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  • Théâtre
  • Mariel O’Neill-Karch (bio)

Être dramaturge, aujourd'hui, c'est prendre position face aux naufrages de plus en plus fréquents de notre triste humanité. Les pièces de théâtre parues en 2005 sont des œuvres en mouvement, qui présentent, chacune à sa façon, le résultat de chocs subis par leurs auteurs. Ce qui reste, ce sont des respirations saccadées, des rythmes fragmentés, un échange verbal incertain, des images éblouissantes, de l'interrogation discontinue et du grand théâtre.

Alto

En octobre dernier, les éditions Alto lançaient « Voce », une collection consacrée au théâtre, dont le premier titre est une adaptation du Procès de Kafka. Le romancier Serge Lamothe signe cette adaptation du roman visionnaire et incontournable de Kafka, en se fondant sur une récente traduction d'Axel Nesme. Le procès de Kafka, comme d'ailleurs le roman, met en scène ce pauvre Joseph K., petit employé de banque sans histoire, qui se fait arrêter, un matin, sans jamais pouvoir découvrir pourquoi. Même si, contrairement aux détenus de l'infâme base de Guantanamo, Joseph K. subit effectivement un procès, il n'arrive jamais à savoir de quel crime on l'accuse. Et le procès lui-même, mené par un juge d'instruction dans un quelconque grenier devant des gens dont l'identité est moins que certaine, a-t-il vraiment commencé ? Joseph K. essaie sans succès, non seulement de trouver des réponses, mais d'accéder à la justice. Sans pouvoir communiquer avec qui que ce soit, repoussé par toute la société, la victime voit s'approcher sa condamnation. Sa culpabilité semble si évidente à ses accusateurs que Joseph K. lui-même commence à douter. Adaptation pour la scène très réussie, avec ses chœurs qui ponctuent l'action et des photos du spectacle, prises par Yves Renaud, qui permettent au lecteur d'avoir une idée de la mise en scène. Le livre contient aussi Le Prince de Miguasha, pièce en un acte qui a valu à Lamothe la bourse Yves-Thériault 2003.

Ex Machina/L'Instant Scène

Quel plaisir de pouvoir enfin lire, dix-huit ans après l'avoir vue, La trilogie des dragons de Robert Lepage. Je me souviens de la qualité magique du spectacle, qui a bouleversé ma façon de concevoir le théâtre. Dans sa préface, Michel Tremblay insiste sur le fait que « le Québécois aurait pour la première fois le droit de voyager pour souffrir au lieu de rester irrémédiablement prisonnier du pays et de ses malheurs ». Trois dragons, trois actes, [End Page 49] trois lieux (Québec, Toronto, Vancouver). Le premier dragon est vert. L'action se situe à Québec en 1932, dans le quartier chinois, et c'est le printemps. Deux jeunes cousines, Jeanne et Françoise, utilisent des boîtes à souliers pour représenter les magasins du voisinage. D'autres personnages circulent : un Anglais, né à Hong Kong, et un blanchisseur Chinois. Le deuxième dragon est rouge. L'action se situe à Toronto en 1940. Françoise, qui est dans l'armée et qui aime un autre soldat, va à Toronto rendre visite à Jeanne qui a épousé le fils du blanchisseur. Le troisième dragon est blanc. Au cours de ce dernier acte (Vancouver, 1985), Pierre, le fils de Françoise, rencontre Yukali, jeune peintre japonaise, qui l'initie à la sagesse de l'Asie : « Je les ai faits hier soir. Ce sont des dragons : le dragon vert, le dragon rouge, le dragon blanc. C'est une trilogie. Quand je les ai peints, je n'ai fait que m'asseoir, fermer les yeux et attendre, et ils sont sortis de moi. Avec les couleurs, j'essaie de faire sortir la lumière du papier... Vous faites la même chose avec l'électricité. » Dans les versions scéniques, suggérées au moins en partie par les didascalies ainsi que quelques photos de productions, les comédiens ont réussi, avec très peu d'accessoires, à créer de très fortes images qui sont devenues la...

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