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Reviewed by:
  • Lectures des lieux. Essais
  • Jean-Pierre Thomas (bio)
Pierre Nepveu, Lectures des lieux. Essais Montréal, Boréal, coll. papiers collés, 2004, 270 p., 20,95$

Pierre Nepveu est bien connu dans les milieux intellectuels comme romancier, poète et essayiste. Philosophe à ses heures, il n'hésite pas à remettre en question les idées reçues et à explorer des avenues de réflexion inusitées. Voilà en quelque sorte le projet auquel il s'est consacré dans Lectures des lieux, recueil d'essais écrits entre 1989 et 2003. À vrai dire, les textes offerts par Nepveu dans ce recueil constituent pour la plupart davantage que de simples essais : certains sont des analyses littéraires en bonne et due forme (parues antérieurement dans des revues comme Études françaises et Liberté). On reconnaît toutefois la marque de l'essayiste tout au long du livre, marque empreinte de réflexions personnelles teintées d'un soupçon de bravade. La pensée à l'œuvre ici vagabonde sur une route tantôt cahoteuse, tantôt tortueuse, celle qui conduit aux œuvres de la littérature québécoise, et les paysages qu'elle donne à découvrir au fur et à mesure de son avancée plairont au lecteur soucieux d'en apprendre sur un domaine qu'il croit connaître, mais qui lui réserve des surprises, car Pierre Nepveu innove à bien des égards en proposant un point de vue audacieux.

L'ouvrage comporte quatre parties représentant autant d'étapes dans la progression d'une réflexion aux atours éclectiques, auxquelles on peut ajouter un court post-scriptum jouant de l'ironie (il s'agit d'une lettre adressée à Lucrèce et manifestant la sensibilité d'un rêveur désireux de réinventer son rapport au temps). Ces Lectures des lieux s'intéressent [End Page 98] évidemment aux espaces concrets mis en scène dans la littérature québécoise (ici les paysages laurentiens étudiés par le frère Marie-Victorin, là le Farouest inventé par Jacques Ferron) ou rencontrés par l'auteur au cours de ses déambulations (les aires à demi abandonnées de Mirabel ou les étendues « inexistantes » qui séparent Montréal de Vancouver), mais elles s'intéressent aussi et surtout aux lieux imaginaires qui échappent aux yeux de qui s'en tient aux apparences. Y est à l'œuvre un littéraire, un sociologue, un anthropologue, certes, mais aussi un géographe. Passionné d'espace — membre durant quelques années du groupe de recherche « Montréal imaginaire » de l'Université de Montréal —, Nepveu parcourt l'univers qui l'entoure, proche et lointain, et en restitue au mieux les aspérités. Sous le couvert d'observations neutres, on retrouve les cogitations d'un « je » cherchant à dire une identité, celle d'une collectivité incertaine de son statut. Par touches successives, maniant sa plume à la manière d'un impressionniste peu empressé de fixer définitivement la réalité qui l'entoure, l'essayiste partage des réflexions qu'il veut de simples ouvertures sur le monde.

Les lieux que donne à contempler Pierre Nepveu dans une première partie — intitulée « Chemins d'approche » — sont ceux de la réalité toute proche (selon la posture spatiale et temporelle occupée par l'essayiste). Mirabel abandonné fascine par les réflexions qu'il provoque relativement aux notions de plein et de vide. Cet espace immense désormais dénué de fonction et d'utilité pousse à s'interroger sur le bien-fondé du projet qui en a été à la base : « Étrange ironie de l'histoire des Amériques : l'espace n'a jamais paru y manquer et, en même temps, on n'a jamais cessé, depuis les origines, de le confisquer, de l'exproprier. » La littérature aurait-elle pour rôle ultime de préserver des affres du temps cet espace chéri ? Mémoire indéfectible, elle rend à la vie l'oublié, et elle devient, du coup, temps retrouvé — on le sait depuis Proust. Cela dit, ces espaces proches comptent aussi certains lieux fréquentés en permanence, que la littérature ne cherche plus précisément...

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