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  • Fantasme voyeuriste et perversion narcissique dans Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras
  • Sandrine Léopold

Cet article se propose d'examiner la thématique binaire du voyeurisme et du narcissisme dans l'ouvrage de Marguerite Duras, Le Ravissement de Lol V. Stein, un ouvrage qui met en scène le fantasme de la protagoniste principale: Lol. Suite à l'abandon de l'objet d'amour, Lol amorce en effet une retraite complète de la libido qui trouve plus de satisfactions dans le moi que dans l'aventure de la libido d'objet, source d'autres satisfactions mais aussi de la menace d'abandon. Ainsi, le désir de l'autre est remplacé dans le fantasme de Lol par un désir lié à celui de voir le spectacle de son amant faisant l'amour à une autre femme. La question qui se pose étant: quel rapport singulier unit le regard à l'objet de son désir? Nous essaierons dans cette analyse de mettre en évidence la place et le lien de parenté qui unit la théorie freudienne de l'identification narcissique dans le cas de la mélancolie, à la conception lacanienne du fantasme dont le mécanisme structurant se résume dans l'identification du sujet à l' "objet a." C'est en ce sens que notre analyse se distingue en partie de celles qui l'ont précédée, notamment Soleil Noir de Julia Kristeva ou l'Etude psychanalytique de la figure du ravissement de Suzanne Ferrières-Pestureau. Nous voulons donc rendre pleinement justice à ce concept d'identification du sujet à l'objet qui représente la composante essentielle du fantasme dit scopique; concept se situant dans le prolongement direct de la théorie freudienne sur le sujet de la mélancolie. D'autre part, nous essaierons de montrer que la représentation de l'existence féminine, toute entière centrée sur une dépendance de type voyeuriste, donne non seulement au récit sa configuration unique, mais continue d'explorer la nature révolutionnaire et potentiellement thérapeutique de ce modèle féminin de curiosité narcissique. [End Page 161]

A l'origine de la "maladie" de Lol, de son comportement obsessionnel et pervers1 dans la mesure où Le Ravissement met en scène le fantasme de cette dernière qui consiste à se faire voyeuse d'une scène sexuelle, se trouve un événement qui s'est produit par hasard. Cet événement est celui du bal de T. Beach marqué par la passion soudaine qui ravit Michael Richardson, le fiancé de Lol, et Anne-Marie Stretter, venue assister au bal accompagnée de sa fille. Tout au long de la nuit les amants dansent éblouis. Passionnément amoureuse de son fiancé, Lol qui de son côté est étrangement fascinée par la scène, n'a pas la réaction qu'il serait plausible d'attendre: la douleur ne l'atteint pas. Et suivant le scénario de Hold, confirmé par Tatiana,2 le désir de Lol était de pouvoir retarder le départ des amants, qu'à jamais elle reste unie à eux:

Et cela recommence: les fenêtres fermées, scellées, le bal muré dans sa lumière nocturne les aurait contenus tous les trois et eux seuls. Lol en est sûre: ensemble ils auraient été sauvés de la venue d'un autre jour, d'un autre, au moins. Que se serait-il passé? Lol ne va pas plus loin dans l'inconnu sur lequel ouvre cet instant.

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Ainsi arrachée à la vision de cette scène porteuse d'une révélation extatique qui n'a pu être menée à son terme, l'illusion de son identité se dématérialise. Après le bal, il ne reste d'elle qu'une forme vidée de sa substance mais qui reste avec la sensation d'un "manque" (23), à la poursuite d'un "ailleurs" (44), c'est-à-dire un désir qui dérive sans but, et dont l'assouvissement pourrait combler ce manque: "On aurait dit [. . .] qu'elle était devenue un désert dans lequel une faculté nomade l'avait lancée dans la...

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