Kali Argyriadis regroupe sous le terme de religión 23, soulignant ainsi la pluralité et la fluidité des appartenances religieuses. Enfin, si Cuba est historiquement moins pénétrée par les Églises protestantes, ces dernières gagnent actuellement du terrain et certaines entretiennent des relations privilégiées avec le régime, en particulier depuis les années 1990 24. [End Page 18]

Une religiosité cubaine accrue dans les années 1990

L’un des effets de l’effondrement du bloc socialiste et de la « période spéciale » 25 semble avoir été le renforcement de la religiosité cubaine. En effet, la dureté de la lutte quotidienne contre les pénuries renforce la cruauté des rapports sociaux et favorise le vacillement des repères moraux. Les liens familiaux sont en outre fragilisés par l’exil. La projection dans l’avenir devient plus hasardeuse en raison des mesures parfois draconiennes et imprévisibles prises par les autorités, alors même que l’usure des idéaux politiques et l’impossibilité de sortir du pays contribuent à la fermeture des horizons. Ces facteurs ont certainement beaucoup favorisé les questionnements individuels propices au développement religieux. Deux autres facteurs, plus spécifiquement politiques, contribuent à expliquer ce regain. À partir du Congrès du Parti communiste en 1991, les croyants ont la possibilité d’adhérer au Parti, puis, en 1992, une modification constitutionnelle redéfinit l’idéologie de l’État cubain en rompant avec l’athéisme 26. Un certain nombre de Cubains se sont ainsi sentis encouragés à assumer publiquement leurs croyances.

Ce regain de religiosité touche l’ensemble des religions présentes à Cuba. Pour le catholicisme, il concerne d’une part des croyants qui ont maintenu une tradition religieuse pendant la période d’athéisme officiel, qui sortent de leur réserve et acquièrent alors une nouvelle visibilité. Il s’agit de personnes âgées et de familles qui ont fait le choix de perpétuer leur pratique religieuse aux dépens de leurs ambitions sociales et professionnelles. Ces fidèles participent activement à l’aggiornamento de l’Église cubaine 27. D’autre part, de nouvelles recrues sont attirées par les propositions spirituelles de l’Église, à un moment où les conditions de vie dans l’île sont devenues extrêmement difficiles. Parmi celles-ci, les professions liées à l’enseignement et à la médecine 28 seraient surreprésentées. Certaines renouent avec une tradition religieuse familiale abandonnée après 1959. Ainsi, telle famille rencontrée lors de l’enquête, issue de la bourgeoisie havanaise, ralliée à la révolution en 1959, se tourne vers le catholicisme pendant les années les plus difficiles de la « période spéciale », au cours de laquelle le père et sa fille décèdent, tandis que les deux fils restants tombent malades. La mère, Sonia, et ses deux fils connaissent alors une déchéance économique et vivent misérablement dans leur grande maison bourgeoise du Vedado. L’un des fils s’intègre d’abord brièvement à un culte afro-cubain avant de se tourner vers l’Église catholique. Il y entraîne sa mère, qui avait reçu une éducation religieuse dans des établissements confessionnels puis avait rompu avec une religion qui lui apparaissait avant tout comme un carcan conservateur. En fréquentant à nouveau la [End Page 19] messe, elle trouve un catholicisme bien différent de celui de son enfance. Le sermon lui apparaît désormais comme l’occasion d’une réflexion au cours de laquelle les textes de l’Evangile sont confrontés aux difficultés de la vie quotidienne; alors qu’elle retenait du catéchisme la figure d’un Dieu le Père tout puissant et intransigeant, les clercs insistent maintenant sur les souffrances généreuses du Fils. L’Église cubaine s’est en effet ouverte tardivement, au cours des années 1980 surtout, aux évolutions théologiques issues du Concile de Vatican II, à la suite de la Conférence de Puebla 29. Par ailleurs, pour Sonia, la vie de paroisse – avec des activités telles que la chorale et le catéchisme – assure un lien social essentiel, alors qu’elle s’était mise en retrait de ses anciennes relations suite à la dégradation de sa situation économique. Enfin, l’action caritative exercée par la communauté ecclésiale à travers Caritas 30 devient un soutien matériel crucial, même s’il demeure insuffisant pour la mère et ses trois fils qui peinent à se nourrir 31. L’Église catholique peut ainsi devenir un soutien matériel, affectif et social fondamental pour ceux qu’on surnomme les « nouveaux chrétiens » et qui forment alors une partie importante des fidèles 32 au moment où la société cubaine subit les bouleversements de la « période spéciale ». Mais l’exclusivité de l’adhésion à la religion catholique dans la famille de Sonia, qui tente d’assister autant que possible aux cours de catéchisme qu’elle trouve trop rares, n’est pas généralisable 33.

Le paysage religieux cubain actuel est donc marqué par l’importance accrue des religions afro-cubaines, mais aussi par un catholicisme minoritaire qui a retrouvé un certain dynamisme, soutenu par une institution financée depuis l’extérieur. Il convient également de mentionner le réseau des Églises protestantes et néo-protestantes, qui se développent comme ailleurs dans les Caraïbes et en Amérique 34, et la petite communauté juive, qui reprend de la vigueur 35. Les évolutions des rapports [End Page 20] complexes qu’entretiennent les représentants des différentes confessions entre eux et avec l’État sont étroitement liées aux rapports compliqués de l’État cubain à l’Église catholique. Pour le régime castriste, l’enjeu est vital, puisqu’il en va de la légitimité de son pouvoir face à une institution qui tend à s’imposer dans les années 1990 comme un espace de liberté intellectuelle. La stratégie des autorités cubaines est alors de favoriser la diversité religieuse dans l’île, tout en restreignant la liberté de l’Église catholique.

L’évolution des relations État cubain-Église catholique dans les années 1990

C’est à partir du milieu des années 1980, après un quart de siècle de tensions, que les relations entre l’Église catholique et l’État évoluent. Ce moment marque une étape tant pour l’Église, qui entame un processus d’aggiornamento, que pour les dirigeants, qui donnent à l’idéologie cubaine, incarnée par Fidel Castro, des inflexions de plus en plus favorables à un certain type de christianisme.

Le chef d’État cubain avait rencontré dès 1971 les prêtres chiliens ayant soutenu l’arrivée au pouvoir de l’Unité populaire; dans son allocution, il avait insisté sur la parenté entre les valeurs chrétiennes et marxistes 36, thème devenu récurrent dans le discours castriste. Dans les années suivantes, Fidel Castro s’est ensuite intéressé au courant de la théologie de la libération 37, qui venait de naître au Brésil avant de se diffuser sur le continent latino-américain. Ainsi, lorsque paraît en 1985 un livre d’entretiens que le líder máximo accorde à Frei Betto, figure importante de la théologie de la libération, les idées qu’il émet à l’égard du christianisme ne sont pas totalement inédites. Néanmoins ce livre, intitulé Fidel y la religión, fait date dans l’évolution des rapports du castrisme au catholicisme: tiré à un million d’exemplaires, il a été lu par un grand nombre de Cubains 38 et a été interprété par les lecteurs comme une levée relative du tabou religieux dans le discours castriste 39. Cet événement éditorial a eu lieu l’année même où Fidel Castro a invité officiellement les évêques de son pays à la conférence sur la dette internationale.

