University of Toronto Press
David Howes - Introduction: La culture dans le domaine du droit - Canadian Journal of Law and Society 20:1 Canadian Journal of Law and Society 20.1 (2005) 31-42

Introduction :

La culture dans le domaine du droit

Department of Sociology and Anthropology
Concordia University
Montreal (Quebec) Canada H3G 1M8
howesd@vax2.concordia.ca

Dans leur introduction au livre Law in the Domains of Culture, Austin Sarat et Thomas Kearns écrivent : « Law and legal studies are relative latecomers to cultural studies. To examine [law in the domains of culture] has been, until recently, a kind of scholarly transgression »1. L'inverse est vrai aussi : les cultural studies (incluant l'anthropologie) sont arrivées tardivement au droit et aux réflexions sur le droit, alors qu'on assistait, ces dernières décennies, à une irruption remarquable de discours culturels dans le domaine du droit.

Il semble bien que l'acquisition d'une certaine « compétence culturelle » soit devenue obligatoire dans les cercles juridiques. Il n'y a pas que la floraison de séminaires et cours sur la « sensibilité culturelle » pour juges, avocats et policiers, mais le « concept de culture » traverse maintenant bien des décisions judiciaires en matière de droits autochtones2, et la « défense culturelle » (bien que fortement contestée par certains et toujours sans approbation officielle) est désormais une dimension de nombreux procès criminels impliquant des immigrants3. Aussi, la Charte canadienne des droits et libertés4 réfère à « l'héritage multiculturel des Canadiens » (art. 27) dont la préservation et la promotion est une condition de sa propre interprétation.

Le concept de culture est ainsi devenu monnaie courante pour les tribunaux. Mais comment la culture se monnaie-t-elle devant eux? Qu'est devenue la culture dans ce procès de légalisation? Les anthropologues [End Page 31] reconnaissent-ils encore leur invention?5 Qu'importe, aussi longtemps que les juges sont « culturellement sensibles »? D'autre part, les cours sont-elles devenues trop sensibles à la diversité, au point où la fonction de contrôle social du droit risque de s'effriter devant la déconstruction du standard de la « personne objectivement raisonnable » en une multitude de sensibilités culturellement spécifiques?

Ce numéro spécial de la Revue Canadienne Droit et Société vise à explorer la judiciarisation de la culture. Au-delà d'illustrer les diverses manières dont les tribunaux abordent maintenant la preuve culturelle, il cherche à explorer les mérites d'un modèle de jurisprudence transculturelle fondé sur un « raisonnement juridique culturellement réflexif ». C'est ainsi que les participants ont été invités à tenir compte lors de la rédaction de leurs contributions de l'énoncé de position suivant :

Le raisonnement juridique culturellement réflexif est de plus en plus indiqué pour une adjudication sensée de conflits dans nos sociétés multiculturelles contemporaines. Ceci implique de reconnaître l'interdépendance entre la culture et le droit (c'est-à-dire que le droit n'est pas au-delà de la culture mais en fait partie). Les juges devraient tenir compte et donner effet à la différence culturelle plutôt que de l'annuler. Décider des causes sur la seule base d'une conception abstraite d'individus qui seraient des unités interchangeables porteuses de droits aurait comme effet de miner notre humanité. Car ce sont nos différences culturelles qui nous rendent humains. La prudence s'impose toutefois lors de l'intégration de cette différence aux considérations judiciaires, puisque les juges doivent avoir connaissance de leur propre culture tout autant que de celle de l'Autre. La réflexivité – plutôt que la seule sensibilité – est l'essence de la jurisprudence transculturelle.

L'idéal d'une jurisprudence qui traverse les cultures, au lieu de prétendre traiter les parties de manière « culturellement neutre » (ce qui est souvent moins le contraire de la discrimination que de la discrimination à rebours), est noble6. En décortiquant ces enjeux, les auteurs qui ont contribué à ce [End Page 32] numéro spécial ont dû débattre de beaucoup de situations complexes créées par le fait que les questions morales et légales soulevées auparavant par la diversité culturelle entre sociétés se posent désormais souvent en leur propre sein. Comme Clifford Geertz le constate :

Social and cultural boundaries coincide less and less closely – there are Japanese in Brazil, Turks on the Main, and West Indian meets East in the streets of Birmingham – a shuffling process which has of course been going on for quite some time [...] but which is, now, approaching extreme and near universal proportions [...]. Les milieux are all mixte. They don't make Umwelte like they used to. 7

Quelle est la position appropriée des tribunaux confrontés aux frictions légales qui leur sont présentées par la mixité croissante des cultures due à la migration transnationale et à une vague grandissante de « politiques de l'identité » dans l'État contemporain?8

À la défense de la culture

L'article principal de ce numéro provient d'Alison Dundes Renteln, politologue américaine et auteur de The Cultural Defense9. Ce livre est une contribution majeure à la jurisprudence transculturelle et mérite une présentation en guise d'introduction au texte inclus ici.

