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Reviewed by:
  • La rhétorique au féminin
  • Marilyne Audet
La rhétorique au féminin, sous la dir. d'Annette HaywardQuébec, Nota bene, 497 p.

Existe-t-il une rhétorique au féminin ? Voilà la question à laquelle cherche à répondre l'excellent collectif d'Annette Hayward intitulé La rhétorique au féminin. Cet ouvrage réunit vingt-deux articles qui, en passant du roman à la pratique épistolaire, étudient une problématique commune : existe-t-il une différence entre la rhétorique utilisée par les hommes et celle des femmes ? Pour certains auteurs du collectif, dont Catherine Kerbrat-Orecchioni, une réponse affirmative à cette question s'impose d'emblée. Kerbrat-Orecchioni montre d'ailleurs, dans son article intitulé « Converser au féminin », l'existence d'un style communicatif féminin (sexolecte) et s'appuie sur l'idée générale selon laquelle, « dans la communication, les hommes privilégient le contenu, et les femmes la relation ». Diane Desrosiers-Bonin nous rappelle toutefois, dans « Les femmes et la rhétorique au XVIe siècle français », que la rhétorique est exclue de l'enseignement féminin à la Renaissance, et que les femmes apprennent les règles de la persuasion par l'imitation de modèles masculins. Le recours à certains procédés stratégiques et textuels, dont le topos de la modestie affectée, permet également aux femmes de se construire « une persona textuelle qui valide leur prise de parole publique ».

Prenant l'inventio comme point d'ancrage, Aron Kibédi Varga propose, dans l'article intitulé « Les genres littéraires ont-ils un genre ? », de montrer que les genres littéraires sont sexués et que le roman est un genre plutôt féminin. Stella Spriet étudie d'ailleurs « L'image de la femme dans Les désordres de l'amour de Mme de Villedieu », ce qui complète, par la pratique, l'analyse amorcée par Kibédi Varga. Puis, dans la conception d'une rhétorique au féminin, on note la prédominance d'un corpus épistolaire. En effet, on a souvent associé les lettres de femmes à cet « art de la conversation » qui privilégie la politesse et la negligentia [End Page 548] diligens, la lettre familière étant érigée en spécificité féminine avec Mme de Sévigné. Agnès Conacher («Vers une rhétorique du bavardage : pour une perspective sévignienne de l'être-ensemble ») souligne toutefois qu'il s'agit plutô t, chez Mme de Sévigné, d'une rhétorique du bavardage, si on la définit comme « un échange plus intime et spontané que la conversation ». Parallèlement, É lisabeth Zawisza (« Les lettres de Marie-Madeleine Jodin ou comment la rhétorique vient à la femme » s'intéresse à la pratique épistolaire de Marie-Madeleine Jodin dont les lettres inédites de 1765-1766 annoncent déjà la maîtrise rhétorique et la prise de position féministe du tract révolutionnaire qu'elle publiera en 1790. Puis, Marilyn Randall s'intéresse à la rhétorique épistolaire de Julie Papineau (« Quand le politique devient privé: rhétorique épistolaire de Julie Papineau »), dont la correspondance à son mari Louis-Joseph constitue, dans le corpus épistolaire québécois, « un témoignage social, historique et politique sans pareil ».

Au XIXe siècle, certaines œuvres contestataires féminines dénoncent également les stéréotypes sexistes. Dans son article intitulé « Figures du simulacre et mise en scène : Monsieur Vénus de Rachilde », Jurate D. Kaminskas étudie ce roman qui traite de la question des fantasmes rattachés au genre sexuel en jouant sur les figures du simulacre, de la théâtralité et de la séduction. Annette Hayward («Du paradoxe honteux à la syllepse matrice. La femme de lettres au Québec avant 1960 ») se penche également sur la question de la contestation de la doxa qu'elle qualifie de « paradoxe honteux ». Ce paradoxe est renforcé par le phénomène de la « syllepse matrice », « ce glissement du signifié sous le signifiant » qui sert de principe organisationnel dans toutes les œuvres étudiées par Hayward.

Christine Klein-Lataud, dans « 'Le bout de la petite...

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