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Reviewed by:
  • Histoire des favorites
  • Perry Gethner
Anne de La Roche-Guilhen. Histoire des favorites, éd. Els Höhner. Saint-Étienne: Université de Saint-Étienne, 2005. 410pp. €8. ISBN-13: 978-2-86272-397-6.

Ce recueil de dix nouvelles historiques a paru en 1697, à une époque où le public français commençait à pleinement goûter la fiction courte basée sur des événements historiques plus ou moins connus mais insistant surtout sur l'analyse psychologique et sur le rôle de la passion amoureuse en motivant les actions de la soi-disante grande histoire. Anne de La Roche-Guilhen, romancière prolifique qui écrivait pour faire vivre sa famille, avait aussi l'âme d'une moraliste. S'inspirant de l'exemple de Mme de Villedieu, qui affichait la volonté de réécrire l'histoire traditionnelle en insistant sur la participation de femmes intelligentes et actives, elle présente un dosage adroit de faits historiques (ou tenus pour tels), d'intrigues amoureuses soit inventées soit plus élaborées, de réflexions générales, de monologues intérieurs, de dialogues dramatiques, et même de petits poèmes intercalés. Il faut préciser, d'ailleurs, que le mot « favorite » n'est pas toujours synonyme ici de « maîtresse », car plusieurs des protagonistes féminins sont ou deviennent épouses, et celles qui sont aimées par un pape refusent d'accepter une liaison illicite.

Ces textes, agréables à lire, témoignent d'une valorisation de la « femme forte », sinon d'un esprit pleinement féministe. Les protagonistes féminins sont lucides, énergiques et conscientes de leur propre valeur; elles refusent de se laisser intimider par toute forme d'autorité, qu'elle soit familiale, royale ou religieuse. L'auteure a tendance à présenter les favorites de façon manichéenne (soit parangons de vertu, soit monstres d'ambition et de criminalité), mais dans les deux cas ce sont elles qui savent maîtriser leur propre vie et dicter la conduite des souverains. Les protagonistes masculins, en revanche, se signalent par leur faiblesse politique ou militaire, leur débauche, leur conviction qu'ils disposent d'une impunité absolue, leur manque de soin pour leurs devoirs et leur dignité, et leur refus de combattre leurs passions. Les rares princes vertueux sont moins dynamiques que les femmes et succombent dans la plupart des cas aux trahisons manigancées par les criminels.

La critique politique, visant surtout les abus de pouvoir de la part de souverains immoraux et souvent incompétents, se renforce par le choix, assez rare dans la production romanesque de l'époque, de quatre épisodes tirés de l'histoire de France. Même si l'auteure ne qualifie pas les deux rois mérovingiens qu'elle traite de fainéants, réservant ce terme pour leurs successeurs, elle les présente comme des modèles de faiblesse, incapables de maîtriser leur luxure et leur ambition. Quant à Charles VII, moins répugnant, l'auteure le montre redevable pour la partie glorieuse de sa carrière au patriotisme désintéressé de sa maîtresse dévouée et magnanime, Agnès Soreau (Sorel). La prolongation de l'influence d'Agnès au-delà de ce qui est rapporté dans l'histoire permet à la romancière d'inclure et de [End Page 356] glorifier Jeanne d'Arc. Henri IV, toujours protestant dans l'épisode traité par La Roche-Guilhen, est un roi plus digne et dynamique, condamnable seulement par son infidélité cruelle dans sa vie amoureuse.

La Roche-Guilhen étant une huguenote fervente et qui a dû s'exiler avec sa famille lors de la révocation de l'Édit de Nantes, elle met souvent dans son ouvrage des dénonciations véhémentes de la religion catholique. Les papes, qui accumulent tous les vices, sont dénués non seulement de piété mais aussi de respect pour l'Église qu'ils sont censés représenter. Ce n'est guère un hasard si l'auteure a choisi quelques-uns des papes les plus discrédités de l'histoire, tels qu'Alexandre VI et Serge III. De plus, plusieurs des personnages sympathiques tout le long...

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