Dans The Cultural Defense, Renteln vise principalement à signaler le nombre croissant de cas dans lesquels des « demandes culturelles » sont posées par des membres de cultures immigrantes ou minoritaires qui résident aux États-Unis (ou dans d'autres juridictions surtout occidentales). Des exemples en sont : ce père sicilien du New Jersey, ayant tué le séducteur de seize ans de sa fille, surpris de son arrestation puisqu'il n'avait que défendu l'honneur familial de manière traditionnelle; l'immigrant sikh interdit de monter dans un avion avec son kirpan; le disciple tibétain arrêté pour avoir importé des stupéfiants, alors qu'il ne faisait que suivre les instructions de son maître; le parent survivant d'un homme hmong décédé qui s'oppose pour des motifs religieux à l'autopsie ordonnée; le marchand chinois déclaré en violation d'un règlement de santé publique puisqu'il avait accroché du canard rôti dans la vitrine de son magasin, etc.

En plus de fournir une typologie des conflits culturels devant les cours, Renteln propose un cadre normatif pour analyser et résoudre les frictions juridiques générées par le mélange des cultures dans l'État polyethnique. Les gouvernements et les tribunaux devraient adhérer au principe d'accommodement maximal des différences culturelles, selon elle, pour que [End Page 33] les individus puissent poursuivre leurs propres plans de vie (soumis à certaines conditions, voir infra), au lieu de la « présomption d'assimilation » ou du « paradigme monoculturel » prédominant. Ce paradigme postule que des individus d'autres cultures devraient se conformer à une norme nationale unique, avec le résultat que les juges peuvent rejeter, sans scrupules, comme non pertinente toute preuve liée à l'origine culturelle des parties en cause10. Une telle attitude, loin d'incorporer les minorités dans la société dominante, a comme effet de les en aliéner et dénie leurs « droits culturels »11, en plus d'interférer avec d'autres droits fondamentaux comme l'égalité, la liberté d'association et celle de religion12. Pour cette raison, Renteln appelle à l'institution d'une défense culturelle formelle qui obligerait les juges à prendre en considération la preuve culturelle au moins dans les cas de conflits transculturels, alors que la question du poids à accorder à ce type de preuve – et si elle devait excuser le comportement en cause (et dans quelle mesure) – serait déterminé cas par cas.

Selon son principe d'accommodement maximal, les comportements culturellement motivés devraient, selon Renteln, être permis dans tous les cas où le risque posé est « illusoire » (par exemple, porter un kirpan à l'école, vu qu'il ne s'agit pas d'une arme mais d'un symbole religieux) et interdits seulement s'ils peuvent causer des préjudices irréparables à autrui. Elle cite à ce titre des pratiques culturelles menant à la mort ou la mutilation permanente (par exemple des sacrifices ou encore l'excision) et elle exclurait aussi « the use of cultural arguments to defend wife beating, many types of corporal punishment of children, and other practices using violence »13. L'on pourrait y objecter que le critère de préjudice irréparable n'est pas non plus exempt de biais culturel, et Renteln admet que « [it] is a matter of one's cultural background whether a tradition is interpreted as involving harm »14, bien que l'intégrité physique doive primer, selon elle, l'identité culturelle. [End Page 34]

Dans l'article rédigé pour ce numéro, Renteln poursuit sa réflexion avec la question complexe comment la preuve culturelle doit être traitée en cour pour éviter d'abuser de la défense culturelle. Elle suggère trois critères pour déterminer la véracité de la requête culturelle : il faut s'interroger si le défendant est un membre de bonne foi de la communauté culturelle à laquelle il ou elle prétend appartenir; si la tradition invoquée est réellement pratiquée dans la communauté et si la personne en cause a agi sous l'influence de cette tradition. Dans cette perspective, elle analyse un ensemble de cas variés d'identités frauduleusement postulées, de traditions qui ne sont plus pratiquées, qui sont contestées ou inventées et de pratiques motivées par des besoins économiques ou l'appât du gain plutôt que par d'authentiques impératifs culturels. Elle insiste tout particulièrement sur l'importance que les juges soient conscients de la diversité interne d'une culture et évitent des généralisations, pour que la position déjà marginale et les droits fondamentaux de groupes vulnérables (des femmes et des enfants) ne soient pas davantage fragilisés par l'opération, ni que l'ensemble d'une culture soit jugée, mais seulement la tradition ou la pratique en cause.

