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  • L'Œuvre nocturne: songe et représentation au XVIIe siècle
  • Guillaume Peureux
L'Œuvre nocturne: songe et représentation au XVIIe siècle. By Florence Dumora. Paris, Champion, 2005. 585 pp. Hb €90.00.

Sans céder aux mirages de la naissance de l'intériorité au dix-septième siècle et en essayant de se prémunir contre les projections d'un savoir moderne sur l'interprétation des rêves, cet ouvrage, tiré d'une thèse, porte sur la mutation du songe, riche de sens et interprétable, témoin d'une transcendance, au rêve, composé des 'restes automatiques de la psyché' explique Dumora dans sa forte introduction. Il s'agit en fait d'analyser l'interaction entre les conceptions du songe et les théories de la représentation, celles-là offrant un observatoire idéal de celles-ci; d'évaluer l'impact du récit de songe dans son contexte en appréhendant le songe lui-même comme un phénomène, en dépit de sa dimension évanescente; de reconstituer en somme un paysage épistémologique pour saisir le passage d'une expérience sensible mystérieuse au paradigme de la représentation esthétique. La méthode employée croise la lexicologie, l'histoire et l'approche sémantique, sans faire de distinction parmi les sources — textes savants, poétiques, et autres — de manière à identifier une de ces 'formations discursives' qu'analysait Foucault dans L'Archéologie du savoir.

La première partie de l'ouvrage envisage la diversité des horizons épistémologiques, les partitions sémantiques (terminologie stable mais sens différents, ou inversement), passe en revue les étiologies du songe et en présente la conséquence: une crise de l'interprétation face à cet ensemble de signes troublants. L'expérience du songe apparaît comme l'enjeu de réflexions philosophiques dont Dumora examine minutieusement les fractures (les sceptiques affirment la difficulté de distinguer veille et songe, les rationalistes réduisent le songe à une illusion comparable aux contes racontés aux enfants), mais aussi les points de rencontre: les auteurs se confrontent tous à 'l'aporie de la distinction entre veille et sommeil' (p. 215), même si Descartes ramène le récit ou la remémoration de songe à l'invention du songe. Les liens avec la production d'une œuvre d'art, autour de la notion d'enargeia en particulier, se révèlent multiples, en termes de modalités d'interprétation, mais aussi d'invention et d'illusion produite. La seconde partie procure un inventaire critique de textes litté raires qui recoupe et éclaire l'organisation de la première partie — interprétation et expérience du songe et liens entre songe et invention esthétique — pour mettre en lumière la mutation du songe littéraire en rêve et la diversité des recours qu'on y fait dans le domaine esthétique. Sorel, Corneille, Racine, Saint-Amant, La Fontaine, et d'autres moins connus, font l'objet d'analyses minutieuses sur la manière dont les textes littéraires ont alors pris en charge les questions suscitées par le songe. Au total, L'Œuvre nocturne est un ouvrage exigeant et complexe, ambitieux et parfois difficile, en raison surtout de la nature de son objet, propre à faire percevoir la complexité des 'rapports logiques du réel et de l'illusion, du moi et du non-moi, du corps et de l'âme' (p. 525). [End Page 221]

Guillaume Peureux
Université De Rennes 2
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