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  • L'Épithète et la connivence: écriture concertée chez les Évangéliques français (1523-1534)
  • Corinne Noirot-Maguire
L'Épithète et la connivence: écriture concertée chez les Évangéliques français (1523-1534). By Isabelle Garnier-Mathez. Geneva, Droz, 2005. 407 pp. Hb €108.44.

Cette belle et rigoureuse synthèse de stylistique et d'ethnométhodologie relève le défi de dépasser les querelles de mots au sujet de l'Évangélisme français. L'usage et la valeur de l'épithè te au sein du 'village évangélique' en forment le fer de lance, distinguent un 'idéolecte' partagé. En tant qu'expression d'un code communautaire, l'adjectif se charge notamment d'une 'opposition axiologique polarisée' (p. 85) selon le référent (par exemple, humain/divin, fidèle/impie). Au-delà de la polémique, une langue s'esquisse. L'enquête s'effectue parmi vingt textes, entre exégèse et littérature, associés au 'réseau de Navarre' et, historiquement parlant, au plus vif espoir de l'Évangélisme, avant l'affaire des Placards. Parmi les œuvres parfois rares de ce corpus méthodique, les plus citées sont le Dialogue en forme de vision nocturne et Le Livre de vraye et parfaicte oraison; on retrouve fréquemment Lefèvre d'Étaples, Meigret, et Farel, aux côtés de Marot et de Marguerite. La première partie présente l'historiographie de l'Évangélisme comme mouvement concerté, avant d'introduire le processus d'amplification (souvent épidictique) que nourrit l'épithète (dont l'epitheton). La deuxième partie comprend l'analyse sémantique et idéologique des quatre adjectifs 'vrai' (vérité et authenticité évangéliques), 'seul' (essentiellement nom divin), 'vif' (dans la collocation 'vive foy') et 'spirituel/humain' (avec variantes dans les champs notionnels de la matérialité, de l'être, de la temporalité, de la localisation). S'articule enfin une stylistique de l'amplification adjectivale : travail extensif et expressif par la répétition, l'antithèse, l'épithétisme, travail intensif et conceptuel par la métaphore, l'emphasis, le lieu commun. Le tout compose une étude très technique offrant un outil inter-disciplinaire unique et efficace. L'examen progresse par nuances et distinguos, ce qui engendre parfois des redites et un effet d'inventaire à la lecture cursive, mais facilite l'identification de tel ou tel terme, figure, ou auteur, à la consultation. Le chercheur en histoire religieuse, rhétorique, lexicologie, stylistique ou littérature renaissante y trouvera matière à penser. Quelques découvertes décisives se détachent. Garnier-Mathez souligne l'originalité et l'autonomie historique de l'Évangélisme par rapport à la Réforme. Entre Érasme et Luther, entre mouvance catholique et réformée, le 'village' étudié choisit une voie moyenne, et peut-être un style moyen, alliant expressivité et intelligibilité. Ces remarques cruciales, plus fermes dans la démonstration que la conclusion, naissent de l'analyse lexicale comparative. Par exemple, l'adjectif 'seul(e)' (p. 144), colloqué à 'Dieu', est un appellatif divin ouvert et affectif chez Lefèvre ou Marot, non exclusif et dogmatique comme chez Luther. La lexicométrie montre également la prééminence du syntagme 'foy vive' parmi les Évangéliques et 'foy seule' parmi les Réformés (p. 329; appendices). L'analyse approfondie, lexicographique, théologique, prosodique et sémantique de la foi vive emporte l'adhésion: 'la lexie vive foy est un abrégé de la sotériologie évangélique' (p. 297). Elle signifie le pouvoir factitif de la charité et inspire par là les poètes, à la recherche d'un [End Page 360] verbe actif. C'est bien à la lecture active que nous incite aussi cette riche étude heuristique. [End Page 361]

Corinne Noirot-Maguire
Goucher College
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