Illustrons la mise en garde de Renteln contre les dangers d'une « sensibilité culturelle » sans réflexivité à la lumière de deux cas d'agressions sexuelles qui se sont produites au Québec. Dans les deux cas, une défense culturelle implicite fut confirmée par la cour qui la considérait un facteur atténuant lors de la détermination de la peine. Le premier cas, R. v. Lucien, concernait deux Haïtiens noirs qui avaient eu des rapports sexuels non consensuels avec une jeune fille noire de Québec, en visite à Montréal. Elle consentait d'aller avec l'accusé à l'appartement qu'il partageait avec son ami, après avoir rencontrés les deux dans un bar; elle y prenait un yoghourt et voulait partir. Au lieu de respecter son souhait, elle fut violée par les deux. Le juge expliqua l'absence de remords de l'accusé, ce qui aurait dû être traité en tant que facteur aggravant, par le « contexte culturel »:

Evens Shannon, originaire d'Haïti, [...] sûr de son charme, n'a pas tenu compte des hésitations et des réticences de la jeune fille après qu'elle eut accepté d'aller chez lui. Les deux compères ont alors pris pour acquis son consentement. Ils se sont comportés comme deux jeunes coqs en mal de plaisirs sans se soucier des sentiments de la jeune femme. Malgré leur ressentiment déclaré envers elle parce qu'elle a porté plainte, malgré leur orgueil de jeunes mâles qui ne peuvent admettre avoir commis un grave affront à la victime en ne respectant pas sa demande de quitter les lieux à un certain moment, ils ont pourtant réfléchi et acquis un peu plus de maturité suite à la judiciarisation de l'événement.15

La communauté haïtienne ainsi que de nombreux autres commentateurs furent scandalisés par ces remarques dont l'interprétation suggérait que tous les corps mâles haïtiens soient dominés par les mêmes pulsions animales16. [End Page 35] Il y avait appel contre la sentence minimale rendue par Mme la juge Dubreuil, qui fut convoquée devant le Conseil de la magistrature du Québec. La Cour d'appel ne considérait pas nécessaire de modifier la sentence, alors que le Conseil ne trouvait pas que la juge Dubreuil avait enfreint le code d'éthique avec ses remarques qui, bien qu'ambiguës, auraient pu référer à une culture de jeunesse immature plutôt qu'à la communauté haïtienne per 17 se. En d'autres termes, l'ambiguïté fut interprétée en faveur de l'innocence du juge et du droit. Cependant, le « contexte culturel » invoqué (ou plutôt projeté sur l'accusé) par le juge était loin d'être innocent, comme le souligne Fournier. Il était empreint de valeurs culturelles sexistes et racistes et, au surplus, était conforme au discours culturel dominant de « race before gender » qui condamnait au silence et rendait invisible la victime violée18. R. c. Lucien est, selon Fournier, un exemple flagrant « of the ways in which sexual violence against women of colour get represented as instances of "rape by culture" and thus excused in a misguided attempt to be culturally sensitive »19.

R. v. Ammar N. est un autre cas de « culturalisation » (ou d'« orientalisation ») du viol, mais illustrant la représentation qu'a la culture dominante du corps musulman. L'accusé avait exercé de la pression psychologique et des menaces pour forcer la plaignante (l'une des quatre filles d'un mariage précédent de son épouse) de participer à des actes sexuels sur une période de deux ans (incluant la fellation et des relations anales, mais excluant des relations vaginales). Dans ce cas aussi, le « contexte culturel » fut invoqué et utilisé par la cour comme facteur atténuant lors de la détermination de la peine, sans aucune trace d'enquête anthropologique sérieuse de la complexité des mœurs sexuelles de l'islam.

Les facteurs atténuants sont l'absence [...], pardon, le fait que l'accusé n'ait pas eu de relations sexuelles normales et complètes avec la victime, c'est-à-dire des relations sexuelles vaginales, pour être plus précis, de sorte que celle-ci puisse préserver sa virginité, ce qui semble être une valeur très importante dans leurs religions respectives. On peut donc dire que, d'une certaine façon et à cet égard, l'accusé a ménagé la victime20.

Fournier remarque que le raisonnement implicite du juge semble être : « […] if the accused was nice enough to preserve the girl's virginity while sodomising her over more than two years, it was in order to respect and [End Page 36] espouse the 'so-called' Islamic prescriptions to which the judge refers as a cultural defense »21. Un tel dénigrement de la culture (sous les auspices de rendre justice d'une manière sensible à la culture) se confondait au fait que la cour faisait de la victime musulmane le portrait d'une fille qui avait activement incité et participé aux abus sexuels, comme si elle en était la responsable.