La formation de Fidel Castro a peut-être favorisé sa sensibilité à un possible rapprochement entre les morales chrétienne et révolutionnaire. L’empreinte de l’enseignement jésuite sur le leader de la révolution cubaine et le régime qu’il a mis en place est analysée par Frei Betto, qui relève les traits communs entre la révolution cubaine et l’ethos jésuite: volontarisme, sens éthique, verticalité des institutions, esprit de sacrifice dans le travail, obéissance aux décisions prises en haut lieu, esprit de mission tourné vers la scène internationale. Il conclut: « Plus on connaît le [End Page 21] caractère et le style de la Compagnie de Jésus, mieux on comprend les caractéristiques du Cuba de Castro » 40. L’apologie de la théologie de la libération par Castro au cours de ces entretiens pourrait donc sembler cohérente avec sa propre formation, à condition toutefois de préciser deux points. Le premier est que les établissements scolaires catholiques, et en particulier le Colegio de Belén des jésuites à La Havane, formaient avant 1959 l’ensemble des élites cubaines; le second est qu’une partie importante de ces enseignants était plutôt proche du franquisme 41. Il semble par ailleurs évident qu’il ne s’agit pas en premier lieu pour Castro de satisfaire des penchants personnels, la publication d’un ouvrage à un tirage aussi élevé obéissant sans conteste à une stratégie politique. Il est vrai que l’ouvrage peut être perçu comme une défense de la théologie de la libération au moment où celle-ci est condamnée par les autorités vaticanes 42; il semble cependant que la publication massive de ces ouvrages à Cuba soit surtout le moyen d’adresser un message fort à la population cubaine 43. Au travers de longs développements sur son enfance et les vertus de la théologie de la libération, Fidel Castro invite ceux qui ont été imprégnés de culture chrétienne à se retrouver dans la révolution cubaine, en même temps qu’il enseigne aux communistes les plus antireligieux qu’il existe une version convenable de l’interprétation de l’Evangile. Il opère une distinction nette entre un mauvais christianisme, avatar d’une compromission avec les classes bourgeoises, et un bon christianisme, fidèle au christianisme primitif et proche du socialisme. Au fond, il émet l’idée que c’est l’institution ecclésiale cubaine qui est condamnable, accusée de n’avoir été qu’un instrument de domination bourgeoise et d’avoir ainsi trahi l’idée chrétienne de compassion avec les plus pauvres et les plus humbles.

Pourquoi Fidel Castro a-t-il fait ce geste de conciliation ? En premier lieu, à cette époque, l’Église ne pouvait plus vraiment être perçue comme un danger pour le régime, tant elle était affaiblie par les départs en exil et la répression. Le líder máximo pouvait donc se sentir en position d’indiquer à une Église exsangue le chemin d’une possible rénovation dans une direction plus « révolutionnaire ». En outre, cette date coïncide avec une crise du régime, qui amène les dirigeants cubains à entreprendre une redéfinition de l’idéologie officielle en 1986 avec le processus de « rectification des erreurs » 44, à contre-courant de la libéralisation qui accompagnait la perestroïka soviétique. Il est alors possible de voir dans la publication de Fidel y la religión la volonté d’émanciper l’idéologie castriste du discours soviétique, en renforçant l’ancrage latino-américain de Cuba par la prise en compte de la culture catholique, [End Page 22] au moment où cette dernière montre son potentiel politique sur le continent latinoaméricain.

À cette époque, les prélats cubains sont eux aussi soucieux de mener un dialogue avec les autorités. En 1986, une vaste rencontre ecclésiale (Encuentro nacional eclesial cubano) est organisée afin de mettre en œuvre les recommandations de la conférence de Puebla, tenue en 1979 45. L’Église cubaine fixe alors parmi ses objectifs la préparation d’une visite pontificale dans l’île. Celle-ci, annoncée une première fois pour l’année 1990, n’a finalement lieu qu’en 1998. Son organisation est l’occasion d’intenses négociations, qui mettent en lumière l’évolution des relations entre l’Église catholique et les autorités castristes au cours des années 1990.

Les enjeux de la visite pontificale

Les premières tractations en vue d’une visite de Jean-Paul II en 1990 échouent. L’effondrement du bloc socialiste européen fragilise alors le régime castriste, et, à la lumière du cas polonais, le portrait du souverain pontife que dressent les médias internationaux est celle d’un efficace pourfendeur du communisme. Sa venue à Cuba pouvait donc être perçue comme un facteur de déstabilisation du régime 46. Quelques années plus tard cependant, alors que le libéralisme économique a pris le relais de l’économie planifiée en Europe centrale et orientale, l’image médiatique de Jean-Paul II devient avant tout celle d’un pape missionnaire qui dénonce les excès du capitalisme, et son combat contre le communisme passe au second rang. En outre, au début des années 1990, alors que la crise économique soumet la population à de graves pénuries, l’isolement de Cuba sur la scène internationale est à son apogée. Fidel Castro cherche alors à se tourner vers les Caraïbes et l’Amérique latine où l’accueil de Jean-Paul II à Cuba pourrait aider à « dé-diaboliser » 47 le régime cubain, mais aussi à renforcer son image de leader tiers-mondiste. C’est dans ce contexte que Fidel Castro rencontre pour la première fois Jean-Paul II, au sommet de la FAO à Rome en 1996. Le leader cubain a par la suite affirmé que le contenu de son discours à l’occasion de ce sommet était très proche de celui du souverain pontife 48. Le chef d’État cubain consolidait alors sa place de porte-parole des pays pauvres de la planète. Il espérait aussi que Jean-Paul II dénoncerait l’embargo américain. Cette visite pouvait enfin avoir comme bénéfice de diviser la communauté cubaine de Miami 49.

La visite de janvier 1998 est activement préparée au cours de l’année 1997. À partir du printemps, des représentants de l’Église et de l’État se réunissent périodiquement pendant plusieurs mois au sein d’un « comité conjoint » dont l’objectif est d’accorder les exigences de chacune des parties. Les rapports s’avèrent souvent tendus et les autorités cubaines réservent jusque très tard certaines décisions, concernant par exemple la diffusion télévisuelle des cérémonies dans l’île 50, alors que les représentants [End Page 23] de l’Église soupçonnent faire l’objet d’écoutes lorsqu’ils se réunissent dans la maison mise à leur disposition par les autorités cubaines 51. Cette relation est symptomatique du malentendu qui la fonde. Pour l’Église, il s’agit d’une visite missionnaire destinée aux fidèles de l’île. À l’inverse, Fidel Castro, sans nier tout à fait l’aspect pastoral, en fait un enjeu de politique internationale. D’ailleurs, quelques jours avant l’arrivée de Jean-Paul II dans l’île, le líder máximo tient à parler du pape comme d’un « chef d’État » 52, c’est-à-dire un homologue, avec lequel il partage un certain nombre de points de vue 53 il présente Jean-Paul II comme un invité personnel, à la curiosité piquée par la résistance du David cubain au Goliath étatsunien. À l’inverse, il réduit la dimension religieuse à l’idée de valeurs, dont il rappelle qu’il les considère comme proches de celles du socialisme.

