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Reviewed by:
  • Sade moraliste
  • Karine Bouveur-Devos (bio)
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer. Sade moraliste. Genève: Droz, 2005. 576pp. €107. ISBN 978-2-600-00993-5.

L'entreprise de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer n'est pas à priori une entreprise aisée. Associer la morale aux œuvres de Sade relève, au prime abord, de l'utopie. En effet, les romans de Sade, outre l'exposé de tableaux libertins voluptueux à l'excès, présentent toutes les pathologies sexuelles qui trouveront leur place dans les traités sur la folie au siècle suivant. Le texte sadien apparaît à première lecture si ce n'est criminogène, pour le moins incitatif. Pourtant Jean-Baptiste Jeangène Vilmer parvient au constat que Sade n'est pas le monstre-écrivain théoricien du crime que la critique sadienne s'évertue à présenter depuis une vingtaine d'années.

La démarche de Vilmer s'appuie donc sur la dénonciation de cette critique sadienne qui base sa méthodologie sur la paraphrase, la décontextualisation, le réductionnisme—on privilégie la lecture de certaines œuvres—, la réduction et l'identification arbitraire de l'auteur à ses personnages libertins-criminels. À l'inverse, il affirme que « libérer Sade, le sortir, l'aérer, passe par la contextualisation » (32) et fait de cette affirmation la base-même de sa méthodologie. Le texte sadien ne livrera ses lumières qu'au prisme de la vie de son auteur. Ainsi, les outils employés sont la correspondance et les journaux du prisonnier perpétuel. Aussi, propose t'il de « Lire et comprendre Sade » en axant les recherches sur le paradoxe suivant: « Sade est d'autant plus moraliste qu'il ne semble pas l'être » (63). Il s'agira donc de chercher la morale dans l'œuvre clandestine où il paraît impossible de la trouver. Car en fait, il est question de montrer que si Sade peint le vice c'est pour le faire détester. Cette thèse d'un Sade aux antipodes du vice n'est en réalité pas nouvelle pour avoir été formulée depuis plus d'un siècle mais sans jamais avoir été expliquée.

La méthode de Vilmer est donc la contextualisation. Son argumentation se décline en trois parties: « l'ordre établi , l'ordre libertin , l'ordre libertin ou ordre correcteur, l'ordre sadien ou ordre corrigé ». Le premier point réunit les trois premières étapes de la dialectique pénale: la loi, le crime et la punition. La loi est celle du contexte sadien, c'est-à-dire le droit pénal français de 1740 à 1814. Vilmer remarque une coïncidence des histoires. En effet, les dates du marquis de Sade correspondent exactement à une période précise de l'histoire du droit français, celle qui couvre la réforme du droit pénal à l'origine du droit contemporain français. En outre, le roman Justine emblème de l'innocence persécutée paraît en 1791 soit l'année du premier code pénal. Et Vilmer reprend le trouble de Sollers à son compte pour point de départ à ses investigations: le titre Justine n'est pas sans rappeler la justice. Aussi cette première partie présente l'intérêt de démontrer l'étroite relation entre Sade et la justice. C'est une relation de fait puisque que les affaires d'Arcueil et de [End Page 483] Marseille les ont conduit à se rencontrer mais surtout une dépendance de l'un de l'autre qu'on ne pouvait augurer en ces cas précis. Vilmer démontre cette dépendance basée sur l'arbitraire. En effet, Sade a fait les frais de l'arbitraire pénal d'une justice en mutation. L'arbitraire pénal se manifeste par la torture qu'endure Sade ne connaissant ni les causes et les effets de sa peine, ni la durée de son emprisonnement. À l'instar de Jean-Marie Biju-Duval—« Je ne vous demande pas de rouvrir son procès mais de l'ouvrir enfin »; « ce qu'il exige, c'est un procès !! » (177...

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