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  • Le mal d’origine. Temps et identité dans l’œuvre romanesque d’Anne Hébert. Essai
  • Janet M. Paterson (bio)
Daniel Marcheix, Le mal d’origine. Temps et identité dans l’œuvre romanesque d’Anne Hébert. Essai Québec, L’instant même, 545 p., 39,95$

On a beaucoup écrit sur la grande œuvre d'Anne Hébert et on en a beaucoup parlé : une vingtaine de livres, des centaines d'articles, de nombreux numéros de revues témoignent de la richesse de cette écriture. Or, il semblerait que l'œuvre est véritablement inépuisable, car elle a donné lieu à l'ouvrage magistral de Daniel Marcheix, intitulé Le mal d'origine. Étant donné l'originalité du sujet et la grande finesse des analyses, il n'est pas, [End Page 78] étonnant, à vrai dire, que cette étude ait reçu le prix scientifique Anne-Hébert décerné par le Centre Anne-Hébert de l'Université de Sherbrooke.

En s'attachant à l'étude du temps et de l'identité dans l'œuvre romanesque d'Anne Hébert, le livre de Marcheix apporte une contribution originale et importante aux connaissances dans ce domaine; importante du point de vue de l'apport à la critique hébertienne et, de façon générale, à l'analyse du concept de l'identité narrative. En bref, l'auteur se propose de montrer que l'œuvre romanesque « donne une représentation de l'identité, de sa quête, de ses tourments, et parfois de son assomption, qui est puissamment tributaire d'une manière d'être au temps ». Le livre est structuré avec soin. L'auteur annonce clairement ses objectifs dans l'introduction et dans chaque chapitre. Il propose des conclusions pertinentes. La structure est également cohérente d'un point de vue conceptuel et méthodologique, chaque développement étant lié à celui qui le précède. Dans un premier temps, Marcheix interroge les structures narratives des récits « afin d'en faire surgir les configurations dominantes et leur portée quant à l'expérience vive des personnages »; ensuite il s'attache à la relation polémique des personnages avec le temps, c'est-à-dire à « la crise des origines et à la dispersion identitaire » pour enfin déceler les conditions d'émergence de ces moments de grâce où « présence au réel et conscience de soi fusionnent dans de purs éclats de réconciliation identitaire ».

Ainsi abordée, la problématique identitaire est progressivement dévoilée par le biais de l'analyse du temps, de l'espace, de l'altérité, du corps et de la parole. Chaque niveau d'analyse met au jour des significations primordiales telles l'individuation catastrophique et le motif de la mère absente. Ces significations permettent à l'auteur d'avancer plus profondément dans les couches signifiantes de l'œuvre. En fait, la structure correspond à une démarche herméneutique qui facilite le dévoilement progressif de la production du sens.

Il n'est pas aisé de résumer un livre aussi dense et détaillé que celui de Marcheix. Il n'est pas non plus aisé d'en discuter toutes les qualités d'un point de vue scientifique. Je vais donc m'en tenir à l'essentiel en soulignant ce qui représente, de mon point de vue, les aspects le plus originaux et fertiles de cet ouvrage.

En premier lieu, je mentionnerais l'analyse du temps, c'est-à-dire l'analyse les réseaux anaphoriques, de la mémoire, du parcours du voyant amnésique. En reliant temps et identité, Marcheix met en pleine lumière l'aspect fondamental de la remémoration et de l'obsession d'un « passé qui ne passe pas » (Hartog) dans la construction identitaire des personnages. Axée sur le rappel incessant d'une « meurtrissure première, originelle, source d'aliénation et de déréliction », la remémoration semble n'avoir d'autre objet que de révéler au sujet hébertien la source de sa dispersion identitaire : la temporalité poreuse, profonde et dense qui hante les [End Page 79] personnages empêche toute tentative de coïncidence avec soi-même...

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