La réaction outrée de la communauté à la sentence minimale prononcée dans cette cause par la juge Verreault provoqua une autre enquête devant le Conseil de la magistrature du Québec. Le Conseil concluait que la juge Verreault avait agi de bonne foi (dans les limites de sa discrétion) et qu'aucune mesure disciplinaire ne s'imposait. Fournier soulève une série de questions dérangeantes sur le formalisme et l'absence de conscience sociale dont la décision du Conseil fait preuve, qui disait au fond

[...] even though a judge clearly delivers justice outside the limits of the law, if he or she does so in good faith, the Judicial Council is satisfied. But what is good faith? If a judge relies on racist or sexist reasons to deliver justice but does so due to ignorance, is this good faith? If a judgment is based on myths and stereotypes about a disadvantaged group in Canadian society, but this judgment was delivered precisely because such stereotypes have spread and become our conception of this particular group, is this good faith? As we know, racism and sexism are often produced without any intention to discriminate, that is, they are produced in good faith.22

La légalisation du concept de culture dans Lucien et N. relève donc plus de la reproduction de mythes et de stéréotypes sur l'altérité qui traversent la société dominante que d'un réel examen de la diversité des mœurs sexuelles à travers les frontières culturelles, qu'une enquête anthropologique aurait mise au jour. C'est dire que le concept de culture a besoin d'être raffiné si les cours doivent l'utiliser avec sensibilité envers la culture – de manière réflexive.

Le raisonnement juridique transculturel

À l'instar du texte de Renteln, l'article de Robert J. Currie, professeur de droit à l'Université Dalhousie, aborde aussi les us et abus de la preuve culturelle, particulièrement l'expertise sur le racisme. La 'race' est un enjeu culturel dans la mesure qu'elle relève de la construction sociale de distinctions soi-disant physiques ou « naturelles »23. Currie part d'un procès [End Page 37] civil en diffamation qu'un policier d'Halifax a intenté contre deux avocats qui avaient fait lors d'une conférence de presse des remarques suggérant que les actes du policier dans le contexte d'une fouille illégale de deux filles noires eussent été motivés par la 'race' et le statut socio-économique. La question principale dans Campbell v. Jones et Derrick24 portait sur l'admissibilité des rapports d'experts et des opinions d'un sociologue et d'un anthropologue social (engagés par la défense) sur les faits ainsi que sur l'existence d'un racisme systémique dans la société canadienne. Currie offre une analyse lucide du droit de la preuve en ce qui concerne la portée et l'admissibilité du témoignage d'expert devant un jury civil, distinct des cours d'appel. Il montre ensuite comment ce corpus juridique recoupe la fiabilité des « généralisations des sciences sociales » dans l'opinion du juge qui siégeait dans ce cas. Au-delà de présenter comment les cours comprennent la « motivation individuelle »25, l'article est aussi intéressant en ce qu'il révèle de la construction judiciaire des disciplines d'anthropologie et de sociologie. Il semble bien qu'on y trouve d'énormes présupposés, comme lorsque le juge dans Campbell note que ces champs « lack the precision and specificity which characterizes a science like chemistry or an area of technical expertise like engineering »26. Une telle construction se fonde sur une comparaison déplacée et doit être corrigée dans la mesure qu'elle donne une fausse idée de la multiplicité des approches théoriques et méthodologiques parmi les sciences sociales elles-mêmes, sans parler de celles que partagent les sciences sociales et physiques.

L'article du sociologue et professeur de droit australien Richard Mohr constitue le point d'ancrage de ce numéro spécial. Son essai part de la théorie habermassienne de l'agir communicationnel tout en se distanciant considérablement de ce paradigme en reconnaissant qu'il est « characteristic of law that it involves not just endless communication or argument, but that it must proceed to a decision »27. Mohr identifie un ensemble de conditions qui pourraient guider le raisonnement à travers différentes cultures. Il s'agit (1) de reconnaître que l'interprétation judiciaire est un processus actif; (2) de comprendre que l'auditoire (ou le 'public') avec lequel le juge s'imagine [End Page 38] être en conversation lorsqu'il rend une décision est pluriel; (3) d'approcher l'idéal de l'impartialité en intégrant dans la délibération la réalité et les expériences de vie vécues de toutes les parties impliquées (incluant le corps judiciaire); et (4) d'élargir le répertoire des « manières de délibérer » de la cour pour que les décisions puissent procéder d'arguments qui s'adressent à la personne entière plutôt qu'à un public abstrait (conçu comme une collection de sujets de droits interchangeables). Spécifiant ainsi les conditions de l'action délibérative culturellement diversifiée, Mohr pose les fondements d'une « architecture des institutions » qui rend au procès judiciaire son humanité.