Au cours de la visite, il continue à faire prévaloir une relation personnelle avec Jean-Paul II. Ainsi, à l’aéroport le 21 janvier, il va à la rencontre du pape qui descend de l’avion, laissant de côté le protocole. Il s’en justifie plus tard en expliquant qu’il n’avait écouté que son cœur en voyant ce vieil homme si fragile. Il assiste également à des cérémonies où sa présence n’est pas attendue 54. Ses apparitions sont soigneusement rapportées par les journaux, la radio et la télévision cubains 55. Les autorités veillent à contrôler la médiatisation de l’événement. Les journalistes cubains appelés à couvrir la visite de Jean-Paul II reçoivent même une formation spécifique pour combler leurs lacunes en matière de culture religieuse 56. À l’égard des médias internationaux, les autorités se veulent accueillantes et soignent l’image d’un pays certes souffrant, mais uni pour que la visite soit un succès 57.

Les représentants de l’Église catholique cubaine aussi se soucient de leur stratégie de communication. De fait, les choix liturgiques, le programme et le parcours effectués par le pape dans l’île soulignent le poids du catholicisme dans l’identité nationale 58. L’intervention de Mgr Meurice à Santiago, critiquant les effets de l’idéologie marxiste-léniniste sur la société et sur l’Église cubaines, détonnait avec une position plus conciliante dans l’ensemble. Les deux parties sont ainsi parvenues à offrir une [End Page 24] vision commune du pays aux caméras étrangères, insistant sur les difficultés de la vie quotidienne des Cubains. Sur la place José Martí où s’est tenue la messe de La Havane le 25 janvier, une grande tenture du Christ, installée à la demande de l’Église 59, faisait un curieux écho au visage de Che Guevara ornant le bâtiment du journal Granma, comme si les deux discours étaient temporairement à l’unisson.

Le succès de la visite pontificale a confirmé le regain de l’Église catholique, qui avait déjà trouvé un nouvel élan et une visibilité accrue lors de la préparation de l’événement. Son bon déroulement semblait annoncer une libéralisation durable du régime à l’égard de l’institution ecclésiale. D’ailleurs, d’après des témoins fidélistes et communistes, celleci aurait fait preuve à cette occasion d’une modération interprétée comme le symptôme de transformations « sur la bonne voie » 60 à l’égard de la révolution. Il est vrai qu’à partir de 1991, la tolérance envers le phénomène religieux en général fait partie de l’idéologie officielle. En outre, chacun désormais connaît des croyants dans son entourage proche.

Pour les catholiques, cet espoir fait rapidement place à une forte déception, et le terme de despapalización (« dépapisation ») est alors employé dans les milieux de l’archevêché pour désigner l’attitude des autorités à l’égard de l’Église 61. La réaction de ces dernières s’apparente bientôt à une reprise en main visant à éviter une trop grande influence de l’institution catholique. Il faut dire que le régime castriste avait longtemps appuyé une partie de sa légitimité sur l’organisation de manifestations massives; or, en janvier 1998, ces dernières ne sont plus qu’un lointain souvenir après les difficultés de la « période spéciale ». La capacité de mobilisation de l’Église à l’occasion de la visite de Jean-Paul II est donc une réelle surprise pour les autorités, qui se sont finalement résolues à appeler les Cubains à se rendre en nombre sur les lieux 62. Un an plus tard, une occasion est trouvée par le régime de prendre une revanche en mobilisant à son tour massivement la population: c’est l’affaire de l’enfant Elián, disputé entre son père resté dans l’île et les membres de sa famille exilés à Miami 63. Elle mobilise les médias nationaux et les organisations du régime sur des slogans révolutionnaires et nationalistes. Des manifestations massives sont convoquées pour appeler au retour d’Elián dans l’île, renouant avec la tradition antérieure du régime.

L’Église catholique s’affirme cependant comme un contre-pouvoir capable d’engendrer des projets réformateurs 64 et de brasser des idées considérées comme subversives. Pour contrer son influence, les autorités cubaines poursuivent une [End Page 25] politique de soutien à la diversification religieuse 65. Cette politique, qui prend des formes très diverses, émane du Bureau des affaires religieuses, intégré au Comité central du Parti communiste cubain 66. Par exemple, les chercheurs du CIPS (Centro de Investigación psicológica y social) 67, spécialisés dans l’étude des religions, donnent une vision marxiste traditionnelle de la religion et continuent de décrire l’Église catholique comme une institution réactionnaire. Parallèlement, les représentants des religions protestantes, juive et afro-cubaines sont reçus officiellement, sous l’œil des médias nationaux qui insistent sur la bienveillance des autorités à leur égard. De même, une église de rite orthodoxe grec est construite et consacrée en 2004 à La Havane, et une église orthodoxe russe est en projet pour des communautés de fidèles très peu nombreuses.

En outre, le régime cubain parvient à récupérer une partie de l’engouement pour certaines traditions catholiques. Peu avant la venue de Jean-Paul II, le 25 décembre, devenu jour ouvrable en 1969 au motif qu’il gênait la récolte de la canne à sucre (zafra), est rétabli comme jour férié. Cette décision est prise solennellement et à titre provisoire devant l’Assemblée le 13 décembre 1997 68; c’est alors un gage d’ouverture en vue de la visite pontificale 69. Le Parti communiste décide de réhabiliter définitivement le 25 décembre comme jour férié l’année suivante, et un article en pleine page 70 du Bureau politique du Parti répète les arguments donnés par Fidel Castro en décembre 1997 pour justifier la décision de 1969, qui avait fait de Noël un jour ouvrable. Ce qui apparaît alors comme une concession à l’Église et à l’opinion internationale est cependant évacué au plus vite des pages de Granma. Dans l’organe du Parti communiste 71, les numéros du 24 et du 25 décembre ne font ainsi aucune mention de Noël entre 1997 et 2004. Le journal fournit cependant une interprétation de la célébration de Noël dans un article qui dénonce la fête commerciale symbolisée par le Père Noël comme expression du capitalisme le plus inhumain 72. Cette idée d’un Noël capitaliste ennemi de la révolution s’est affermie avec l’immixtion des représentants des autorités étatsuniennes sur le terrain idéologique de la fête de Noël. À la fin de l’année 2004, le bureau des intérêts américains (oficina de intereses de los Estados Unidos) s’est en effet doté d’un gigantesque arbre de Noël, orné du nombre 75, qui évoque le nombre d’opposants emprisonnés suite à la vague de répression [End Page 26] du printemps 2004. Les autorités cubaines ont riposté en entourant l’enceinte du bâtiment de grands panneaux figurant des croix gammées, les mots « infamie ! » ou « fascistes ! », et des images dénonçant les prisons américaines dans le monde. La restauration du 25 décembre par les autorités comme jour férié s’accompagne ainsi d’un silence absolu quant à sa signification religieuse, et d’un rejet discret mais radical à l’égard de la célébration de Noël comme fête commerciale.

