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  • Un parcours philosophique:du désenchantement du monde à la compassion
  • Alicia H. Puleo

Depuis ses débuts, la philosophie s'est intéressée à la Nature mais la crise écologique contemporaine a changé la perspective de sa réflexion. Il est vrai que la conceptualisation de la Nature a toujours comporté une définition de 'l'homme' et, très souvent aussi, des normes morales, des modèles d'organisation politique et des paradigmes esthétiques. La métaphysique, la morale et la politique, ainsi que l'Esthétique et d'autres disciplines philosophiques entretiennent des rapports qui ne sont pas toujours évidents, mais qui peuvent être découverts par un regard attentif surtout quand on profite d'un recul historique nous permettant de repérer les grandes tendances d'une époque. D'une façon ou d'une autre, le discours sur la Nature a toujours dépassé le cadre purement descriptif pour renvoyer au normatif. Aujourd'hui, les problèmes dérivés de notre puissance technologique demandent plus que jamais une redéfinition de l'humain et de la Nature.

Longtemps, la Nature a été perçue comme phusis éternelle, soumise à des cycles inaltérables, source puissante, divine, tantôt mère, tantôt marâtre selon des lois qui lui étaient propres. Puis, pendant des siècles, une fois Dieu installé très loin d'elle dans un ciel pur et étoilé, la Nature a été rendue coupable des péchés de la chair. Elle cachait des esprits maléfiques ou bienfaisants. Des hérétiques lui rendaient hommage par des anciens rites païens interdits. Plus tard, ces esprits ont déserté les bois, les mers et les lacs, chassés par la science et la technique. Au temps de Hegel et de Marx, elle était encore ce qu'il fallait transformer pour créer ce qui est proprement humain. Aujourd'hui, on se demande si l'humanité survivra à la disparition de la Nature1 .

La Nature : peu de mots se trouvent depuis quelques décennies au centre d'une polémique si vive que celle qui traite de nos rapports avec l'environne-ment, avec les animaux non humains et avec nous-mêmes en tant qu'organismes vivants avec des besoins et des limites dont nous ne sommes pas toujours conscients. Au sein de la philosophie morale, il s'est créé un domaine spécifique nommé « éthique environnementale » ou « éco-éthique », une sorte de commission de crise face à un problème inédit : la Nature n'est plus naturelle et ce changement devient menaçant pour notre qualité de vie et notre santé. La conquête techno-scientifique et la mondialisation transforment les lieux les plus éloignés et apparemment vierges. Le changement climatique touche même les [End Page 5] rares endroits où l'homme n'est jamais arrivé. Le bulletin météo—ce sujet de conversations jadis banales—est devenu un enjeu politique. Il s'agit surtout de ne pas troubler le repos satisfait des citoyens. Par conséquent, d'habitude, le discours des médias s'empresse de mettre en rapport la sécheresse, les inondations ou les ouragans avec certains événements similaires produits il y a cinquante ans, cent ans ou plus, si possible, question de laisser entendre que de pareils phénomènes ont toujours existé et qu'ils n'ont rien à voir avec un changement climatique causé par la société industrielle et de consommation.

Nature ou environnement ? Comme il arrive souvent, le choix des mots n'est pas innocent. Même si l'éthique de l'environnement est la dénomination commune à tous les courants, ceux qui préfèrent parler d'environnement sont placés du côté des éthiques anthropocentrées, c'est-à-dire de celles qui ne tiennent en compte que les intérêts des humains vivant actuellement ou dans l'avenir (éco-justice intergénérationnelle). L'environnement n'est que le décor dans lequel l'Homme continue ses exploits. Ceux qui, par contre, reconnaissent une valeur inhérente à d'autres êtres vivants utilisent davantage le mot Nature, si riche en connotations philosophiques et littéraires et...

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