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Reviewed by:
  • Edmond-Joseph Massicotte, illustrateur
  • François-Marc Gagnon (bio)
David Karel, Edmond-Joseph Massicotte, illustrateur Québec, Musée national des beaux-arts du Québec, Les Presses de l’Université Laval, 222 p.

Quel plus grand éloge peut-on faire à un livre qu'il donne beaucoup à penser ? Le livre — c'est aussi le catalogue d'une exposition — que David Karel vient de consacrer à l'illustrateur Edmond-J. Massicotte est de ceux-là. Le sujet était, somme toute, assez mineur. Massicotte ne s'est jamais pris pour un peintre — il n'a exposé ses dessins qu'une seule fois de son vivant [End Page 163] à la Bibliothèque Saint-Sulpice en 1916. Qui plus est, il a souvent mis son talent au service de la publicité commerciale. Mais, précisément parce qu'il s'agissait d'un artiste mineur, il a demandé une somme considérable de travail à l'auteur, ce qui nous vaut, à nous lecteurs, une mine d'informations remarquable et de questions à débattre du plus haut intérêt.

Massicotte a cette particularité — et c'est David Karel qui l'a bien mis en lumière — d'être passé de l'Art nouveau au Terroir. On pourrait qualifier sa démarche de franchement rétrograde. Karel propose de cette « évolution » en envers, puisqu'elle va de « demain » à « hier » — ce sont les titres des deux principales parties de son livre — une explication ingénieuse. Son enthousiasme pour la tradition, sa prise de position régionaliste, son engouement pour « le bon vieux temps » ne seraient que les manifestations d'une forme douce (et populaire) du modernisme. La thèse a de quoi surprendre et l'auteur ne nous ménage pas les paradoxes dès les premières pages de son ouvrage : « Modernisme et passéisme sont de la même essence »; « L'avant-gardisme n'est [...] qu'intransigeance dans la recherche de la pureté première, tandis que traditionalisme ou conservatisme signifient modération pratiquée aux mêmes fins ». Assisterions-nous à une tentative de brouillage ?

Il est vrai que l'œuvre de Massicotte prend une cohérence inattendue dès que l'on adopte ce point de vue. Voilà un « décadentiste » qui se convertit à l'école du terroir, un émule de Mucha ou de Knopff qui devient le chantre de « nos Canadiens d'autrefois », un dessinateur, dans le plus pur esprit de l'Art nouveau, qui se gagne les éloges de Marius Barbeau pour la qualité strictement ethnographique de ses dessins, un citadin ne parlant que de la bonne vie à la campagne.

Certes, ce dernier éloge sort de la bouche d'un citadin, non sans une certaine mauvaise foi. Le chanoine Lionel Groulx a beau déplorer l'exode rural et prêcher le retour à la terre, la ville doit bien avoir quelques attraits pour ces paysans qui quittent leur terre et viennent s'y installer. Et la campagne c'est bon si on y passe une fin de semaine sous la tente de la Compagnie des Marchands, maison pour laquelle Massicotte fera d'innombrables dessins publicitaires.

En réalité, la question que l'œuvre de Massicotte ne peut pas ne pas nous amener à poser — et qui se pose aussi à propos de Suzor-Coté, de Clarence Gagnon, de Louis-Philippe Hébert, d'Alfred Laliberté, autrement de tous ces artistes sur lesquels le Musée national des beaux-arts du Québec tente de jeter un nouveau regard depuis quelques années — est de quel concept de la nation s'agit-il ici ? Il y a nation et nation. Il y a la nation définie depuis Herder et le romantisme allemand comme le Volkgeist, par le sang, la langue maternelle, les traditions locales... et il y a la nation fondée sur une forme ou l'autre d'un contrat social défini comme tel par Rousseau et les penseurs de l'Aufklärung. Le concept de la nation, de la culture, voire même de la race, comme chez Groulx, défendu par nos [End Page 164] artistes, y compris Massicotte, est le concept de la nation-Volkgeist. Pour en faire partie, il ne suffit pas de le vouloir, de consentir...

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