L’opposition à l’aspect commercial des fêtes de fin d’année n’empêche pourtant pas la commercialisation des décorations traditionnelles dans les boutiques en dollars ou en monnaie convertible 73: les vitrines sont peintes de boules de Noël, de sapins et de guirlandes, mais ces décors sont accompagnés de slogans célébrant le triomphe de la Révolution sans mentionner Noël. Elles illustrent la tentative de détournement de cette période festive au profit du régime, qui contre l’influence croissante de Noël par la promotion d’autres fêtes de fin d’année. Ainsi, depuis décembre 1999, la « bataille des idées » lancée lors de l’affaire Elián est devenue chaque année une période d’intense activité idéologique, notamment à destination des enfants. Dans la foulée, le 1er janvier, conçu comme date anniversaire de la révolution, est depuis l’année 2000 l’occasion de festivités organisées dans tout le pays avec la participation d’artistes. De même, le 2 janvier est devenu la « fête des enfants », ce qui permet de rendre à janvier sa magie pour les petits sans qu’il y ait pour autant besoin de restaurer la célébration de l’épiphanie 74. Cette volonté de récupérer l’ambiance festive de cette période de l’année à des fins politiques est une manière de prendre acte de l’adhésion croissante de la population cubaine à ces réjouissances depuis les années 1990.

D’après les témoins interrogés, les fêtes de fin d’année ont commencé à prendre de l’importance dans la deuxième moitié de la décennie, alors que la phase la plus dure de la période spéciale s’achevait et qu’un certain nombre de Cubains bénéficiaient de revenus en dollars, envoyés par les membres de leur famille en exil (remesas) ou reçus en complément de leur salaire en pesos cubains. Le réveillon du 24 décembre se généralise en dehors des milieux catholiques, devenant un moment privilégié de réunion familiale. Ainsi, au sein de telle famille dont une partie est catholique pratiquante et l’autre fermement athée, un compromis consiste à célébrer de manière équitable les veillées du 24 et du 31 décembre. À ces dates, et en fonction de leurs possibilités économiques, les Cubains tâchent de faire un repas qui sorte de l’ordinaire, ajustant les traditions à leur pouvoir économique: le riz aux haricots noirs est ainsi accompagné dans la mesure du possible de viandes plus ou moins chères, allant du poulet importé au porc local; de même, boissons alcoolisées, friandises et fruits accompagnent le repas. Les décorations de Noël, sapins en plastique, boules et guirlandes, deviennent de plus en plus courantes. Enfin, la messe de Noël (misa del gallo) tend à attirer davantage de monde, bien au-delà des cercles habituels de fidèles 75. Les festivités gagnent certes du terrain en même temps que s’affirme le renouveau religieux, mais c’est aussi le résultat d’une volonté de sortir de la tristesse du quotidien dès que les moyens économiques le permettent. [End Page 27]

Placée dans une position ambiguë dans la mesure où la recrudescence des festivités de fin d’année n’est pas exclusivement un fait religieux, l’Église catholique encourage la célébration de Noël comme une fête avant tout familiale et s’oppose vivement à ses dérives commerciales, s’accordant en cela avec l’idéologie officielle. Cette position permet de prendre en compte les réalités cubaines, telles que les difficultés économiques qui continuent à toucher la très grande majorité de la population, la grave crise que connaît l’institution familiale, et la diversité des attitudes à l’égard de la religion au sein des familles. Cette souplesse permet d’encourager le développement de Noël au-delà de la dimension religieuse et au bénéfice de la culture chrétienne 76. Cette période est donc celle d’une intense concurrence idéologique entre l’État cubain et l’Église, chacun tâchant de profiter au mieux des effets d’un retour aux traditions culturelles du catholicisme.

Pour tenter de sortir d’une crise de légitimité du régime qui prend de l’ampleur durant les années 1990, le pouvoir cubain s’est donc trouvé dans la délicate position d’encourager une libéralisation religieuse tout en maintenant une forte pression sur une institution ecclésiale capable de ménager un espace de réflexion critique à l’égard du régime. L’insistance sur les notions de syncrétisme religieux et de tolérance permet aux autorités de minimiser l’influence du catholicisme et de son Église, tout en favorisant la diversité religieuse. Le discours officiel sur les valeurs concomitantes du socialisme et du christianisme fait par ailleurs abstraction de la dimension religieuse, mais récupère une partie de l’héritage culturel chrétien. C’est ainsi que l’on peut comprendre l’attitude des autorités cubaines décrétant trois jours de deuil national lors du décès de Jean-Paul II, regretté au nom de « sa bonté et son amour pour les êtres humains » 77. La sympathie affichée par Fidel Castro à l’égard du défunt pape laisse dans l’ombre la médiation de l’Église catholique cubaine, pourtant essentielle dans l’organisation de la venue du pape dans l’île en 1998.

Cette attitude s’inscrit également dans la politique extérieure cubaine. À mesure qu’elles s’écartent de l’idéologie marxiste-léniniste, les autorités cubaines semblent rechercher un ancrage latino-américain en soulignant les affinités qu’entretiennent les valeurs du socialisme et du christianisme. L’année 1998 est aussi celle de l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chávez au Venezuela. Le rôle joué dans l’évolution de l’idéologie castriste par le président vénézuélien, qui assume une identité « socialochrétienne » 78, demeure à définir. Les dirigeants des deux pays paraissent cependant s’accorder à vouloir mettre en œuvre une idéologie puisant dans une combinaison de marxisme et de christianisme 79, forgeant une alternative hispano-américaine au marxisme athée du défunt bloc socialiste européen. [End Page 28]

