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  • Reviews/Comptes rendus
  • Philip Knee (bio)
Colas Duflo. Diderot philosophe. Paris: Honoré Champion, 2003. 543pp. €85. ISBN 2-74530-787-8.

À la réception d'une édition des œuvres de Diderot, Barbey d'Aurevilly s'agaçait de voir les volumes tomber les uns après les autres, trop gros et trop nombreux ... On serait tenté d'étendre la plainte aux commentateurs de ces dernières années, lesquels, non contents de multiplier les textes sur Diderot, ont aussi multiplié les acrobaties rhétoriques pour souligner son style rococo, son dialogisme, sa postmodernité ... Difficile de ne pas accueillir avec scepticisme ce gros volume de plus, publié sous la couverture rigide de chez Champion, et ambitionnant lui aussi de couvrir la totalité de l'œuvre. L'unité de celle-ci n'y est pas cherchée dans la façon d'écrire (ce qui est traité brièvement dans une belle introduction), mais du point de vue philosophique. Il n'empêche que le projet ne paraît guère novateur, et l'auteur souligne d'emblée que son livre n'échappe pas au découpage classique qui fait se succéder la philosophie de la connaissance, la philosophie morale et politique, et l'esthétique. Comme d'autres avant lui, Colas Duflo s'appuie sur [End Page 272] la critique du finalisme pour situer les autres grandes thématiques, en s'efforçant toutefois de ne pas répéter certaines analyses philosophiques bien connues, qui n'exigent pas, à ses yeux, d'être reprises—comme celle de Belaval sur le théâtre chez Diderot, qui ne retient donc pas son attention. Cependant on est frappé par la netteté et la fraîcheur de l'ouvrage qui en résulte. Ni le plan adopté par l'auteur ni les analyses des textes qu'il propose n'apporte à proprement parler du neuf, mais l'ouvrage séduit par sa clarté et son économie et il mérite à ce titre de trouver place dans les bibliothèques diderotiennes. Il est à la hauteur du défi qu'il se donne et de l'énigme qu'il formule: peut-on rendre compte d'une philosophie multidimensionnelle pour laquelle n'existe véritablement que le physique? Duflo répond par un patient cheminement qui évite à la fois la mode intellectuelle, la boursouflure érudite et l'aplatissement de la pensée de Diderot. Il traite les unes après les autres certaines difficultés classiques de cette pensée et il intègre soigneusement ses paradoxes les plus embarrassants à une lecture d'ensemble. C'est le cas notamment pour le thème de la liberté, dans la fameuse lettre à Landois, Duflo ne cherchant pas à défendre vainement l'idée de liberté puisqu'elle n'est guère défendable dans le cadre d'une philosophie matérialiste. Notons aussi les analyses précises du rapport de Diderot au stoïcisme, à partir des remarques sur Sénèque dans l'Essai sur les règnes de Claude et de Néron; et de sa morale dans l'Entretien d'un philosophe avec la maréchale de***, qui est judicieusement choisi comme texte introductif à toute cette problématique. Soulignons enfin la méthode du chapitre sur l'esthétique, où Duflo commence par se demander pourquoi la signification philosophique des écrits de Diderot sur l'art a toujours été si difficile à circonscrire. Sa réponse est en substance que nous les lisons anachroniquement aujourd'hui à travers une grille kantienne, celle-ci nous étant devenue invisible par l'habitude. Or, la portée de ces textes critiques ne ressort qu'à la condition de nous défaire de cette grille et de revenir en arrière pour chausser des lunettes précritiques—à quoi Duflo s'efforce de nous aider, plutôt que de suivre lui-même les infinis méandres des Salons.

Un exemple en particulier permet d'illustrer l'esprit de l'ouvrage et d'indiquer ce qu'il accomplit: celui de la politique. Duflo prend pour ainsi dire le taureau par les cornes, en s'interrogeant sur ce que peut bien être une politique fataliste. Le court chapitre (une trentaine de pages) qu'il consacre aux...

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