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  • Espaces du féminin dans le roman français du dix-huitième siècle. SVEC 2004:01
  • Isabelle Brouard-Arends (bio)
Christophe Martin. Espaces du féminin dans le roman français du dix-huitième siècle. SVEC 2004:01. Oxford: Voltaire Foundation, 2004. viii+527pp. UK£69;€114;US$120. ISBN 0-7294-0834-5.

L'étude de Christophe Martin consacrée aux « espaces du féminin » dans la littérature romanesque française des Lumières complète celle de Henri Lafon, Les Décors et les choses dans le roman français du XVIIIe siècle, parue dans la même collection à la Voltaire Foundation. Elle la complète et lui donne une amplification en considérant la notion d'espaces, au pluriel, au travers de ce qui pourrait paraître, paradoxalement, une réduction par le féminin, mais Martin évite cet écueil en démontrant comment la fiction s'est polarisée autour du mundus muliebris en un féminocentrisme propre aux Lumières, et comment par voie de conséquence, l'univers du féminin (dont le sérail et le boudoir en seraient des modèles emblématiques) est un pôle privilégié d'appréhension de l'imaginaire des Lumières.

L'auteur justifie le choix du titre Espaces du féminin plutôt que espaces féminins par le souci d'éviter le piège d'une posture essentialiste, trop fréquente quand est abordée cette question du féminin, un féminin objet d'une construction qu'il importe de définir, d'élucider. Il convoque régulièrement des outils d'analyse freudienne, notamment cette notion du devenir-femme qui éloigne définitivement les représentations d'un éternel féminin chères au XIXe siècle.

La question de l'espace révèle des dimensions critiques insoupçonnées grâce à l'enquête minutieuse que mène Martin sur un corpus important de la littérature romanesque, près de soixante-dix romans dont les minores sont [End Page 151] un point d'ancrage et de réflexion au même titre que les romans les plus fameux, à quoi s'ajoute une vingtaine de textes non romanesques. Un index et une importante bibliographie complètent fort heureusement cette étude. Romans libertins, sentimentaux, pastoraux, contes, nouvelles historiques sont sondés pour établir une topographie romanesque dont les trois axes portent sur la géographie, le politique, l'économie. Tous ces romans sont traversés par le fantasme d'une sémiotisation du corps qui permettrait de révéler l'énigme de la féminité.

Les bornes historiques 1713–61, des premières œuvres de Marivaux à la Nouvelle Héloïse, confirment l'apparent paradoxe d'un siècle envahi par un espace féminisé, le boudoir et le sérail, sans que, pour autant, cette situation réponde à un pouvoir réel de la femme dans l'espace public et même domestique. L'espace est davantage un lieu où se déploie l'imaginaire et le fantasme masculins. Martin révèle clairement que les enjeux réels autour de la question de l'espace sont ceux du pouvoir homme/femme, ceux de la différence sexuelle. Le discours littéraire a participé, à sa manière, à cette grande question de la place de l'un(e) et de l'autre. Au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, à une période où la veine libertine est moins forte, les représentations dominantes vont dans le sens du resserrement sur l'espace domestique en relation avec la suprématie de la figure conjugale et paternelle dont le modèle tutélaire serait la Nouvelle Héloïse.

L'étude géographique s'emploie à tracer une cartographie des principaux lieux du féminin dans les romans de la période au cours de laquelle la topographie s'associe à une spatialisation du corps féminin. Le corps est, en effet, un « lieu fantasmatique d'une exploration ou d'une habitation, [un] lieu d'une production de signes plus ou moins déchiffrables, bref, [un] lieu d...

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