Les sources utilisées

Les réflexions qui nourrissent cet article sont alimentées par les matériaux accumulés au cours de deux séjours réalisés à un an et demi d’intervalle. Je réalisai le premier, long d’un mois, pour nourrir un mémoire de DEA 80 portant sur la confrontation idéologique entre catholicisme et castrisme, à travers l’étude de l’organisation de la visite pontificale de janvier 1998. L’accord qui liait mon université avec celle de La Havane n’étant plus honoré, je suis partie avec un simple visa touristique, emportant avec moi des grilles d’entretiens oraux 81 et des questionnaires écrits permettant de les compléter. Hélas, sur place, j’ai rencontré une réalité bien différente de celle que j’imaginais. En effet, bien loin de répondre volontiers à mes sollicitations, les Cubains me considéraient avec méfiance. J’en appris bientôt une raison plausible. Un témoin, qui avait été sollicité avant 1991 pour réaliser une enquête pour le compte d’une institution officielle concernant les pratiques religieuses de ses salariés, m’expliqua que les enquêtes avaient été à plusieurs reprises un moyen pour le régime de mieux connaître les attitudes « déviantes », sous couvert de sociologie, afin les réprimer. Un autre témoin me confirma ce fait lors de mon second séjour, en février 2005, m’indiquant que pour tromper la vigilance des personnes interrogées, il était parfois fait appel à des étrangers favorables au régime. Ainsi, même si la parole se libère peu à peu à Cuba, elle demeure contrainte, et il est difficile d’y mener de véritables enquêtes auprès de la population. De plus, les évolutions récentes, liées à la crise économique et sociale des années 1990, rendent vaine toute tentative de sélectionner un échantillon représentatif au sein d’une population qui ne répond plus aux catégories sociales définies antérieurement. Malgré toutes ces réserves, les douze entretiens et les treize enquêtes écrites réalisés dans des conditions inégales en août 2003, portant sur les pratiques religieuses et sur la participation à la visite pontificale, sont riches d’informations. Je les ai complétés par trois entretiens réalisés lors d’un séjour plus bref en février 2005; les personnes interrogées étaient celles avec qui j’étais restée en relation depuis le précédent séjour, et les questions concernaient uniquement les fêtes de fin d’année. Pour compléter les sources orales, un certain nombre d’imprimés ont été utilisés. Cependant l’accès aux sources écrites est également très restreint, sauf pour la presse officielle. Quant à la presse catholique, seule presse alternative et qui réalise de faibles tirages, elle est consultable dans les bibliothèques catholiques 82. Enfin, la distance est également une forte contrainte. Les oublis et repentirs sur les recherches effectuées dans l’île sont rarement remédiables après le retour, même lorsque les correspondants disposent d’une adresse électronique 83.

[End Page 29]

Valentine Gauchotte-Mayaud

Professeur d’histoire-géographie au lycée Jeanne d’Arc à Nancy.

Footnotes

1. Le slogan est utilisé dans un article non signé, « El pueblo compartió el diálogo de Fidel y los religiosos », Granma, 10 avril 1990, pour résumer l’attitude officielle des autorités cubaines à l’égard de la religion en 1990. Voir aussi, dans une veine plus humoristique, le texte anonyme « ¡Qué confusión! » mis en circulation à La Havane au moment de la visite pontificale de 1998 et reproduit dans P. Letrilliart, Cuba, l’Église et la Révolution, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 451.

2. R. Rabkin, « Cuban socialism: Ideological Responses to the Era of Socialist Crisis », Cuban Studies, n°22, 1992; cet aspect est également brièvement analysé par S. Signes Bañuls, « Cuba en la década de 1990: actitudes, actores y resultados », in J. del Alcazar, S. Mattalia (coord.), América latina: literatura e historia entre dos finales de siglo, Valencia (Espagne), Ediciones del CEPS, 2000, p. 201–221.

3. La notion de cubanité est déjà présente au milieu du xixe siècle, à l’époque où certains intellectuels criollos revendiquent l’existence d’une « nationalité cubaine », reposant sur une identité culturelle spécifique, distincte de celles de l’Espagne et, surtout, des États-Unis. Elle a été forgée avant tout contre les projets de rattachement aux États-Unis, qui faisaient craindre la dissolution de l’identité cubaine dans celle du grand voisin anglo-saxon. Le contenu de la cubanité a ensuite évolué, intégrant les populations de couleurs au moment des guerres d’indépendance (1868–1898) avec les écrits de José Martí. Contrairement au reste de l’Amérique latine où les indépendances ont précédé la conscience nationale, le nationalisme cubain s’est élaboré avant l’indépendance tardive de l’île. Cf. J. Opatrny, « La cubanidad y la nación cubana: José Antonio Saco y José Martí », Tebeto: Anuario del Archivo Histórico Insular de Fuerteventura, nº 5, 2004, p. 94–107.

4. La métaphore de l’ajiaco, une potée cubaine connue pour le grand nombre de ses ingrédients, est communément utilisée à la suite de l’ethnologue cubain Fernando Ortiz (1881–1969) pour souligner la diversité des apports composant l’identité cubaine.

5. Ces débats ont également eu lieu dans d’autres pays d’Amérique latine. La culture religieuse cubaine est en effet assez proche de celle du Brésil et des Antilles à maints égards, et pose des questions similaires concernant la profondeur de la pénétration de la culture catholique et la place du catholicisme dans un syncrétisme religieux marqué par un fort héritage africain. À propos du Brésil, on peut lire C. Falgayrettes-Leveau et al., Brésil. L’héritage africain, Paris, Éditions Dapper, 2005.

Pour une mise en perspective des spécificités du catholicisme en Amérique latine, voir É. Poulat, « The Path of Latin American Catholicism », in D. Keogh (ed.), Church and Politics in Latin America, Londres, Macmillan, 1990, p. 3–24; J. Meyer, Les chrétiens d’Amérique latine, Paris, Desclée, 1991; M. Löwy, La guerre des dieux. Religion et politique en Amérique latine, Paris, Éditions du Félin, 1998; A. Colonomos, Églises en réseaux. Trajectoires politiques entre Europe et Amérique latine, Paris, Presses de Sciences Po, 2000; Religion et politique en Amérique latine, Archives de sciences sociales des religions, janvier-mars 1997.

6. Voir l’encadré concernant les sources utilisées.

7. Une mise au point historiographique est faite par I. Alvarez Cuartero, « Y yo pasé, sereno entre los viles: Estado, Revolución e Iglesia en Cuba, 1959 », América Latina Hoy, mars 1998. On consultera également du même auteur « Relaciones entre el Estado y la Iglesia católica en Cuba (1959–1961) », Hispania Sacra, XLVII, 1995, p. 67–94, et « Fuentes para el estudio de la iglesia católica en Cuba (1953–1961) », in J. I. Saranyana, E. Lama, M. de la Lluch (coord.), Qué es la Historia de la Iglesia. Actas del XVI Simposio Internacional de Teología de la Universidad de Navarra, Pampelune, Eunsa, 1996, p. 271–279.

