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Reviewed by:
  • Balzac ou comment ne pas raconter une histoire
  • Ingrid Ilinca
Solomon, Nathalie . Balzac ou comment ne pas raconter une histoire. Arras: Artois Presses Université, 2007. Pp. 230. isbn 978-2-84832-059-5

La clé du succès de Balzac consisterait dans sa capacité de raconter des histoires, ce qui impliquerait, chez lui, l'existence d'un narrateur omniscient qui fournit au début un ensemble d'éléments dont le développement mène à une clôture satisfaisante pour le lecteur. Cependant, depuis plusieurs années, les critiques démontrent que la stabilité du texte balzacien n'est qu'apparente. L'autorité narrative établit avec assurance les coordonnés de la narration et sait stimuler les réflexes d'anticipation du lecteur, mais elle ne se tient pas à ce qu'elle annonce, ne respecte pas ses promesses. Nathalie Solomon étudie cette autorité dont les inconséquences, les oublis et les contradictions déstabilisent le récit et en affectent la réception. Cela revient à considérer, d'une part, l'organisation générale de la narration, et de l'autre, des détails spécifiques comme les métadiscours, les références intra ou intertextuelles et les indices proleptiques relevant d'un projet narratif explicite.

Utile à cette approche narratologique est la notion de programme, parce qu'elle permet de rapporter les indices offerts par le narrateur à leur interprétation par le lecteur et de constater l'écart qui existe entre ce que l'on s'attend à lire et ce que l'on lit effectivement. [End Page 158] Les changements de direction, le manquement au pacte de lecture apparaissent constamment dans une oeuvre dont le principe fondamental serait "l'indétermination invisible du projet narratif" (13). La complexité de l'agencement ressort avec clarté quand on mesure le degré de cette indétermination et, à la fois, quand on tient compte des références aux trajets narratifs possibles, aux histoires annoncées et abandonnées, car ces dernières s'ajoutent aux détails déroutants ou trompeurs.

Dans la première partie de l'ouvrage, "Des programmes en danger," l'auteur examine les éléments qui influent sur la cohérence et la compréhensibilité de l'ensemble.Les oppositions entre les protagonistes, les symétries, les récurrences donnent au lecteur des points de repère solides. Or ces axes narratifs stables n'empêchent pas les déplacements du propos, la modification des rapports entre les personnages et les renversements de situation. Par exemple, le roman Mémoires de deux jeunes mariées est basé sur les contrastes entre deux amies sorties du couvent et l'on s'attend à ce que leur correspondance montre parallèlement leur évolution. Louise de Chaulieu écrit plus, en donnant des détails sur les complications de sa vie sentimentale, tandis que l'existence de Renée revêt un caractère linéaire. C'est ce qui engendre un déséquilibre de la composition et contrevient à l'attente créée au début, d'une structure binaire.

La deuxième partie, "Histoires en suspense," est consacrée aux récits potentiels et aux facteurs qui s'opposent à un déroulement normal de la diégèse (comme les fausses pistes, les anticipations et les digressions). L'instance narrative donne une impression de cohérence non pas par l'application systématique d'un programme déclaré, mais par les commentaires prescriptifs, par l'affirmation réitérée de sa présence et par l'inclusion des détails sur son travail et ses techniques. Les renvois à ses autres textes et aux ouvertures potentielles enrichissent l'histoire dont ils font partie, mais peuvent en rendre la clôture problématique.

Dans la dernière section du livre, "Représentation du récit," Nathalie Solomon analyse les effets du détournement des références et fait une comparaison entre Balzac et Laurence Sterne du point de vue des dysfonctionnements narratifs. En effet, le narrateur inclut dans son récit des allusions à des oeuvres littéraires réelles, mentionne des personnalités ou des événements historiques, en faisant ainsi appel à un savoir partagé par tout le...

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