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Reviewed by:
  • Baroque Montesquieu
  • Sylvie Romanowski
Baroque Montesquieu. By Laurent Versini . Geneva, Droz, 2004. 210 pp.

Fidèle au programme de peindre un Montesquieu décidément peu classique, de décaper le docte législateur et théoricien des sociétés de l'Ancien Régime, Laurent Versini campe un portrait aussi peu classique que son sujet. Le baroque, normalement associé à des auteurs comme Montaigne, La Ceppède, Rotrou et Corneille, est lui aussi revu et dépoussiéré, et surtout élargi à toute une culture allant depuis le XVIe siècle jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. Montesquieu, dont il ne faut pas oublier que, né en 1689, il a déjà, à la mort de Louis XIV, l'âge mûr pour l'époque de vingt-six ans, est donc resitué dans son époque, et celle-ci par là même aussi restituée dans sa richesse et sa diversité. Une courte introduction rappelle les leitmotivs du baroque et sa périodisation. En commençant par un chapitre sur 'Le libertin', Versini donne un coup d'envoi délibérément provocateur en rappellant que comme nombreux grands seigneurs habitués des salons en ville, Montesquieu était un grand séducteur de femmes de haut rang. Ayant donné ainsi d'emblée le la pour ce livre, Versini observe les multiples facettes de son sujet dans neuf chapitres: l'homme du salon de Madame de Lambert, sa rhétorique baroque, son 'esthétique rocaille', sa 'conception baroque de l'histoire', son intérêt tant pour la science que pour les structures sociales. Dans les trois derniers chapitres, Versini se tourne vers des thèmes plus généraux qui pénètrent tout l'œuvre, la présence de la violence à peine modérée, la tension entre variété et unité dans une 'orchestration baroque', et, pour terminer, une brève évocation d'un thème baroque par excellence, le 'théâtre d'ombres'. Ce faisant, Versini tisse à travers ces tableaux successifs les principaux thèmes avec les principales œuvres, mais il fait encore plus, car cette étude, menée avec brio et une volonté teintée de polémique contre une certaine image reçue, est aussi fortement documentée. Versini a plongé dans les lettres et les documents des archives, abondamment cités, pour étayer et nuancer son analyse. Ainsi, par exemple, le style reçoit une analyse fournie, aux triples niveaux du vocabulaire, des figures et de la phrase, et de la composition. Ainsi Versini revoit quelques grandes controverses, par exemple au sujet de l'importance constante des Romains, ou la tension entre thèses 'romanistes' et 'germanistes', en s'appuyant sur une lecture non seulement des textes de Montesquieu, mais des critiques, y compris les plus récents — car Versini montre aussi la pertinence de Montesquieu pour les époques ultérieures. La thèse de la séparation des pouvoirs reçoit une relecture judicieuse, et la question du plan de L'Esprit des lois est illuminée sous cette lumière baroque. Finalement, Versini pose la question que provoque inévitablement cette lecture: avec un 'Montesquieu bouillant et caustique, voire grinçant, contre un Montesquieu un peu empesé et timoré, perd-on au change?' (p. 194). Question qui reste ouverte, conformément à l'esthétique baroque, mais [End Page 112] je soupçonne fort que la réponse ne peut que positive, et égale au plaisir que donne la lecture d'un livre où l'utile et l'agréable sont parfaitement unis.

Sylvie Romanowski
Northwestern University
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