8. Ce courant est illustré par les écrits de plusieurs auteurs, parmi lesquels: M. E. Crahan, « Catholicism in Cuba », Cuban Studies, n° 19, 1989, p. 3–24; id., « Fidel Castro, the Catholic Church and Revolution in Cuba », in D. Keogh (ed.), Church and Politics in Latin America, Londres, Macmillan, 1990, p. 253–271; J. I. Dominguez, « International and National Aspects of the Catholic Church in Cuba », Cuban Studies, n° 19, 1989, p. 43–60; J. M. Kirk, Between God and the Party: Religion and Politics in Revolutionary Cuba, Tampa, University of South Florida Press, 1989; id., « From Counterrevolution to Modus Vivendi: The Church in Cuba, 1959–1984 », in S. Halesky, J. M. Kirk (eds.), Cuba, Twenty-five years of Revolution, 1959–1986, New York, Praeger, 1985, p. 93–113; id., « Toward an understanding of the Church-State rapprochement in revolutionary Cuba », Cuban Studies, n° 19, 1989, p. 25–42; T. E. Quigley, « The Catholic Church in Cuba », in P. Ramet, Catholicism and Politics in Communist Societies, Durham, Duke University Press, 1990, p. 297–312. Ces auteurs font toujours référence concernant les relations entre l’Église et l’État à Cuba dans les années 1960.

9. M. E. Crahan, « Fidel Castro, the Catholic Church and Revolution in Cuba », art. cit.

10. Les thèmes litigieux concernaient alors la réforme agraire et celle de l’enseignement.

11. Cela est vrai en particulier pour les travaux de M. Crahan et de J. M. Kirk.

12. T. E. Quigley, « The Catholic Church in Cuba », art. cit., p. 297–312; M. P. Maza, The Cuban Catholic Church: True Struggle and False Dilemmas, master’s thesis, Georgetown University, 1982.

13. Ainsi, Thomas E. Quigley, qui réhabilite l’institution ecclésiale et rapproche le modèle cubain de celui qui prévaut ailleurs en Amérique latine, est expert auprès de la conférence épiscopale des États-Unis.

14. P. Letrilliart, Cuba, l’Église et la Révolution, Paris, L’Harmattan, 2005.

15. K. Argyriadis, La religión à La Havane. Actualité des représentations et des pratiques culturelles havanaises, Paris, Éditions des archives contemporaines, 1999; E. Dianteill, Des dieux et des signes. Initiation, écriture et divination dans les religions afro-cubaines, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2000.

16. E. Dianteill, Le savant et le santero. Naissance de l’étude scientifique des religions afro-cubaines, 1906–1954, Paris, L’Harmattan, 1995; M. Aubrée et E. Dianteill, « Misères et splendeurs de l’afroaméricanisme. Une introduction », Archives de sciences sociales des religions, n° 117, 2002, p. 5–15.

17. Le recensement de 1981 donne 63 % de « race blanche », 25 % de « mulâtres » et 12 % de personnes « noires », ce qui semble aussi traduire la persistance des préjugés raciaux, dans la mesure où les enquêtés s’autodéfinissent comme tels: K. Argyriadis, « Des Noirs sorciers aux babalaos. Analyse du paradoxe du rapport à l’Afrique à La Havane », Cahiers d’études africaines, vol. 40, n° 4, 2000, p. 649–674.

18. Le palo (palo-monte) est un « culte ordinairement décrit comme d’origine bantoue (entre autres), basé sur le pacte de l’adepte avec des morts ». La santería est un « culte ordinairement décrit comme d’origine yoruba (entre autres), basé sur l’adoration et la fixation en soi d’entités porteuses de grands principes de forces appelés orishas ou saints » (K. Argyadis, La religión à La Havane..., op. cit., p. 343 et 345). Voir aussi note 20.

19. L’ouvrage de J. James Figarola, Alcance de la Cubanía, Santiago de Cuba, Ed. Oriente, 2001, est représentatif de ce travail de redéfinition de la cubanité.

20. D’après Orlando Márquez, la peur d’aller à l’église aurait ainsi conduit des catholiques à se rendre chez le santero (adepte de la santería) ou babalao, le médium des rites afro-cubains, ce qui aurait finalement fait progresser ces derniers (Entretien avec O. Márquez, directeur de la revue archidiocésaine de La Havane Palabra Nueva, août 2003).

21. Voir note 5.

22. La Vierge de la Miséricorde, patronne de Cuba, et Sainte Barbara recouvrent par exemple aussi les figures des orishas afro-cubains Ochún et Changó. Le pèlerinage du Rincón, dédié à Saint Lazare, du nom d’un saint évêque mais aussi d’un saint Lazare non reconnu par le Vatican et qui recouvre aussi la figure de Babalú Ayé, attire par ailleurs aussi bien des catholiques, des adeptes des religions afro-cubaines, que des gens qui n’ont pas d’autre pratique religieuse. K. Argyadis, La religión à La Havane..., op. cit., p. 13; A. M. Stevens-Arroyo, « The Contribution of Catholic Orthodoxy to Caribbean Syncretism: The Case of la Virgen de la Caridad del Cobre in Cuba », Archives de sciences sociales des religions, n° 117, 2002.

23. K. Argyriadis, La religión à La Havane..., op. cit., p. 13. Les séjours de l’anthropologue ont eu lieu entre 1990 et 1995. Celle-ci observe l’évolution de la société havanaise en lien avec la période spéciale, même si son objectif est plutôt de dresser un tableau des invariants culturels.

24. Pour une excellente synthèse concernant les Églises protestantes à Cuba et leurs relations avec le régime: P. Letrilliart, Cuba, l’Église et la Révolution, op. cit., chap. 4 « Adhésion et participation », p. 117–147.

25. Après l’effondrement du bloc soviétique, l’État cubain a pris des mesures économiques pour assurer sa survie, tout en s’assurant que ces changements ne s’accompagneraient pas du passage à une libéralisation politique comme celle qui avait entraîné l’effondrement soviétique. Ces décisions se sont inscrites à partir de 1990 dans le cadre de la « période spéciale en temps de paix » (Período Especial en Tiempos de Paz), qui s’inspire d’un programme prévu pour assurer le fonctionnement économique de l’île en autarcie complète en cas de conflit (Período Especial en Tiempos de Guerra). La pénurie a malgré tout été extrême pour tous les produits, y compris ceux de première nécessité, et a affecté l’ensemble de la population, qui ne devait sa survie qu’à la libreta (carnet de rationnement) et à la « débrouille » (entraide et troc, marché noir).

26. Pour toute la question du changement constitutionnel de 1992, voir S. Signes Bañuls, « Cuba en la década de 1990: actitudes, actores y resultados », in J. del Alcazar, S. Mattalia (coord.), América latina, op. cit., p. 201–221.

