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Reviewed by:
  • The Post-Revolutionary Self: Politics and Psyche in France
  • Jacqueline Carroy
The Post-Revolutionary Self: Politics and Psyche in France, 1750-1850. By Jan Goldstein. Cambridge, MA, Harvard University Press, 2005. 430 pp. Hb $45.00.

Plusieurs travaux récents, tant français qu'anglo-saxons, ont portésur le mouvement des Idéologues, sur Victor Cousin et le spiritualisme éclectique ainsi que sur la phrénologie. Le livre de Jan Goldstein se situe dans cette lignée, mais il propose une problématisation et une périodisation originales à un double titre. S'inspirant de Karl Schorske, Goldstein considère le thème, central dans la philosophie cousinienne, de l'unitéet de l'identitédu moi sous l'angle d'une politique post-révolutionnaire visant à affermir une identitémasculine et bourgeoise mise à mal par le sensualisme philosophique du XVIIIe siècle. S'inspirant d'autre part de Michel Foucault, Goldstein met en exergue le fait que la méthode d'introspection prônée par Cousin constitua une technologie du moi appliquée à grande échelle sur une, puis [End Page 519] sur d'autres générations de jeunes lycéens bourgeois. Tandis que les deux premiers chapitres portent sur la fin de l'Ancien Régime et la Révolution, les trois chapitres centraux, sans doute les plus novateurs, portent sur la politique du moi mise en oeuvre par Victor Cousin et son 'régiment' de jeunes professeurs de philosophie envoyés prêcher la bonne parole spiritualiste dans les lycées et les universités. Analysant ainsi avec minutie les lettres adressées au maître par ses disciples (malheureusement non citées en note dans le texte français original), Goldstein dessine avec finesse la micro-histoire d'un réseau de pouvoir et de sociabilité mêlant inextricablement demandes de patronage et de soutien moral, déclarations de brouille et de réconciliation. Goldstein met à juste titre en vedette la correspondance que Cousin échangea avec Caroline Angebert, une disciple inattendue, puisqu'à l'époque il n'existait pas de lycées et, a fortiori d'enseignement philosophique, pour les jeunes filles. Angebert reprochait à Cousin de ne pas pleinement reconnaître aux femmes la capacité à développer leur réflexion et à disposer ainsi véritablement d'un moi. Cette correspondance mettait à nu les contradictions d'une philosophie qui exaltait l'universalité d'un moi substantiel, mais répugnait à en reconnaître la pleine possession aux femmes et aux gens du peuple.

L'empire de Cousin n'a cependant pas été absolu. Dans les deux derniers chapitres du livre, Goldstein évoque des oppositions au modèle cousinien, l'une importante, du côté du catholicisme, l'autre plus marginale, du côté de la phrénologie et d'un positivisme non encore à son acmé. Paradoxalement, l'épilogue retrace peu la suite immédiate d'une histoire qui verra remis en cause, notamment par Hippolyte Taine, personnage majeur de la seconde moitié du siècle, le dogme de l'unité du moi. Le livre conclut, comme il avait commencé, en invoquant le témoignage de Sartre, en 1970, sur ses ébahissements de jeunesse à la lecture de Freud, preuve, selon Goldstein, que le moi cousinien se serait maintenu dans l'univers scolaire, à l'insu de Sartre lui-même. Cette conclusion qui saute plus d'un siècle demanderait, évidemment, à être davantage étayée. Elle n'en est pas moins stimulante, à l'image du livre lui-même.

Jacqueline Carroy
Centre Koyré, Paris
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