L'article qui suit, intitulé « L'effacement de Mme G. », dont l'auteur est la récente diplômée de l'Université McGill, Vera Roy, est une analyse poignante du déni d'humanité par le libéralisme légal prévalant. Roy présente ce qui pourrait être un cas classique de conflit entre droits de la mère et du fœtus, si ce n'était pour le fait que l'accusée était une femme autochtone et que toute cette triste histoire impliquait la toxicomanie. Roy fait bien ressortir que la spécificité culturelle de la toxicomanie dans les communautés autochtones, pour ne pas dire la propre identité de Mme G., furent systématiquement gommées à chaque niveau de la procédure judiciaire – de la requête initiale de confiner « la mère » dans un centre de traitement fermé pour prévenir des préjudices au fœtus, jusqu'à la Cour suprême du Canada, dans un exemple flagrant de ce que l'auteur appelle (en référant à l'œuvre de Clifford Geertz) une « adjudication sans imagination ». En ne se tenant qu'au cadre d'un conflit de droits, les cours se débarrassaient sans ménagement du choc des cultures qui trame cette cause28. Les cours n'ont pas saisi l'occasion « to recognize that the laws and the bodies responsible for enforcing them [had], in very profound and significant ways, played a hand in creating the very situation Ms. G. found herself in ». Sans doute, l'admission de telles informations sur la culture aurait impliqué les cours elles-mêmes dans la genèse de la situation de Mme G. Or, les « outils analytiques » (le discours sur les droits) à leur disposition ne permettaient pas un tel niveau de réflexivité.

Le numéro spécial se termine avec le texte d'une autre chercheur et juriste australienne, Heather Douglas. Elle répond de manière éclairante à l'énoncé de position ainsi qu'à tous les articles qui précèdent le sien, en traitant à la fois de la violence, de la toxicomanie, du contexte social, de la preuve de droit coutumier et de l'interactivité des cultures. Douglas décrit cette espèce de « pluralisme juridique faible » qui s'est développé dans la jurisprudence du Territoire nordique de l'Australie face aux conditions anomiques des communautés autochtones contemporaines perçues comme [End Page 39] 'espaces sociales dévastés'. Elle dévoile comment les juges du Territoire nordique créent des ouvertures pour que des membres de ces communautés puissent infliger des punitions physiques aux délinquants (par exemple transpercer la cuisse d'un coup de lance, en accord avec le droit autochtone coutumier), tout en réduisant la sentence formelle pour en tenir compte. Ils ne pardonnent pas officiellement cette violence, mais comprennent sa nécessité pour que les Autochtones accèdent à un semblant de contrôle culturel de leur situation. De telles concessions heurtent de front le libéralisme légal et sa doctrine de l'intégrité de la personne. Or, comme le montre Douglas, des mesures de ce type peuvent s'avérer nécessaires dans les cas extrêmes, dans le but d'apaiser la communauté. Des questions troublantes demeurent, notamment si ce que Douglas appelle « the equation of Aboriginality, alcohol and social devastation » n'objectifie pas les problèmes sociaux des communautés autochtones et les met à distance de ceux de la majorité. Douglas attire par ailleurs, dans une partie intitulée « The expanding arsenal of penalty », l'attention à la question de la gouvernementalité que soulève cette approche apparemment éclairée de la détermination de la peine. Ainsi, dans la mesure que l'accusé demeure sous surveillance de policiers gouvernementaux et que des membres de sa communauté doivent informer les agents de l'État comment et quand la punition promise (ou le « paiement ») a lieu, « the defendant's community becomes a disciplinary space [i.e. an extension of prison] and members of the community become connected to the white legal system through a kind of self-surveillance ». En même temps, l'articulation entre droit formel et coutumier reste imparfaite et mène à « a complex situation where Aboriginal people are both supervised and supervisor and the state is both in and out of control ». En d'autres termes, la justice émerge des interstices des cultures.

L'espace limité a fait en sorte que je ne pouvais inclure dans ce numéro tous les articles que les nombreux répondants à mon appel ont proposé de rédiger, alors que quelques textes promis ne se sont pas matérialisés, peutêtre à cause de la complexité du thème. La réflexivité culturelle du raisonnement juridique n'est pas aisée. Elle exige de cultiver la faculté de dédoubler l'esprit même sur les faits apparemment les plus singuliers ou « objectifs », d'écouter les deux côtés du droit – pas seulement les avocats des deux parties au conflit. (Contemplez une deuxième fois l'une des œuvres de Willie Cole ou de Ron Noganosh et vous comprendrez, comme nous allons voir).

Au-delà des textes qui ne se sont jamais matérialisés, un certain nombre de thèmes auraient pu et auraient dû figurer dans ce numéro mais n'ont pas été proposés. Ainsi, j'aurais souhaité y inclure un article abordant la question comment la défense culturelle a été ou pourrait être utilisée par des sujets américains ou européens en prise avec des juridictions non-occidentales pour contrebande d'alcool ou de drogues, pour avoir enfreint des codes vestimentaires locaux ou pour avoir participé à des activités de trahison. Pour renverser la situation de nouveau, il aurait été intéressant d'avoir un texte analysant comment la revendication de propriété et de juridiction du [End Page 40] gouvernement canadien sur l'intérieur de la Colombie-Britannique serait reçue dans le hall de fête Gitska-Witsuwit'en29. Une autre dimension absente de ce numéro est la culture de la cour, ou l'esthétique du droit, c'est-à-dire comment l'iconographie de la justice (les yeux bandés, la balance, l'épée etc.), l'architecture du tribunal, les codes vestimentaires et le langage corporel des avocats et des juges influent sur le procès judiciaire30. En dépit de toutes ces lacunes, espérons que ce numéro spécial – en inversant le regard de Sarat et Kearn dans Law in the Domains of Culture – participera à établir la jurisprudence transculturelle comme un nouveau domaine vital tant pour la recherche universitaire que l'attention des juges.