27. Entretiens avec des laïques travaillant à l’archevêché de La Havane, août 2003.

28. Entretiens avec Mgr Riverón (†), août 2003.

29. En 1979, la Conférence Épiscopale d’Amérique latine (CELAM), institution particulière créée pour permettre une concertation des évêques à l’échelle continentale, se réunit au Mexique à Puebla. L’objectif est double. Il s’agit tout d’abord d’appliquer les décisions du concile de Vatican II à l’Amérique latine. Ensuite, la conférence de Puebla est marquée par la préoccupation des évêques devant la politisation d’une partie du clergé attirée par la théologie de la libération. La réponse des prélats est d’affirmer l’implication de l’Église en faveur d’une justice sociale, de la paix et des droits humains. Des évêques cubains y participent, et les réflexions de la conférence de Puebla nourrissent l’aggiornamento de l’Église cubaine, dont une première étape décisive est l’ENEC (Encuentro Nacional Eclesial Cubano) en 1986.

30. Pour une présentation de l’organisation Caritas-Cuba, qui appartient au réseau de Caritas internationalis, voir le site Internet de Caritas ( www.caritas.org ) et P. Letrilliart, Cuba, l’Église et la Révolution, op. cit., p. 305–307: « Financée par diverses sources dont l’Union Européenne mais aussi des fondations et des Églises étrangères, l’aide fournie par Caritas Cuba consiste essentiellement en médicaments et en produits de première nécessité, notamment alimentaires ».

31. Entretiens avec la famille de Sonia (†), juillet-août 2003.

32. Cette remarque est fondée sur les observations des témoins interrogés en août 2003, mais des données statistiques, issues d’une vaste enquête dans l’ensemble des paroisses de l’île et qui permettront de connaître avec davantage de précision la composition de l’Église cubaine, sont en cours d’exploitation au secrétariat de la conférence épiscopale cubaine.

33. Entretien avec la famille de Sonia (†), 26 juillet 2003.

34. Pour les Églises protestantes à Cuba, on peut citer un témoignage qui concerne l’état des religions dans l’île en 1997: M. Lopez Vigil, « Cuba, brújula para peregrinos », Envío, novembre 1997. Voir aussi H. Greer, « Baptists in Western Cuba: From the Wars of Independence to Revolution », Cuban Studies, n° 19, 1989, p. 61–77.

35. M. Asis, « Judaism in Cuba 1959–1989 », ICCAS Occasional Paper Series, décembre 2000. L’auteur se décrit comme un membre actif de la communauté juive cubaine jusqu’à son départ pour les États-Unis en 1993.

36. Fidel y la religión, conversaciones con Frei Betto, La Havane, Oficina de publicaciones del Consejo de Estado, 1985, p. 15–18.

37. Pour la définition et l’analyse de la théologie de la libération, voir M. Löwy, La Guerre des dieux…, op. cit., p. 53–77. L’auteur rappelle qu’il convient de distinguer la sphère religieuse et de la sphère politique, dont les théologiens de la libération reconnaissent l’autonomie. Leur propos est « la libération humaine historique comme anticipation du salut final dans le Christ, et du royaume de Dieu », ce qui conduit à un engagement social, voire politique, mais en gardant « souvent une distance critique » (p. 57 et 60).

38. Un quart des adultes de l’île aurait lu cette publication d’après J. M. Kirk, « Toward an understanding of the Church-State rapprochement… », art. cit., p. 37.

39. Entretien avec Mgr Riverón (†), et conversation informelle avec un libraire, août 2003.

40. F. Betto, O paraiso perdido. Nos bastidores do socialismo, 1993, cité par M. Lopez Vigil, « Cuba, brújula para peregrinos », art. cit.

41. Fidel y la religión, op. cit., p. 141 et 144. Voir aussi P. Letrilliart, Cuba, l’Église et la Révolution, op. cit., p. 164.

42. La Congrégation pour la doctrine de la foi, alors dirigée par le Cardinal Ratzinger, publie en 1984 une première Instruction condamnant la théologie de la libération (Instruction sur quelques aspects de la « théologie de la libération », 6 août 1984).

43. Pour le récit par Fidel Castro de ses années de formation, on peut se référer à Fidel y la religión, op. cit., et à l’entretien qu’il accorde à Ignacio Ramonet, « Une jeunesse rebelle », 2e volet de la série Moi Fidel Castro, entretiens avec Ignacio Ramonet, DVD, Paris, Éditions Montparnasse, 2003.

44. A propos du « processus de rectification des erreurs », voir M. Perez-Stable, La revolución cubana. Orígenes, desarrollo y legado, México, Ed. Colibrí, 1993, p. 257–288. La « rectification des erreurs » a pour objectifs un retour aux idéaux révolutionnaires des années 1960 et une amélioration de la productivité. En conséquence, les quelques réformes de libéralisation économique mises en œuvre après 1980 sont abolies et l’importance du Parti communiste est réaffirmée.

45. Voir note 26.

46. Pour une analyse plus approfondie de l’échec des tractations en vue d’une visite pontificale en 1990, voir P. Letrilliart, Cuba, l’Église et la Révolution, op. cit., p. 239–240.

47. Ibid., p. 253.

48. F. Castro Ruz, allocution télévisée du 16 janvier 1998 transcrite dans Granma, 20 janvier 1998.

49. P. Letrilliart, Cuba, l’Église et la Révolution, op. cit., p. 253.

50. Entretien avec Orlando Márquez, été 2003. Voir également l’analyse de N. Vivero, La Iglesia en Cuba después de la visita de S. S. Juan Pablo II, México DF, Instituto Mexicano de Doctrina Social Cristiana, 1999, p. 27.

51. Entretien avec un laïque membre du Comité ecclésial pour l’organisation de la visite pontificale. La découverte de microphones dans une des résidences où devait descendre Jean-Paul II quelques jours avant son arrivée a par ailleurs créé un incident diplomatique entre les autorités cubaines et catholiques (I. Cembrero, « Descubierto un micrófono en una residencia que el Papa utilizará en su viaje por Cuba », El País, 10 janvier 1998).

52. F. Castro Ruz, allocution télévisée du 16 janvier 1998, art. cit.

53. À l’inverse, le 21 janvier, à bord de l’avion qui le conduisait à Cuba, Jean-Paul II évoquait non sans malice la rencontre avec Fidel Castro comme étant celle d’un chef d’État avec l’évêque de Rome. Pour le compte rendu précis de cette conférence de presse, voir Que Cuba se abra al mundo. Que el mundo se abra a Cuba. El viaje de Juan Pablo II. 21–26 de enero 1998, Cité du Vatican, Cuadernos de L’osservatore romano, 1998.

54. Fidel Castro se rend ainsi à la rencontre organisée à l’université de La Havane le 23 janvier, et à la messe Place José Martí à La Havane le 25 janvier.

55. Les photographies liées à la visite pontificale dans le journal Granma montrent le plus souvent Jean-Paul II et Fidel Castro en même temps. Lorsque les deux hommes sont côte à côte, Fidel Castro est montré en hôte affable et protecteur, courbé vers Jean-Paul II.

56. Entretien avec une journaliste de la radio cubaine, août 2003, et sources écrites non publiées (documents distribués aux journalistes).

