Identité, différence et contradiction dialectiques selon Hegel

Identite, difference et contradiction dialectiques selon Hegel ROSEN MENAHEM D'APR~S LE Parm~nide de Platon, Zenon aurait dit que "si les ~tres sont multiples , ils ne peuvent manquer d'etre ~ la fois semblables et dissemblables, ce qui est impossible. ''1 Si cela est vrai, nous pouvons en conclure que des l'aube de la culture occidentale le probl~me de l'identit6 et de la difference s'est dej~ pose. Comme tout un chacun sait, dans le monde de la realite les choses sont identiques d'un certain point de vue, et differentes d'un autre. ~ Quoi de plus simple et de plus evident que cette assertion generale? Neanmoins, les grands penseurs du passe n'en sont pas restes 1~. Platon s'est interroge sur la possibilit+ d'enoncer une proposition, portant sur la r~alite, qui ne serait ni tautologique comme "L'Un est Un," ni contradictoire comme "L'Un est Etre" (si l'Un est Etre, alors il est deux: Un et Etre). ~ Autrement dit, toute proposition identique serait vide de signification reelle, et toute proposition traitant de la realite comporterait une contradiction-cette these nous rappelle l'Ecole cynique d'Antisth6ne. 4 Sur le plan de l'Otre, l'identite et la difference semblent donc constituer des determinations fondamentales . Et, sur le plan du langage, tout enonc+ serait ou tautologique (lorsque sujet et predicat sont identiques) ou contradictoire (lorsque sujet et predicat sont differents), c'est-/~-dire dans tous les cas sans signification-1 . Voir Platon, Parm#nide,trad. DiEs A. 6d. "Les belles lettres" (Paris: Bud6, 19~3), 127e. ~. Par exemple, deux tables sont dites identiques entant que "tables en ganeral." Elles sont differentes en rant que "cette table-ci que je pergois." Dans ce cas, nous pouvons dire que nous avons deux particuliers actualisant un meme universel. 3, Ace sujet voir ParmOnide,~~partie. 4. Antisth~ne semble nier toute possibilit~ de predication. D'apres lui, on pourrait bien dire "L'homme est un homme" et "Le bon est bon," mais non "L'homme est bon." Cet exemple se trouve dans Platon, Le Sophiste,trad. A. DiEs~d. "Les belles lettres" (Paris: Bud~, 1955), ~51b-c. [515] 516 JOURNAL OF THE HISTORY OF PHILOSOPHY ~3:4 OCTOBER 1985 conclusion qui s'impose lorsque l'on pense la nature de la proposition pr6dicative, dont la structure s'6crit "a est b. ''5 Hegel pose le problbme sur le plan de la pensFe: chez lui, l'identit6 et la diff6rence deviennent des cat6gories de la r6flexion, des "d6terminations-de-r6flexion," par lesquelles d6bute la deuxibme partie de la Logique, c'est-h-dire la th6orie de l'Essence. Quant h la v6ritr elle r6siderait dans le mouvement du Concept qui d6terminerait notre pens6e, notre langage et la r~alit6 humaine dans laquelle nous vivons. 6 Mais qu'est le Concept lui-m~me? Dans cet article je ne traiterai pas sp6cialement la question, bien qu'elle soit d'importance. Je me contenterai, dans un premier chapitre, d'exposer bribvement le d6veloppement de la logique de Hegel en ses trois niveaux: la th6orie de l'Etre, la th6orie de l'Essence et celle du Concept; et cela en rue d'expliciter le mouvement de l'Essence qui nous int6resse particuli6rement. J'en viendrai ensuite h pr6senter le paradoxe fondamental de la "relation des ind6pendants". Ceci me conduira h l'exposition, dans un troisi6me chapitre, des d6terminations dialectiques de l'identit6 et de la diff6rence en tant qu'identit6 des diff6rents et diff6rence des identiques. Pour finir, j'essaierai de montrer que chez Hegel il faut comprendre la contradiction comme identit6 et diff6rence des d6terminations de l'identit6 et de la diff6rence. 7 1. Le mouvement de la th~orie de l'Essence par rapport aux mouvements de la th~orie de l'Etre et de la th~orie du Concept. Superficiellement parlant, chez Hegel le Concept peut s'entendre comme "unit~ de l'Etre et de l'Essence." Dans ce contexte, par "Etre" nous comprendrons le monde des ph6nom6nes, oppos~ ~ l'Essence qui, elle, signifie "le monde de la pens~e." D'apr6s cela, le Concept ne devra pas ~tre saisi comme pens~e abstraite, mais comme...