L'œuvre de Cole et Noganosh comme modèle de réflexion sur la jurisprudence transculturelle

Pendant que je préparais ce numéro, mon attention fut attirée par une exposition récente au Musée national des Beaux-Arts du Québec (MNBQ) intitulée Double jeu : identité et culture. Cette exposition illustre bien la position de Geertz que nous vivons maintenant au milieu d'un énorme collage culturel et comment des enjeux juridiques et éthiques, qui se posaient auparavant entre sociétés, émergent de plus en plus à l'intérieur de celles-ci. L'exposition a été dirigée par Jocelyne Lupien et Jean-Philippe Uzel, les deux du département d'histoire de l'art de l'Université du Québec à Montréal (assistés du curateur des expositions au MNBQ, Paul Bourassa), dans la continuité des travaux du groupe de recherche multidisciplinaire Le Soi et l'Autre. L'exposition Double jeu était centrée sur trois artistes contemporains, incluant l'Afro-Américain Willie Cole et le Canadien Ojibwa Ron Noganosh31. Cole et Noganosh ont généreusement consenti à l'inclusion de plusieurs illustrations de leurs travaux dans ce numéro. Nous sommes aussi heureux d'avoir obtenu l'autorisation d'y reproduire quelques extraits du catalogue d'exposition rédigés par J. Lupien. Ces textes [End Page 41] contribuent à déchiffrer la signification de ces représentations d'identités culturelles forgées dans la société nord-américaine contemporaine, qui poussent à la réflexion.

Cole comme Noganosh sont pour moi des anthropologues esthétiques qui arrangent des objets du paysage urbain nord-américain (comme des sèchecheveux, des enjoliveurs de roues) en de nouvelles configurations inspirées par les formes de leurs cultures de référence respectives (masques africains, boucliers de guerrier amérindien). Ce que Lupien appelle « les deux niveaux de représentation » de ces configurations, ou leur dualité sombre, déstabilisent profondément nos habitudes conventionnelles de perception et nous invitent à méditer la contingence de chacune et de toute formation identitaire. La vision double contenue dans les œuvres de Cole et de Noganosh incorpore l'essence de ce que j'appelle l'esthétique transculturelle et je l'offre (avec les commentaires de Lupien) comme modèle d'une délibération culturellement diversifiée (voir l'article de Mohr). Le lecteur est invité à contempler les constructions esthétiques transculturelles de Cole et de Noganosh en contrepoint aux articles des autres contributeurs de ce numéro spécial et – en passant de l'un à l'autre – de mieux apprécier ce que Vera Roy appelle « adjuger avec imagination ».

(Texte original en anglais, traduit par Ruth Murbach)

* Des discussions sur le thème de ce numéro spécial ont nourri mon inspiration. Je souhaite remercier, notamment, Constance Classen, Mikhaël Elbaz, Nicholas Kasirer, Rod Macdonald, Ruth Murbach, Ron Niezen.

1. Austin Sarat et Thomas R. Kearns, eds., « The Cultural Lives of Law » dans Law in the the Domains of Culture, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1998, 5. Les auteurs poursuivent: « In the last fifteen years, [...] first with the development of critical legal studies, and then with the growth of the law and literature movement, and finally with the growing attention to legal consciousness and legal ideology in sociolegal studies, legal scholars have come regularly to attend to the cultural lives of law and the ways law lives in the domains of culture ». On pourrait dire que ce développement a culminé dans le livre de Richard Sherwin, When Law Goes Pop: The Vanishing Line between Law and Popular Culture, Chicago, University of Chicago Press, 2000.

2. Voir Ronald Niezen, « Culture and the Judiciary: The Meaning of the Culture Concept as a Source of Aboriginal Rights in Canada » (2003) 18:2 R.C.D.S. 1; Michael Asch, « The Judicial Conceptualization of Culture after Delgamuukw and Van der Peet » (2000) 5:2 Rev. Const. Stud. 119.

3. Voir Charmaine M. Wong, « Good Intentions, Troublesome Applications: The Cultural Defence and Other Uses of Cultural Evidence in Canada » (1999) 42 Crim. L.Q. 367; Alison Dundes Renteln, The Cultural Defense, New York, Oxford University Press, 2004.

4. Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. ll.

5. E.B. Tylor, le premier professeur d'anthropologie à l'Université Oxford, définit la culture comme « […] that complex whole which includes knowledge, belief, art, morals, law, custom, and any other capabilities and habits aquired by man as a member of society ». E.B. Tylor, Primitive Culture, New York, Harper Torch Books, 1958, 1. Selon une définition plus contemporaine « social facts [traditions, practices, etc.] represent selections from larger sets of possibilities of which societies keep symbolic track, whether consciously or unconsciously, explicitly or covertly. Societies conceptualize themselves as select (in both senses) arrangements, valued against contrary arrangements that are in some way 'objectified' », James A. Boon, Other Tribes, Other Scribes, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, 52. Le concept de culture ne possède plus l'unité qui le caractérisait auparavant. Les cultures sont maintenant considérées partielles plutôt qu'entières, conjoncturelles plutôt qu'essentielles.

6. La jurisprudence transculturelle implique de voir (et d'entendre) le droit de toute juridiction des deux côtés, de l'intérieur et de l'extérieur, du point de vue de la majorité et de celui de la minorité, et de chercher des solutions qui résonnent à travers la faille. Pour reprendre les termes de Nicholas Kasirer, il faut donc faire le pas de sortir de « l'Empire du droit » (même si ce n'est que temporairement) et tenter de prendre pied dans le « cosmos du droit ». Voir Nicholas Kasirer, « Bijuralism in Law's Empire and in Law's Cosmos » (2002) 52 J. Legal Educ. 29.

7. Clifford Geertz, « The Uses of Diversity » dans Available Light, Princeton, Princeton University Press, 2000, 68 aux pp. 79, 86. Voir aussi John Comaroff et Jean Comaroff, « Policing Culture, Cultural Policing: Law and Social Order in Postcolonial South Africa » (2004) 29 Law & Soc. Inquiry 513 at 545.

8. Sur les politiques de l'identité, voir Charles Taylor, « The Politics of Recognition » in Multiculturalism and 'The Politics of Recognition', Princeton, Princeton University Press, 1992, 25.

9. Alison Dundes Renteln, The Cultural Defense, New York, Oxford, 2004 [Renteln].

10. Tout aussi problématique, selon Renteln, est l'acceptation furtive de la preuve culturelle, qui est alors tantôt confirmée et tantôt rejetée (en tant que « abus de discrétion ») en appel. « There is no uniformity in the way culture is handled by the courts, and this variation leads to dissimilar outcomes, sometimes for similar offenses ». Ibid. à la p. 185. D'où le besoin pour « [...] statutory authorization of the admissibility of cultural evidence in the courtroom ». Ibid. à la p. 206.

11. Renteln réfère à l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, 999 R.T.N.U. 171, art. 9-14, R.T. Can. 1976 n° 47, comme l'une des sources du « droit à la culture », mais dénonce son utilisation relativement restreinte. Ibid. à la p. 213.

12. En droit pénal, par exemple, de nombreuses défenses – incluant l'auto-défense, la provocation, l'erreur sur les faits – exigent que l'accusé démontre avoir agi de la manière qu'une personne raisonnable l'aurait objectivement fait dans les circonstances. Or, la culture modifie la perception des circonstances, avec le résultat que des personnes d'autres cultures paraissent avoir agi de manière non raisonnable, alors que leur comportement était dans les faits conforme à la norme objective de leur propre culture. Cet écart doit faire partie de la recherche judiciaire des faits pertinents selon Renteln.

13. Ibid. aux pp. 217, 203.

14. Ibid. à la p. 217. Je pense que la conception qu'a Renteln du préjudice devrait être dédoublée, tenant compte de la contribution de Heather Douglas dans ce numéro, qui parle des niveaux culturels et sous-culturels. Voir Terry Hoople, « Conflicting Visions: SM, Feminism, and the Law. A Problem of Representation » (1996) 11:1 R.C.D.S. 177.

1. 5 R. c. Lucien [1998], A.Q. n° 8 (C.Q.) aux para. 6-7.

16. « The Haitian Embassy in Ottawa called the judgment 'a grave insult to the Haitian people' and insisted on the fact that rape is severely punished in Haiti ». Pascale Fournier, « The Ghettoisation of Difference in Canada: 'Rape by Culture' and the Danger of a 'Cultural Defence' in Criminal Law Trials » (2002) 29 Man. L.J. 81, n. 78.

17. R. c. Lucien [2000], R.J.Q. n° 2 (C.A.). Voir la présentation de cette décision dans Fournier, ibid.

18. Concernant l'image d'hommes noirs, Fournier cite Fanon : « One is no longer aware of the Negro, but only of a penis: the Negro is eclipsed [... ] He is the penis ». Ibid. aux pp. 93 94. Quant aux femmes de couleur, Fournier réfère à Razack: « Racialised women [...] are considered inherently less innocent and worthy than white women, and the classic rape in legal discourse is the rape of a white woman ». Ibid. aux pp. 108-09.