57. F. Castro Ruz, allocution télévisée du 16 janvier 1998, art. cit.

58. On peut citer à cet exemple le discours pontifical prononcé à l’université de La Havane le 23 janvier 1998 (publié dans Que Cuba se abra al mundo…, op. cit., p. 39–44), au cours duquel sont soulignées la dimension catholique du Père Félix Varela et la « spiritualité de racine éminemment chrétienne » de José Martí, deux grandes figures nationales du xixe siècle auxquelles le régime cubain continue à se référer en mettant de côté ces aspects spirituels.

59. Entretien avec Orlando Márquez, août 2003: ce dernier indique d’ailleurs que les représentants de l’Église catholique ont été surpris que cette demande, formulée par le Cardinal Ortega, ait été acceptée si facilement par les représentants de l’État.

60. Dépouillement de treize enquêtes écrites réalisées auprès de personnes non sélectionnées, août 2003.

61. Entretien avec une religieuse, août 2003.

62. D’après un témoignage (août 2003), des rumeurs dans les milieux catholiques de la capitale affirmaient que c’est sur la foi de renseignements pris auprès des services secrets et comités de défense de la révolution (CDR) que Fidel Castro a appelé le peuple cubain à accueillir massivement Jean-Paul II lors de son discours du 13 décembre 1997 devant l’Assemblée.

63. Elián est un enfant de 6 ans qui a échappé au naufrage dans lequel a péri sa mère, qui l’emmenait rejoindre sa famille en exil à Miami, le 25 novembre 1999. Le petit garçon est alors devenu, jusqu’à son retour à Cuba le 28 juin 2000, un enjeu de la guerre idéologique menée par l’État cubain contre les États-Unis.

64. Ainsi, le projet Varela est né en 1996 au sein d’un mouvement de chrétiens dissidents et est soutenu de manière plus ou moins ouverte par l’Église cubaine, au nom de la défense de la liberté. Ce projet a pour ambition d’obtenir un référendum d’initiative populaire, dispositif prévu par la constitution cubaine, concernant les libertés individuelles et la modification de la loi électorale fondée sur le système de candidature unique. Il reçoit des soutiens au sein de la communauté cubaine de Miami mais n’en émane pas. Voir P. Letrilliart, Cuba, l’Église et la Révolution, op. cit., p. 362.

65. La diversification religieuse est un trait marquant de la religiosité de l’Amérique latine contemporaine. Voir C. P. Gumucio, « ¿América Latina ya no es católica?: pluralismo cultural y religioso creciente », América latina hoy: Revista de ciencias sociales, n° 41, 2005, p. 35–56.

66. Sur le Bureau des affaires religieuses, voir P. Letrilliart, Cuba, l’Église et la Révolution, op. cit., p. 80–84.

67. A. Prieto Gonzales, J. Ramirez Calzadilla (coord.), Religión, cultura y espiritualidad a las puertas del tercer milenio, La Havane, Ed. Caminos, 2000; J. Ramirez Calzadilla, Religión y relaciones sociales. Un estudio sobre la significación sociopolítica de la religión en la sociedad cubana, La Havane, Academia, 2000.

68. Ce discours, prononcé devant le parlement cubain, est retranscrit dans Granma, 18 décembre 1997.

69. Le caractère exceptionnel de cette mesure n’apparaît pas dans la transcription du discours pour Granma. Un prélat m’a affirmé à ce propos que les journaux officiels se sont contentés d’indiquer dans un encadré au début du mois de décembre que le 25 décembre serait férié, sans faire référence à la fête chrétienne (entretien sous couvert d’anonymat, août 2003). Je n’ai pas trouvé d’allusion à Noël dans les numéros de Granma de l’année 1997, ni même dans les numéros des 24 et 25 décembre.

70. Granma, 1er décembre 1998.

71. D’après la collection de Granma telle qu’elle est consultable à la bibliothèque nationale de Cuba pour les mois de décembre et janvier, de 1997 à 2004, et de manière plus complète pour les années 1998 et 1999.

72. F. Lopez, « Mafalda versus Santa Claus », Granma, 5 décembre 2002, p. 3.

73. La circulation du dollar est à nouveau interdite dans l’île depuis 2004. Les devises sont en revanche échangeables contre une monnaie convertible (CUC) qui n’est valable que dans l’île.

74. Dans la tradition espagnole, les enfants reçoivent des présents apportés par les rois mages le 6 janvier, et non à Noël. Le Père Noël, en provenance des États-Unis, concurrence cependant la tradition de l’Epiphanie dans le monde hispano-américain. Cette donnée permet de mieux comprendre que les autorités cubaines et l’Église s’accordent à dénoncer les cadeaux de Noël.

75. Entretien avec Mgr Riverón (†), août 2003.

76. Ce pragmatisme de l’Église catholique est une attitude générale et ancienne à Cuba. Elle fait admettre comme catholiques des Cubains dont les pratiques syncrétiques ont peu à voir avec le dogme catholique, notamment dans la vénération des saints, et permet actuellement à l’Église de se donner davantage de poids. Cf. K. Argyriadis, La religión à La Havane..., op. cit., p. 35.

77. M. J. Mayoral, « Fidel y Raúl expresaron sus condolencias por el fallecimiento del Papa Juan Pablo II », Granma, édition internationale, 5 avril 2005.

78. Voir par exemple H. Chavez Frias, « Rueda de prensa desde la Embajada de Venezuela en el Brasil », Caracas, 2 janvier 2002, transcription mise en ligne sur le site www.analitica.com/biblioteca/hchavez/ruedaprensa20030102.asp .

79. Ibid. Hugo Chávez rapporte ainsi une conversation téléphonique avec Fidel Castro à l’occasion de Noël: « Il m’a appelé, et il m’a dit: ‘J’ai voulu t’appeler aujourd’hui pour Noël parce que je sais que tu es très chrétien et que ce jour a une grande signification pour toi’. Et nous avons alors commencé à parler du Christ, et à arriver à un accord. Lui a fini par me dire, tu peux lui demander de confirmer: “Moi aussi, j’ai été chrétien, Chávez […]. Moi, je suis chrétien, mais du point de vue social” » (traduction de l’auteur).

80. V. Gauchotte, Christianisme et socialisme à Cuba à travers la visite de Jean-Paul II (21–25 janvier 1998), mémoire de DEA d’histoire, Université de Nancy II, 2004.

81. Ces grilles ont été réalisées suivant la méthodologie proposée par F. Descamps, L’historien, l’archiviste et le magnétophone: de la constitution de la source orale à son exploitation, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2001.

82. Voir le rapport fait par C. Lionet, « Cuba. L’exception catholique », 25 juin 2003, pour Reporters sans frontières, consultable à l’adresse suivante: www.rsf.org/article.php3?id_article=7287 .

83. Les messages électroniques sont parfois retenus par un filtre, et les sujets de société et de politique sont finalement souvent évités dans les correspondances par courriel pour éviter tout désagrément.

Share