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  • Ce corps qui parle. Pour une lecture dialogique de Denis Diderot. Essai, and: Les spectateurs de la vie généalogique du regard moraliste, and: Nouvelles françaises du XVIIIe siècle
  • Sarah Benharrech (bio)
Anthony Wall, Ce corps qui parle. Pour une lecture dialogique de Denis Diderot. Essai Montréal, xyz éditeur, coll. Théorie et littérature, 300 p., 27$
Louis Van Delft, Les spectateurs de la vie généalogique du regard moraliste Québec, Les Presses de l’Université Laval, Les collections de la République des Lettres, Études, x-314p.
Nouvelles françaises du XVIIIe siècle, rassemblées et présentées par Marc Bernier et Réal Ouellet Québec, L’instant même, 482 p., 19,95$

Reprenant et dépassant la philosophie culturelle de Mikhaïl Bakhtine, Anthony Wall s'attache dans Ce corps qui parle à faire résonner le dialogisme corporel dans l'écriture du philosophe des Lumières. Placée sous le patronage intellectuel de Michel de Certeau, Maurice Merleau-Ponty, Michel Foucault et Gilles Deleuze, cette présente étude matérialiste voire « corporiste » qui sollicite dans sa démonstration des domaines aussi divers que la linguistique, la sémiotique et la sociologie, révèle l'originalité percutante de la philosophie matérialiste du langage de l'encyclopédiste, en la confrontant au dialogisme de Bakhtine, et y découvre une nouvelle raison, celle du corps. À la suite des travaux d'Angelica Goodden, dont Wall développe certaines questions laissées en suspens, l'auteur essaie de capter le mouvement dialectique de la pensée de Diderot envisagée dans ses différentes incarnations et de dépasser les dualismes de la pensée pour réconcilier le sens avec le corps dont l'hétéroglossie fournit ici l'angle d'observation privilégié. Variant les angles de vue, la méthodologie de Wall procède par analogies et dichotomies afin sans doute de respecter la délicate et novatrice rhétorique des corps-parlant de Diderot. De plus l'originalité de cette étude sur le matérialisme diderotien réside dans le choix des matériaux : les œuvres philosophiques certes mais aussi les œuvres littéraires notamment Le neveu de Rameau, Les bijoux indiscrets, Jacques le fataliste, La religieuse et, dans le dernier chapitre, Les salons. Enfin prenant place dans le débat sur la notion de Lumières, Wall laisse paraître en filigrane dans son analyse une réévaluation du concept de Raison des Lumières avancé par Adorno et Horkheimer et ambitionne de remettre l'excentrique Diderot au centre du projet des Lumières.

Dans l'intention de dégager des œuvres littéraires de Diderot les pans d'une philosophie matérialiste du langage définie comme « discours théorique qui refuse de prendre pour base une idée abstraite et selon laquelle est irrecevable toute idée éternelle et absolue, immobile et inamovible », Wall situe sa perspective par rapport aux travaux des psycholinguistes Franc Ducroc et Karel Kosik, et du sociolinguiste Bakhtine, et prend soin de se démarquer de l'individualisme du formalisme russe (« aucun acte de dire n'émane d'un simple vouloir-dire intérieur », car il insiste après Foucault sur la nécessité de considérer la nature sociale de l'expérience corporelle. Suivant le double fil de la sémiotique et de la sociolinguistique, Wall démontre que le corps du Neveu de Rameau est un émetteur de signes conditionné par l'ordre social; le matérialisme linguistique de Diderot, remarque-t-il, provient d'une interaction continue entre le corps et l'extérieur, à savoir d'une « porosité » du corps (imitation, appropriation, idiotismes). Dressant des analogies entre l'atomisme et le [End Page 129] parcours désorienté du Neveu, il dénote l'absence de volonté et de projet du Neveu qui ne cesse d'être à la recherche d'une place, et voit dans cette errance le mouvement toujours incessant des atomes qui jamais ne se fixent.

À cette errance correspond une rhétorique corporelle toute particulière, le bavardage littéraire dont Wall développe les qualités formelles dans le...

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