19. Ibid. p. 84.

20. Cité dans R. c. Ammar N., [1994] A.Q. n° 522 at para. 19.

21. Fournier, supra note 16 à la p. 107.

22. Ibid. à la p. 112

23. Dans Campbell, le juge Moir commente le rapport de l'anthropologue Frances Henry comme suit : « the report, taken as a whole, suggests for the jurors to reason as Dr. Henry has done; that is, to allow generalizations about police and generalizations about members of the Black community to determine specific issues of fact ». (Voir l'article de Robert Currie dans ce numéro). On pourrait y opposer qu'il n'y a pas d'autre façon légitime de raisonner sur la 'race' que celle de Dr Henry, puisque tout autre manière traiterait la 'race' comme une catégorie objective plutôt que le construit social qu'elle est. Voir Gerald Berreman, « Race, Caste and Other Invidious Distinctions in Social Stratification » (1972) 13 Race 500-31

24. (2002), 209 N.S.R. (2d) 81 (N.S.C.S.).

25. Il est intéressant de lire comment, selon Renteln, la culture 'influence' le comportement individuel (à la fois dans le texte dans ce numéro et dans The Cultural Defense, supra note 9, c. 2) à la lumière de l'analyse de Currie sur la manière dont les cours construisent la « motivation individuelle ». La perspective anthropologique large de Renteln est visiblement à couteaux tirés avec celle des cours. Ce qui mène à une bataille entre anthropologues et juges sur la discipline qui commettrait la plus grossière « généralisation » dans l'interprétation du comportement humain (une question qui trame les contributions de Renteln et de Currie). Le besoin d'un dialogue (plutôt que de guerres de clocher) est évident.

26. Cet extrait de l'arrêt Campbell est cité dans Currie, ce numéro.

27. Citation de l'article de Mohr, ce numéro. D'autres articles qui se penchent sur cette question de manière exemplaire sont Jeremy Webber, « Multiculturalism and the Limits to Toleration » dans Lapierre, Smart et Savard, eds., Language, Culture and Values in Canada at the Dawn of the 21st Century, Ottawa, International Council for Canadian Studies and Carleton University Press, 1996; Bonaventura De Sousa Santos, « Vers une conception multiculturelle des droits de l'homme » (1997) 35 Dr. Soc. 79-96

28. L'analyse de Roy approfondie les déterminants historiques et socio-juridiques de la situation de Mme G. – tout ce que les cours n'ont que survolé. En le faisant, Roy illustre bien l'argument de Mohr, dans ce numéro, selon lequel « The act of interpretation is not a simple mechanistic application of the law to objective facts: the facts [and, I would add, the laws] themselves must be interpreted within a legal and social context. The judge is a participant in – and indeed a part of – that context. »

29. Nous connaissons le résultat que les cours canadiennes ont réservé à la demande Gitska-Witsuwit'en, voir Delgamuukw v. British Columbia, (1991) 79 D.L.R. (4th) 185, [1991] 3 W.W.R. 97. Si la situation avait été renversés et le procès avait eu lieu dans un hall de fête, le résultat aurait-il été différent? Voir Antonia Mills, Eagle Down is Our Law : Wtsuwit'en Law, Feasts and Land Claims, Vancouver, University of British Columbia Press, 1994.

30. Ce champ de l'esthétique a néanmoins été traité ailleurs. Sur l'iconographie et l'architecture du droit, voir par exemple, Martin Jay, « Must Justice Be Blind? The Challenge of Images to Law » dans C. Douzinas et L. Nead, eds., Law and the Image : The Authority of Art and the Aesthetics of Law, Chicago, University of Chicago Press, 1999; Richard Mohr, « Enduring Signs and Obscure Meanings: Contested Coats of Arms in Australian Jurisdictions » dans A. Wagner, T. Summerfield et F.S. Benavides, eds., Contemporary Issues of the Semiotics of Law, Oxford, Hart, 2005; Robert Jacob, « The Historical Development of Courthouse Architecture/La formazione storica dell'architettura giudiziaria » (1995-96) 14:30 Zodiac 43; voir aussi Desmond Manderson, Songs Without Music: Aesthetic Dimensions of Law and Justice, Berkeley, University of California Press, 2000.

31. Le troisième artiste présenté dans l'exposition Double jeu était Richard Purdy de Trois-Rivières, Québec, qui met en scène ce qui se présente comme installations archéologiques authentiques d'une civilisation indonésienne fantastique. Nous n'avons pas inclus son travail fascinant en termes d'effets de vérité puisque le lien avec le thème de ce numéro spécial est moins évident que dans les œuvres de Cole et de Noganosh.



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