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  • Lieux propices. L’énonciation des lieux/le lieu de l’énonciation dans les contexts francophones interculturels
  • Philippe Mottet
Lieux propices. L’énonciation des lieux/le lieu de l’énonciation dans les contexts francophones interculturels, s. la dir. de Adelaide Russo et Simon Harel Québec, Les Presses de l’Université Laval, CELAT, coll. InterCultures, 355 p.

Ce copieux ouvrage est le fruit des rencontres organisées en 2004 entre l'équipe de recherche « Le Soi et l'Autre » (dirigée par Pierre Ouellet, de l'uqam) et celle du séminaire du Louisiana State University portant sur les « Discours et pratiques du lieu habité ». Réunis, les vingt-trois articles et communications qui le composent explorent « la notion de lieu comme réseau d'interrelations qui met en cause la constitution et la perception de l'identité dans les contextes interculturels francophones mondiaux depuis 1968 ». Bien que l'approche soit pluridisciplinaire, les littéraires se taillent la part du lion, suivis de près par les philosophes, les uns mêlant volontiers leurs propos à ceux des autres. La table des matières présente six sections, partition ni factice ni obligée que cette recension ne suit pas.

Sur le thème des lieux énoncés, Fabrice Leroy propose une incursion dans le Marseille de Jean-Claude Izzo, tel que représenté dans sa trilogie policière inaugurée par Total Khéops, roman noir dont le personnage principal, le policier Fabio Montale, occupe ici le critique. Ce fils d'immigrés italiens apparaît comme le champion de la lutte antiraciste, se prenant d'amitié pour des beurs et des blacks ; cependant, écrit Leroy, mis face à « la dure réalité marseillaise contemporaine, Montale articule paradoxalement deux réponses réactionnaires, en contradiction évidente avec son ethos multiculturel. Une première réponse consiste à se réfugier dans une rêverie auto-exotique, alimentée par diverses références littéraires, et qui présente Marseille comme une ville traversée par un fantasme d'altérité [...] Cette rêverie est liée à un autre fantasme que je qualifierai d'auto-érotique [...] que Robert J. C. Young a nommé, à la suite de Foucault, le désircolonial ». Bref, ce Marseille multiculturel dépeint par Izzo (via son héros) fait « la synthèse de plusieurs tendances qui ont fait éclater le paysage politique français au cours des années quatre-vingt-dix : antiracisme mais nostalgie inconsciente d'un passé colonial ; ouverture sur le métissage mais [...] revendication des identités régionales ; désir d'altérité mais repliement nombriliste sur soi ».

Paradoxal apparaît également l'espace central du célèbre roman d'Yves Beauchemin, Le Matou. Pour Lucie Brindamour, en effet, le restaurant La Binerie « reste la force à la fois centrifuge et centripète de cet univers romanesque ». Prenant le contrepied des accusations de xénophobie lan-cées à cette œuvre, et reconnaissant que « stéréotypes et clichés apparaissent dans le texte », s'exerçant à l'endroit de Juifs, d'Anglais et de Français, Brindamour suggère pourtant que « dans Le Matou, Beauchemin ne semble pas poser la question de l'identité en un binarisme manichéen ». Examinant le traitement de la filiation, la critique montre que le restaurant, hérité du Juif Ratablavasky, acheté avec l'Anglais Slipskin, racheté grâce à la tante de Florent Boissonneault (personnage central), est un lieu « où l'on peut [End Page 101] observer le germe de ce que Édouard Glissant appelle créolisation » et, qu'en un sens, il symbolise une étape dans la littérature québécoise.

Comme le Montréal du Matou, le Moncton présenté dans Bloupe de Jean Babineau est un territoire disputé âprement entre forces ethniques. Catherine Leclerc montre que si, dans ce roman mettant franchement à l'avant-plan la langue des Acadiens, « le chiac sert de point de départ linguistique [...], c'est moins à titre de code vernaculaire replié sur lui-même [...] que pour sa capacité d'hybridation et d'absorption ». La guerre est identitaire et linguistique et si le romancier rend à la ville le « k » qui appartient de droit au lieutenant-colonel Monckton (« l'un...

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