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Reviewed by:
  • Les langages de la création
  • André Carpentier
Sergio Kokis , Les langages de la création, avec une présentation de Joseph Melançon. Québec, Nota Bene, coll. NB Poche [Nuit Blanche éditeur, 1996], 66 p.

Sergio Kokis, peintre, psychologue et romancier —par ordre chrono-logique —est sans doute le plus connu et le plus lu des écrivains [End Page 580] migrants de la littérature québécoise. Né au Brésil en 1944, il immigre au Québec en 1969 et y publie son premier roman, Le pavillon des miroirs, en 1994, soit à cinquante ans. Ce livre, qui insuffle des saveurs exotiques au français conventionnel, prend le lectorat par surprise et connaît un succès retentissant, méritant à son auteur le prix Molson de l'Académie des lettres du Québec, le Grand prix du livre de la ville de Montréal et, l'année suivante, les prix Québec-Paris et Desjardins du roman. Depuis 1994, Sergio Kokis, fidèle à XYZ éditeur, a publié un livre par année, aussi salués par de nombreux prix.

Kokis propose, dans ce mince ouvrage d'abord publié en 1996, la version écrite d'une conférence publique prononcée, le 18 avril 1996, au Musée de la civilisation de Québec, pour la Chaire de recherche sur la culture d'expression française en Amérique du Nord. L'ouvrage est d'ailleurs présenté par Joseph Melançon, titulaire de la chaire et professeur émérite (retraité) à l'Université Laval.

Cette conférence, Joseph Melançon nous en prévient, repose sur un substrat complexe. Kokis s'y présente en effet en tout respect de son parcours rhizomatique, que résumerait le portrait de l'immigrant psychologue, peintre et écrivain. La perception de Kokis est ainsi teintée de l'apprentissage d'une langue étrangère à l'âge adulte, de la rencontre de deux cultures, celles du Brésil et du Québec, du passé et du présent, mais aussi de l'approche d'une double pratique de la peinture et du roman; à quoi il faut ajouter, non seulement la pratique clinique auprès d'enfants souffrant de déficiences intellectuelles, mais aussi une licence en philosophie, une certaine fréquentation de la linguistique et de la sémiologie. Kokis est un homme de savoir et de culture, fort en bricolage—le terme, ici inspiré de Lévy-Strauss et de Benjamin, n'est pas péjoratif —, qui non seulement expose son territoire, mais le défend bec et ongles. On n'est pas sans ressentir, chez Kokis, tout au long de cette conférence, comme dans nombre de ses écrits, une véritable combativité. Réflexe ou penchant hérité du père? comme il le prétend, difficile à dire; toujours est-il que Kokis n'est pas homme à oublier de régler ses comptes ni de marteler ses partis pris.

Les premières pages de l'essai visent à constituer l'artiste en truchement d'une réalité objective et abstraite; ainsi donc, cet artiste élabore-t-il un monde personnel en insufflant de la cohérence dans ses perceptions et dans le langage par lequel il en rend compte. Kokis insiste, par ailleurs, sur la capacité ludique de l'artiste, dont l'instinct de jeu développé dans l'enfance serait à la source de l'acte d'arrangement des données usuelles de la perception, ce qui constituerait le travail premier de l'artiste. Dans le même sens, Kokis compare l'œuvre d'art à l'arrangement floral, qui prescrit un réaménagement du réel, disons une réassignation des signes en vue de créer un spectacle nouveau et une émotion nouvelle. La condition de l'œuvre d'art, et cette conférence n'est [End Page 581] pas sans le souligner à plus d'une reprise, exigerait donc que l'expression ludique transcende le concret qui l'a fait naître.

En deuxième lieu, suivant un élan de linguiste contraint dans ses constructions théorématiques, Kokis fonde en principe que, sans langage discursif, il ne peut y avoir de pensée...

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